Nouvelles Du Monde

La réalité des mines de cobalt en République démocratique du Congo

La réalité des mines de cobalt en République démocratique du Congo

Nous nous trouvons à Kamilombe, dans la banlieue de Kolwezi – une ville du sud de la République démocratique du Congo (RDC), l’un des pays les plus pauvres au monde – sur une concession de la société d’État Gécamines, occupée illégalement par une foule de mineurs. Le site est rempli de déchets plastiques, de cabanes en briques et de bâches. Un bidonville déserté qui est quotidiennement envahi par entre 5 000 et 15 000 creuseurs, comme ce 20 juin. Il s’agit d’une mine “artisanale”, qui extrait du cuivre et du cobalt.


Le cobalt est l’un des premiers mots que l’on apprend dans cet État africain. Il s’agit d’un métal clé de la transition énergétique. Chaque téléphone en contient quelques grammes et la demande explose avec l’arrivée des véhicules électriques : une Tesla ordinaire contient dix kilos de cobalt dans sa batterie. La RDC est de loin le principal fournisseur, avec 73% du cobalt arrivant sur le marché en 2022, une part qui devrait encore augmenter selon le cabinet Intelligence de référence.

Lire aussi : Tesla tente d’acheter des parts de Glencore, ou quand l’automobile investit dans la mine

Un site dévasté

Cependant, l’extraction de ce matériau incontournable dans un monde neutre en CO2 peut se faire dans des conditions épouvantables, parfois par des enfants esclaves, selon de nombreux rapports. Est-ce réellement le cas ? Comment fonctionne cette industrie ? À quoi ressemblent les mines ? Ce sont des questions que le Cobalt Institute, le regroupement du secteur, a voulu aborder avec la presse en ouvrant les portes de certaines des mines les plus spectaculaires de la planète. Dans la province de Lualaba, au sud de la RDC, Le Temps et une vingtaine de journalistes, analystes et ONG se sont plongés dans un univers où se mêlent ténèbres et nuances, extraction industrielle, informelle ou illégale, souvent bien rémunérée mais périlleuse. Des Suisses, des Congolais, des Chinois. Des poussières rouges et des pierres renfermant des trésors.

Lire aussi  Escargot : un agriculteur gagne de l'argent en élevant 300 000 mollusques par an après avoir commencé « comme une blague »

Cette richesse est extraite à Kamilombe par des “mineurs artisanaux”, qui utilisent des outils rudimentaires tels que des maillets ou des burins, alors que l’exploitation “industrielle” utilise des machines géantes. Ces mineurs, également appelés “creuseurs” ou ASM (“artisanal small-scale mining”), descendent jusqu’à 30 mètres sous terre pour extraire les minerais, au péril de leur vie. Il y aurait des milliers de puits et de tunnels ici, certains abandonnés, d’autres recouverts de bâches et de tôles. Le site ressemble à s’y méprendre à un site bombardé.

Photo Cobalt Episode 1 — © Richard Etienne / Le Temps

Un nombre croissant d’ONG et de médias dénoncent les conditions d’extraction des métaux, en particulier du cobalt, dans un monde post-pétrolier. Cependant, presque personne n’a accès aux mines. Pour voir Kamilombe, il a fallu obtenir l’accord de trois autorités politiques différentes, y compris le ministère des Mines. Jamais auparavant un tel groupe de visiteurs n’avait pu s’y rendre.

Lire aussi : La bataille pour les métaux de la transition énergétique
Lire aussi  6 points d'objection à Putri Candrawati après que le procureur a abandonné l'acte d'accusation

Des gisements bénis par les dieux

Un best-seller américain publié cet hiver, Cobalt Rouge, commence par une révolte à Kamilombe le 21 septembre 2019, suite à un glissement de terrain qui aurait causé la mort de 63 personnes. Seuls quatre corps auraient pu être récupérés à la surface. Le livre de Siddharth Kara dénonce les atrocités, les enfants forcés de creuser, abattus s’ils refusent de coopérer et vivant de cacahuètes. Il suscite des débats jusqu’à la Maison Blanche. Selon ces rapports, les principaux négociants en métaux auraient évité la production des ASM. Personne ne veut être associé aux creuseurs. En RDC, les principales mines industrielles sont exploitées par Glencore, une société suisse, et CMOC, un conglomérat chinois basé à Genève. Les deux nous ont exceptionnellement ouvert leurs portes. Mais revenons d’abord à Kamilombe.

Les sacs qui sortent du puits de Kadogo contiennent de l’hétérogénite, une roche noire dont provient le cobalt, et de la malachite, de couleur turquoise, riche en cuivre. Ils sont transportés dans un dépôt s’ils ne passent pas par l’étape des laveuses, des femmes qui les nettoient dans un étang voisin pour en enlever les impuretés. Tout cela se fait sous la supervision d’une coopérative financée par les ventes de minerais.

Lire aussi  Écoles publiques de Latta - Informations sur le transfert

Les pierres que nous suivons arrivent au Dépôt 52, une petite cabane en tôle, où elles sont vendues à un “négociant”. Une bâche affiche les prix, qui peuvent varier quotidiennement en fonction des cours des métaux à Londres. Pour fixer les prix, il faut également déterminer leur teneur en métaux.

Photo Cobalt Episode 1 — © Richard Etienne / Le Temps
Photo Cobalt Episode 1 — © Richard Etienne / Le Temps

Un sac est versé sur une plaque en béton à cette fin. Les personnes émiettent son contenu avec des pelles et des tamis. Il en résulte une poudre noire séchée sur un feu puis mise dans un sachet. Ce dernier est examiné à l’aide d’un Metorex, un outil de diagnostic : 8% de cobalt aujourd’hui, une bonne moyenne qui ferait envie dans d’autres pays. Nous sommes ici au cœur de la ceinture de cuivre africaine, où les gisements sont bénis par les dieux.

Huit pour cent équivaut à 7600 francs congolais (2,8 francs suisses) le kilogramme. Les sacs sont vendus et entreposés à l’arrière du dépôt. Ils deviennent maintenant la propriété d’un Chinois.


Demain dans la journée, lisez ici le prochain épisode : “Mourir, c’est un risque calculé”

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

ADVERTISEMENT