Partir un jour, avec ou sans retour De plus en plus de ménages quittent la Suisse à l’âge de la retraite, en quête d’une destination plus ensoleillée et moins coûteuse. Une tendance qui devrait s’accélérer.
Publié aujourd’hui à 09h56
Le temps s’écoule en douceur sur la fameuse esplanade d’Alicante, qui s’étend sur 600 mètres entre la Méditerranée et le centre-ville.
Marie-Lou Dumauthioz
En 2022, plus de 183 000 Suisses de plus de 65 ans vivaient à l’étranger. C’est 17% de plus qu’il y a cinq ans, selon les données de l’Office fédéral de la statistique. Et l’exode n’est pas près de s’arrêter : nonobstant la réforme actuelle de la loi sur la Prévoyance professionnelle (LPP) au parlement, le taux de conversion du 2e pilier va diminuer, rendant les rentes moins attractives. Et obligeant les seniors à partir pour joindre les deux bouts, sans avoir à dépendre du système social.
La nécessité économique n’est bien sûr pas le seul facteur en jeu. Certains retraités ont une double nationalité, et veulent naturellement renouer avec leur pays d’origine une fois passé 60 ans. D’autres ont investi des années auparavant dans une résidence secondaire, qu’ils souhaitent occuper à temps plein quand leur vie active se termine. Dans les chiffres de l’OFS se trouvent aussi de nombreux Suisses expatriés depuis longtemps, qui finissent leur vie sur place. Mais d’autres ne sautent le pas que bien plus tard, quelque temps avant de toucher leur rente AVS, lorsqu’ils réalisent que les fins de mois seront difficiles.
Ces statistiques montrent aussi une prédilection pour le soleil, et les côtes de la Méditerranée : plus de 21 000 retraités suisses ont choisi le sud de la France, près de 13 000 l’Italie, suivis de 8 300 en Espagne, soit 12% de plus qu’il y a cinq ans. Sur Facebook, les forums de discussion fourmillent de messages plein d’espoir. “Nous recherchons un appartement de deux pièces à partir du 15 octobre dans la région d’Alicante, note Valérie. Nous quittons définitivement la Suisse pour votre beau pays !” “Connaissez-vous un chauffeur de taxi qui parle français?” “Je cherche un club de randonnée”, demande Alain. Dans la communauté, l’entraide est de rigueur.
Qualité de vie
La vaste région d’Alicante fourmille de possibilités. L’urbanisation de la Costa Blanca n’a pas toujours été heureuse – il n’y a qu’à voir Benidorm et ses immeubles des années 70 bétonner le littoral. Mais autour de Dénia, ancien port de pêche, la nature est mieux préservée, et la qualité de vie au rendez-vous. On peut acheter ses légumes frais au marché, profiter de la plage, dîner dans de beaux restaurants, faire du sport ou prendre un ferry pour aller faire de la randonnée sur l’île de Formentera, qui n’est qu’à deux heures. Et en cas de pépin, la région compte d’excellentes cliniques, pour un prix bien moindre que l’assurance maladie suisse…
Bien sûr, même dans ces conditions, partir n’est jamais simple. C’est parfois mal vécu par les enfants et petits-enfants restés au pays, qui se sentent délaissés. Les expatriés, eux, peuvent ressentir un déracinement, qu’ils soignent en s’entourant de leurs semblables et en ramenant du “vrai gruyère” dans leurs valises. La sociologue Marion Repetti, qui publie un livre sur le sujet, le relève : en général, les Suisses qui prennent leur retraite en Espagne ou ailleurs n’y restent pas pour finir leur jour (voir encadré). Quand la fatigue ou la maladie s’installe, la plupart rentrent, pour se soigner “à domicile”.
Marie Maurisse est journaliste société à la rubrique Vaudoise. Active depuis près de 15 ans dans le domaine et spécialisée dans l’enquête, elle a cofondé le média spécialisé Gotham City, réalisé plusieurs documentaires et écrit deux livres. Plus d’infos @mariemaurisse
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