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Quand les plantes répondent aux sons : le mystère de la phyto-acoustique

Quand les plantes répondent aux sons : le mystère de la phyto-acoustique

Les plantes ne captent pas seulement les ondes transmises dans le sol : en laboratoire, on a diffusé à des spécimens d’arabette des dames, une plante de la famille des brassicacées, le son produit par une chenille de papillon broutant une feuille. Les plantes exposées à ce bruit ont émis dans leur feuillage des molécules néfastes destinées à repousser le supposé assaillant.

Lors de la même expérience, ces plants, exposés à d’autres types de sons naturels (vent dans les feuilles, chants d’autres insectes) n’ont pas réagi par une réponse chimique perceptible.

La phyto-acoustique est loin d’avoir livré tous ses mystères : une équipe de 18 chercheurs de l’Université de Tel-Aviv, en Israël, a découvert que l’onagre bisannuelle modifie la composition de son nectar en moins de trois minutes lorsqu’elle capte le bourdonnement d’un papillon ou d’une abeille butineuse passant à proximité. En élevant le taux de sucre (jusqu’à 20 % de plus) de son nectar pour le rendre plus attractif, la plante reçoit une plus longue visite de l’insecte sur sa fleur et donc une plus grande quantité de pollen se colle sur les pattes de l’insecte. Le plant a ainsi davantage de chance de féconder d’autres fleurs d’onagres dans le même secteur et de transmettre son patrimoine génétique à la génération suivante.

Pourquoi l’onagre ne produit-elle pas spontanément du nectar plus sucré tout le temps ? Parce que cela nécessite beaucoup d’énergie, et si aucun insecte butineur ne passe dans les parages, la dépense énergétique est vaine.

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La production de sucre dans le nectar de l’onagre est liée aux fréquences des bourdonnements des insectes pollinisateurs ; dans l’expérience israélienne, seuls les plants d’onagre exposés à des fréquences basses, comprises entre 0,2 et 0,5 kHz, ont produit plus de sucre pour leurs fleurs.

Attirer les pollinisateurs avec efficacité est une question de première importance pour les plantes à fleurs, car la grande majorité d’entre elles (87,5 %) dépendent de la pollinisation animale pour leur reproduction.

La forme des fleurs n’aurait pas seulement pour but d’inviter les insectes, elle jouerait aussi un rôle dans la capacité de la plante à capter et à absorber les vibrations de l’air engendrées par les ailes des papillons, des bourdons et des abeilles. Par exemple, la disposition concave de plusieurs fleurs, rappelant une antenne parabolique, permettrait de mieux concentrer les ondes sonores. Après avoir amputé certaines fleurs d’onagre d’un ou de plusieurs pétales, les chercheurs ont observé que ces plants étaient moins réceptifs aux fréquences de bourdonnement des insectes butineurs.

Les vibrations des ailes des insectes butineurs font vibrer à leur tour les pétales des fleurs de l’onagre, engendrant une réaction comportementale rapide de la plante qui concentre davantage les sucres dans son offre nectarifère.

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Plantes et musique : pseudoscience

Dans les années 1970, quelques ouvrages de pseudosciences ont laissé croire que les plantes affichaient une sensibilité à des « champs d’énergie » ou à des « vibrations » particulières. Cela a poussé certains à conclure qu’elles préféraient la musique classique aux musiques pop ou rock, en affirmant avoir constaté des taux de croissance supérieurs lorsque les plantes étaient exposées à des œuvres de Chopin, Mozart ou Sibelius. Jusqu’à présent, faut-il le préciser, aucune expérience sérieuse et reproductible, publiée dans une revue scientifique, n’a confirmé une telle préférence.

Si les plantes sont bel et bien sensibles aux sons, elles ne différencient pas le bruit de la musique. C’est la sélection naturelle qui explique le phénomène par lequel elles perçoivent les ondes sonores : puisqu’il existe un avantage évolutif à détecter la présence d’une ressource aussi fondamentale que l’eau dans le sol, ou la présence d’une menace, la réalité de telles capacités ne fait pas de doute.

Est-ce que la capacité tactile des plantes, telle qu’elle est expli- quée au chapitre précédent, pourrait expliquer leur sensibilité aux ondes sonores ? Possiblement, car après tout, le son est une énergie vibratoire qui voyage dans différents supports — le sol, l’air, l’eau ou les tissus des végétaux — et les fréquences les plus basses ont la possibilité de faire entrer en vibration différents corps physiques.

Le son, tout comme la lumière, est un phénomène dont les composantes mécaniques peuvent être captées et interprétées comme autant de signaux, positifs ou négatifs, quant aux conditions environnementales dans lesquelles vivent les végétaux.

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L’énergie acoustique, vibratoire, est présente dans tous les milieux naturels, dans tous les types d’habitats, sur les rives des étangs et des lacs, en forêt profonde ou à l’orée des bois, sur les sommets dénudés ou dans les vallées humides.

En bon animal entendant que nous sommes, nous présumons que la communication nécessite un appareil auditif spécialisé pour capter les vibrations. Or, les plantes n’en possèdent pas. Les orga- nismes rudimentaires, comme les bactéries, n’en ont pas non plus. Ce qui ne les empêche pas de capter, d’analyser et de réagir à des stimuli sonores, et même d’en émettre comme l’a remarqué une équipe de recherche japonaise en 1998. Celle-ci a démontré que la bactérie Bacillus subtilis émet des sons dans des plages de fréquences comprises entre 8 et 43 kHz et qu’une proche voisine, Bacille carboniphilusles capte. Selon les scientifiques qui ont étudié le phénomène, cette émission-réception d’ondes vibratoires entre bactéries, à l’échelle microscopique, jouerait un rôle dans la régulation de leur croissance.

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Ce texte est un extrait de l’ouvrage «Les chants perdus de la nature», paru aujourd’hui aux Éditions MultiMondes. Reproduit avec permission.

«La science dans ses mots» est une tribune où des scientifiques de toutes les disciplines peuvent prendre la parole, que ce soit dans des lettres ouvertes ou des extraits de livres.

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