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Val-d’Oise : quand les cours d’eau enfouis depuis des décennies retrouvent leur place dans le paysage

Val-d’Oise : quand les cours d’eau enfouis depuis des décennies retrouvent leur place dans le paysage

Un doux bruit de clapotis se fait désormais entendre à proximité du centre-ville d’Ézanville, commune de quelque 10 000 habitants située à l’est du département du Val-d’Oise. Après des décennies passées sous terre, le Petit-Rosne, cette rivière qui prend sa source à Baillet-en-France pour s’écouler jusqu’à son confluent avec le Croult à Garges-lès-Gonesse, respire depuis ce vendredi à l’air libre sur un tronçon de 220 m, le long du complexe sportif de la Prairie.

L’ouverture au public devrait intervenir à l’été. D’ici là, des chemins piétonniers seront créés de part et d’autre de la rivière, deux passerelles en métal posées pour permettre sa traversée, les tables de ping-pong réinstallées comme le terrain de pétanque. Plus de six mois de travaux et 1,7 million d’euros auront été nécessaires à ce travail de renaturation. Le chantier a consisté à faire un nouveau lit sinueux pour la rivière jusqu’alors enterrée dans des canalisations en béton et à transformer la mare existante en zone humide. 800 m3 de vase ont été extraits.

Les poissons déplacés le temps des travaux

« Pour cela, il a fallu au préalable déplacer les poissons et tortues qu’elle accueillait dans une mare voisine, ôter les plantes invasives tels que des bambous et la renouée du Japon, explique Éric Chanal, directeur général du syndicat intercommunal d’aménagement hydraulique (SIAH) des vallées du Croult et du Petit-Rosne. On recrée un écosystème et tout l’enjeu est de ramener des végétaux qui puissent contribuer à la purification des eaux. »

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Cette petite révolution dans la gestion des rivières en milieu urbain tend à se développer un peu partout en Île-de-France. « En quelque sorte, on revient en arrière, explique Éric Chanal. Jusque dans les années 1970-1980, on bétonnait et on enterrait les rivières pour des raisons d’urbanisme et des questions sanitaires, car les eaux usées s’y déversaient. » Seulement, cette décision n’a pas été sans conséquence. Les habitants d’Ézanville, de Moisselles et du village de Sarcelles peuvent en témoigner. En 1992, leurs communes ont été inondées. Pendant trois semaines, ils ont vécu les pieds dans l’eau. « Le problème n’est pas tant l’eau de la rivière que les eaux de ruissellement qui ne trouvent plus d’endroit où s’écouler, explique Éric Chanal. Avec cette renaturation, la rivière peut monter en charge. Elle peut même sortir de son lit. »

Ezanville. Dans un ou deux ans, avec la végétalisation, voici à quoi devraient ressembler les berges du Petit-Rosne. SIAH/François David

La preuve à Sarcelles, qui a redécouvert le Petit-Rosne en 2014 sur 150 m de long. « Nous avons été un site pionnier, explique Joël Le Calvez, l’actuel président de l’association de sauvegarde et d’aménagement des rivières (Assars). Cela s’est fait en deux temps. En 2003, le SIAH a ouvert la rivière en la bordant encore de béton. En 2013, on est allé plus loin en réaménageant et en élargissant le lit en utilisant le génie végétal. En mai 2020, en plein confinement, il y a eu de fortes précipitations, la rivière est sortie de son lit pour aller juste devant la salle André-Malraux, mais vingt minutes plus tard, elle l’avait réintégré. Si nous n’avions pas rouvert la rivière, nous aurions vécu une situation quasi identique à celle de 1992 (le 31 mai de cette année-là, une crue avait provoqué de graves dégâts dans la ville) », assure-t-il.

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Retour des chauves-souris et des libellules

Outre cet enjeu sécuritaire, la renaturation en revêt d’autres, notamment écologiques, en favorisant la biodiversité. Seulement, les urbains ne sont pas tous enthousiastes à voir la nature s’épanouir librement. « On a toujours une frange de la population qui considère qu’une rivière doit avoir des berges engazonnées à ras. Ils ne comprennent pas la présence d’orties, d’herbes hautes. Mais pour que la biodiversité se développe, il faut tout cela », poursuit Éric Chanal, qui souligne l’apparition de poissons à Sarcelles, ou encore de chauves-souris et de libellules dans la zone humide de 12 ha à Gonesse.

À Ézanville, les mêmes craintes se sont fait jour. « Les habitants étaient réticents, rappelle le maire, Éric Battaglia. Certains ne savaient même pas qu’ils avaient une rivière sous leurs pieds. Depuis qu’ils ont vu la création du lit, ils sont rassurés. L’éclosion de cette rivière, c’est une vraie réussite. J’ai hâte de voir la végétalisation. » Des joncs, des iris et des carex devraient pousser dans la zone humide, les berges seront ensemencées et agrémentées par la plantation d’arbustes.

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« L’objectif est aussi de créer un îlot de fraîcheur à proximité du centre-ville où les habitants puissent venir se détendre, indique Deborah Tanguy, la directrice générale adjointe du SIAH. Mais aussi de créer une trame verte et bleue afin de découvrir à pied la rivière. Partout où cela est possible, nous souhaitons rouvrir le Petit-Rosne. » Aujourd’hui, sur ces 21 km, un peu moins de 17 km s’écoulent encore dans des canalisations. L’idée est que le Petit-Rosne prenne la lumière à différents endroits.

Le SIAH a des projets plein ses cartons dans ce sens. « Les retours d’expérience positifs sont notre meilleure publicité. Nous avons aujourd’hui dix à douze projets bien avancés qui sont le résultat des travaux réalisés à Sarcelles et à Gonesse. Nous travaillons sur la traversée de Gonesse. Le Croult sera déterré dans le Vieux-Pays à Goussainville, précise Éric Chanal. À Sarcelles et Arnouville, nous allons rouvrir le Petit-Rosne sur 500 à 600 m à la limite des voies ferrées, il y a aussi la restauration de la rivière au Cèdre Bleu à Sarcelles, énumère le directeur général. C’est une sorte de puzzle que nous tentons de reconstituer. »

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