Sous un abri vélo, quelques étudiants sont attablés. L’après-midi s’achève à l’UFR Staps de l’université Paris Est Créteil (Upec). « Pas terrible, hein ! » lance cet enseignant. Professeur à la faculté des sports, venu du secondaire, il est mobilisé avec ses collègues pour obtenir une revalorisation des primes liées à leurs missions administratives. Un mouvement national né après la loi de programmation recherche qui différencie le régime indemnitaire des enseignants et enseignants chercheurs, au regard de leur statut.
Réunis en AG jeudi soir, les enseignants de Staps détaillent aux étudiants pourquoi cette rentrée n’est pas comme les autres, pourquoi ils assurent les cours mais plus leurs autres fonctions. À l’administration désormais de composer les groupes de TD, de préparer les stages, le recrutement d’enseignants vacataires… « Cela nous fissure », assure ce prof.
Les annonces de la ministre du 7 septembre, (nouveau cadre réglementaire, primes réévaluées dès cette année) ne les ont pas convaincus. « C’est un effort de 50 millions d’euros dans un contexte budgétaire complexe. Cela montre une reconnaissance », fait valoir le ministère de l’Enseignement supérieur.
En première année de médecine, 1 200 inscrits contre 600 habituellement
Mais derrière cette mobilisation, soutenue par le conseil d’administration de l’Upec, qui a voté une motion à l’unanimité, selon le président de l’université, Jean-Luc Dubois-Randé, un autre malaise surgit : le manque de moyens. « Inquiets », les enseignants de Staps revendiquent « une amélioration des conditions de travail ainsi que des conditions d’enseignement et d’apprentissage des étudiants ».
L’université du sud-est parisien est devenue l’une des plus importantes, attirant des jeunes principalement du Val-de-Marne, de Seine-et-Marne, de Paris et de l’Essonne. Près de 42 000 sont inscrits en cette rentrée. Ils étaient 30 000 il y a cinq ans. Avec des situations inédites : plus de 1 200 jeunes se retrouvent en première année de médecine, soit le double des possibilités, autant en droit etc. En cinq ans, la démographie a ainsi grimpé de 19,5 % contre 5 % au niveau national.
Et les moyens ? La subvention allouée par l’État au titre du service public de 210 millions d’euros n’aurait grimpé que de 10 millions, soit rapporté à chaque étudiant « une baisse de 600 à 700 euros », selon les enseignants.
« On a suivi les injonctions de l’État mais on ne nous a pas accompagnés »
« On a suivi les injonctions de l’État, on a accueilli les étudiants, mais on ne nous a pas accompagnés », dénonce à son tour Jean-Luc Dubois-Randé qui se dit « très en colère ». Et de regretter une situation de « déficit », dans laquelle l’État a plongé l’établissement : « C’est l’État qui fixe les capacités d’accueil ». Au point de devoir faire « des économies de masse salariale ».
Selon ses calculs, il manque au minimum 20 millions d’euros. Une situation d’autant plus complexe que « la hausse de la démographie, on le sait va se poursuivre. Il y a un déplacement des populations et une très forte attente des élus notamment pour une présence de l’université sur leur territoire. »
Le ministère « à l’écoute »
L’Upec n’est pas la seule en difficulté. Mais les différences entre établissements de même strate interrogent : « Par rapport à Nantes, notre dotation est inférieure de 40 millions », relève cet enseignant. Ce dernier est d’autant plus en alerte que le manque de moyens, soit selon lui moins d’enseignants embauchés et donc plus de charges pour ceux en place, pèse sur « la réussite des élèves ». Des élèves qui sont souvent boursiers, issus de la diversité etc. et ont donc besoin d’être « accompagnés ».
En début de mois, le président de l’Upec a été reçu au ministère pour évoquer cette dotation qui « n’est pas à la hauteur ». Ce dernier se dit « en appui, en écoute et en accompagnement avec les moyens dont on dispose. Il n’y a pas une université qui ne connaisse pas de hausse du nombre d’étudiants. L’Upec n’est pas plus mal traitée ou mieux traitée qu’une autre, chaque université a une histoire différente. La dotation n’a jamais baissé et a même progressé. »
« Pour accompagner l’Upec dans ses difficultés financières et immobilières », un contrat d’objectifs et de performances sur des sujets précis a été proposé. Soit des crédits supplémentaires début 2024. « Cela représente 0,8 % à 1,2 % de la subvention totale, c’est déjà ça mais ce n’est pas beaucoup », pointe Jean-Luc Dubois-Randé.
Une solution trouvée pour les étudiants privés de chauffage à Pyramide
Symbole de ces difficultés, le bâtiment Pyramide à Créteil qui abrite les sciences de l’éducation et sciences sociales. L’hiver dernier, les cours ont basculé en distanciel face au manque de chauffage des locaux, loués à un bailleur privé. Depuis ? « Les toilettes ne sont pas réparées, il manque toujours des dalles au plafond. Ils ont refait les peintures du hall… », note cette étudiante en deuxième année de licence.
Le chauffage aurait été rétabli au premier étage, selon les dires du bailleur. Mais l’université, qui a lancé plusieurs actions en justice, n’a guère confiance. Sept millions d’euros ont été débloqués par l’État pour la construction d’un futur bâtiment, à l’Echat, sur un terrain fourni par la ville de Créteil. Alors d’ici là, la direction de l’université a préféré chercher « un plan B ».
« Nous avons trouvé avec l’appui du rectorat et du cabinet de la ministre de beaux locaux à Villejuif au pied du futur métro, avec une solution de restauration, annonce Jean-Luc Dubois-Randé. Les étudiants pourraient y déménager en fin d’année, si nécessaire. » Premier rayon de soleil en cette rentrée difficile à l’université.
2023-09-19 08:00:00
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