Wesley, la France du foot a oublié ton nom. Pourtant, à l’aube des années 2010, tu étais un grand espoir tricolore recruté par Newcastle. Que s’est-il passé depuis ?
En signant à 17 ans à Newcastle, j’ai grillé des étapes et je ne m’attendais qu’à mieux ensuite. Sauf que je me suis fait les croisés deux fois, j’ai fait des mauvais choix de carrière, avec un entourage très mal intentionné. J’ai été arnaqué, j’ai fini surendetté. Après une retraite prématurée, je suis revenu au Blanc-Mesnil. Je voulais partager. Je me suis recréé une identité hors foot, en étant animateur pour la ville. J’avais une association de quartier à côté, avec l’envie de créer du lien social pour redynamiser le quartier. En 2019, j’ai même lancé une boîte de petit-déjeuner pour entreprise, je n’avais pas envie de revenir dans le football. Je ne regardais même plus de matchs. Et j’ai finalement lié tout ça et le ballon en mai 2021 avec MSG Consulting, une société d’agents, destinée à aider les joueurs à se reconvertir. J’ai envie de remercier ainsi tous ceux que j’ai croisés dans mon parcours, notamment au Havre. Je ne dis pas ça pour faire un beau narrationmais sans le foot, j’aurais fini dans la rue.
Ton échec sportif est devenu ta force. À quel moment tu l’as compris ?
Je travaillais avec les jeunes, donc j’avais déjà un peu le côté « agent », hors du foot. Mais j’avais besoin de digérer ma retraite précoce, ça m’a pris du temps. Et je ne voulais pas revenir dans le foot pour être un agent de plus, et faire comme tout le monde. Je voulais y amener la fibre associative… J’ai rencontré plein de gens hyperengagés, investis. Et là, j’ai compris qu’il y avait plein de choses à faire dans le foot. J’avais peu d’estime pour moi, puis j’ai compris que mon parcours n’était pas une honte, mais une force. On a commencé à m’appeler pour témoigner, et j’ai vu qu’il y avait un capital business derrière mon histoire.
Reprenons depuis le début : tu quittes ta ville du Blanc-Mesnil à 10 ans, pour signer au Havre. Que te reste-t-il de tes sept ans de formation ?
C’était les sept meilleures années de ma vie. Au centre, tu es dans une grande famille, tu vis tout avec tes potes, des grandes victoires, des échecs, des décès, des disputes… Toutes nos vies étaient liées, et on s’entraidait. Nos éducateurs étaient extraordinaires, du matin au coucher. J’ai encore beaucoup d’amis au Havre, je m’étais bien intégré dans les quartiers. Au centre, on avait Digard, Lass Diarra, Ben Mendy, Mandanda… Je jouais avec Tabanou, Nestor ou encore la légende Jean-Pascal Fontaine. C’est abusé, Le Havre, en vrai ! Le HAC m’a éduqué, je leur dois tout. Je me régale à le suivre cette saison, comme Newcastle ! Puis, je suis un enfant du 93, donc si le Red Star monte, c’est la saison parfaite.
Tu portes encore Newcastle dans ton cœur, alors que tu y as vécu trois années de galères…
Ça a mal commencé, parce que j’ai perdu ma mère dix jours avant d’arriver. J’étais heureux de réaliser mon rêve, mais je venais de perdre celle grâce à qui j’étais là. J’étais au fond du trou. Et j’ai mis ça de côté, je n’ai jamais fait mon deuil. Je me cachais derrière mes nouveaux moyens. Donc ça part mal, en plus je culpabilisais de laisser mon frère seul en France. Jusqu’à aujourd’hui… (Il marque une pause.) Je n’ai pas été là pour lui. Il avait dix ans et demi à l’époque. Bref, j’arrive la tête ultralourde.
À 17 ans, tu étais perdu et vulnérable ?
C’est ça, j’étais paumé. Sportivement parlant, ça se passe bien. Mais la tête ne va pas, et il y a une brouille juridique avec Le Havre qui m’empêche de jouer pendant six mois. Allardyce, qui m’avait fait signer, se fait virer. En fin de saison, j’arrive dans le groupe pro et je me fais les croisés. Kevin Keagan venait de me dire que j’allais jouer sur la fin de championnat, parce qu’il comptait sur moi la saison suivante. Le sélectionneur du Cameroun venait de venir me voir pour aller aux JO. Et puis les croisés, c’est long. Je reviens la fin de saison suivante, je rechute. J’ai bien démarré la troisième intersaison, titulaire en réserve. Je finis meilleur buteur à 19 ans, et là grosse déchirure à la cuisse, je reprends trop tôt à cause du staff qui avait besoin d’un renfort offensif, et je replonge. Je n’ai pas joué une minute en Premier League, mais humainement, j’étais trop bien au club.
D’autant qu’à côté de cela, tu te fais alors escroquer par ton agente. Comment tu t’en rends compte ?
Dans cette dernière année, un soir, ma copine de l’époque et moi on se dispute, parce qu’elle voit des billets d’avion sur mon compte, et croit que je lui mens. Et là, je remonte le fil. En fouillant, j’ai vu des virements et prélèvements de 100, 200 euros, qui ne représentaient pas grand-chose à mes yeux. En fait, elle se servait de ma carte dans mon dos depuis le début. Quand j’ai compris ça, j’ai paniqué, j’ai arrêté de payer mes crédits, etc. J’ai reçu des courriers chez elle, qu’elle ne m’a pas transmis en France. Quand ils m’ont retrouvé, ça avait été jugé : ils ont pris mon assurance vie, mon appartement, et j’ai fait un dossier de surendettement. Déjà, quand j’étais jeune, elle m’a conseillé d’investir dans un appartement que je lui ai loué à prix cassé pendant des années, parce que je n’y connaissais rien. Je l’avais rencontrée au Havre, j’avais confiance en elle, ma mère lui a dit dans les yeux qu’elle me confiait à elle. Et derrière, elle a osé faire ça…
Avec le recul, tu aurais pu te douter que tu avais choisi une mauvaise agente ?
Oui. La base, c’est la bienveillance. Si on te vend du rêve, ça ne va pas. Elle, elle allait tout le temps dans mon sens. Quand j’arrive à Newcastle, je fais encore de la musique, elle me dit de construire un studio chez moi. Mais d’où tu dis à un gamin de 17 ans qui débarque en Premier League de faire de la musique ? Concentre-toi sur tes performances, déjà ! Quand je sortais flamber en ville, elle venait avec moi ! Elle me présentait des gens bizarres, elle était mal intentionnée. Elle a voulu manger vite, vite, vite sur mon dos. C’est moche. Je suis même allé au conflit avec le HAC sur la base d’un de ses mensonges, alors que ça me déchirait le cœur de quitter Le Havre. Je me suis mis beaucoup de gens à dos à cause de cette relation.
2023-04-05 10:00:00
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