Patriarche de Roumanie : L’Église est appelée à transmettre aux jeunes l’amour du Christ

Le patriarche Daniel de l’Église orthodoxe roumaine était présent jeudi à la séance inaugurale de la Rencontre internationale de la jeunesse orthodoxe (ITO), qui s’est tenue à Timișoara, Roumanie, entre le 31 août et le 3 septembre 2023..

Patriarche Daniel a parlé du thème de l’événement, qui est l’amitié de l’homme avec Dieu, et de la mission de l’Église auprès des jeunes.

Se référant au thème de l’édition de cette année de la rencontre, le Patriarche de Roumanie a déclaré que « selon les Saintes Écritures et les Saints Pères de l’Église, l’amitié de Dieu avec les hommes et leur amitié avec Dieu ont pour objectif principal et permanent acquisition de la vie éternelle et de la gloire dans le Royaume de Dieu ».

« L’Église est appelée à transmettre aux jeunes l’amour du Christ pour les enfants et les jeunes et à les aider à devenir amis du Christ et amis de tous, enfants, jeunes, adultes et personnes âgées, qui ont besoin de la présence et des actions de fidèles, amicaux, priants. et des jeunes serviables », a ajouté le Patriarche de Roumanie.

Texte intégral:

L’amitié de Dieu avec les humains est le début de la joie éternelle

Le thème central de cette Rencontre Internationale de la Jeunesse Orthodoxe (ITO) à Timisoara est constitué des paroles du Seigneur Jésus-Christ adressées à ses disciples : «Vous êtes mes amis» (Jean 15 : 14).

I. L’amitié dans l’Antiquité et dans les Saintes Écritures

Depuis l’Antiquité gréco-romaine, l’amitié était une vertu très valorisée et louée par Platon, Aristote, Plutarque, Sénèque, Cicéron, etc. Elle implique des relations entre deux ou plusieurs personnes basées sur la réciprocité, l’ouverture et l’égalité.[1]. L’amitié exprime et cultive des relations d’ouverture (dialogue), de confiance, de reconnaissance des valeurs, de fidélité et d’entraide.[2].

Dans l’Ancien Testament, le Livre de la Sagesse du Siracide (6 :14-16) note : «Les amis fidèles sont un refuge solide ; celui qui en trouve un a trouvé un trésor. Les amis fidèles n’ont pas de prix ; aucun montant ne peut équilibrer leur valeur. Les amis fidèles sont un remède qui sauve des vies, et ceux qui craignent le Seigneur les trouveront..» Par conséquent, ce texte indique clairement que seuls ceux qui craignent Dieu sont capables d’une véritable amitié et que seuls ceux-là peuvent être de véritables amis.[3].

De même, le Livre des Proverbes fait l’éloge de la véritable amitié en ces termes : «Un ami aime à tout moment, un frère est né pour les temps d’adversité» (Proverbes 17 :17). Le même livre prévient cependant que «Celui qui a des amis peu fiables finit vite par se ruiner, mais il y a un ami qui reste plus proche qu’un frère» (Proverbes 18 :24).

En particulier, les Saintes Écritures soulignent L’amitié de Dieu avec Abrahamappelé ami ou bien-aimé de Dieu (Ésaïe 41 :8, Jacques 2 :23) et «Père de nombreuses nations» (Genèse 17 :4-6). Dieu appelle Abraham à une mission sainte, plus précisément, Il lui demande de quitter son pays natal (Ur des Chaldéens) et de se rendre dans un pays lointain, inconnu de lui (Canaan), que Dieu lui donnerait en héritage (Genèse 12). :1). Par une foi humble, Abraham répond à l’appel de Dieu.

Plus tard, Dieu demande à Abraham de sacrifier Isaac, son fils unique (Genèse 22 : 1-2). Abraham accomplit le commandement, mais à la place d’Isaac, l’ange du Seigneur lui demande de sacrifier un bélier à proximité (Genèse 22 : 11-13). Isaac préfigurait Jésus-Christ, Celui qui se sacrifierait sur le bois de la Croix. Pour sa foi et son humble obéissance à Dieu, Abraham était considéré comme «Le bien-aimé ou l’ami de Dieu» (Ésaïe 41 : 8). Ce titre représente le plus grand honneur accordé à un homme dans l’Ancien Testament. Plus tard, Moïse fut aussi appelé «un ami de Dieu,” ainsi que quelques autres prophètes de l’Ancien Testament[4].

Le titre « ami de Dieu » attribué à Abraham n’apparaît qu’une seule fois dans le Nouveau Testament, notamment dans l’Épître générale du saint apôtre Jacques (2, 23).[5].

Les Pères de la Sainte Église considèrent que la bénédiction de Dieu accordée à Abraham d’être appelé son ami et son nom signifiant «Père de nombreuses nations» (Genèse 12 :3, 17 :4-6) a été transféré d’Abraham aux disciples du Christ, que Jésus-Christ a appelés «amis» et les a nommés «porter du fruit» (Jean 15 :14-16), parce qu’il les enverrait dans des pays lointains et dans différentes nations ou peuples (Matthieu 28 :19) afin de prêcher la foi en Jésus-Christ. Ainsi, les apôtres du Christ sont également devenus «pères de nombreuses nations.»

Soulignant cette vérité dans son Commentaire sur l’Évangile de saint Jeansaint Cyrille d’Alexandrie († 444) écrit : « C’est pourquoi il a été dit à la mère des Juifs, je veux dire à la synagogue, par la voix du Psalmiste : Au lieu de pères, tes fils sont nés. (Psaume 45:19). Car les disciples inspirés sont véritablement fils de la synagogue des Juifs, car ils se sont nourris des usages mosaïques. Ils sont devenus pères, occupant la position d’Abraham, et ont été le début de la race spirituelle, et pour cette raison ont été ordonnés dirigeants, offrant en sacrifice l’Évangile du Christ dans le monde entier, comme l’a fait Abraham Isaac comme type de Christ.”[6]

Le Père Dumitru Stăniloae note que « le Christ appelle ses disciples et leurs descendants »amis» parce qu’ils sont capables d’accomplir son commandement de l’aimer et de s’aimer les uns les autres. C’est pourquoi Il leur a révélé la volonté la plus élevée du Père : celle de L’aimer et de s’aimer les uns les autres. Mais le Père a aussi donné ce pouvoir aux hommes, puisqu’il a fait de son Fils l’un de nous, les humains. En tant qu’homme, étant capable d’aimer Dieu à un degré plus élevé, Il donne également ce pouvoir aux humains. (…). C’est le plus grand honneur pour les humains que Dieu fasse d’eux ses amis et leur donne la force et le courage de l’aimer (le Christ) comme leur frère et ami (c’est nous qui soulignons).»[7]

À propos de la qualité d’être « ami du Christ », saint Cyrille d’Alexandrie déclare : « Car voyez comme la récompense dépasse les limites mêmes de la nature de l’homme. Car l’œuvre produite n’est pas à égalité avec son producteur ; et comment est-ce possible ? Mais Dieu, qui est au-dessus de tout, dominera et dirigera ses propres œuvres.[8]

Cette qualité ou dignité d’être « amis du Christ » est donc offerte à ses disciples, sous forme d’attribution ou de don spécial. Le Père Stăniloae souligne la valeur éternelle de cette amitié des humains avec le Christ-Dieu : «Les hommes sont élevés à l’amitié et à la fraternité avec le Fils de Dieu, fait homme pour l’éternité, ce qui implique leur avancement éternel dans la bonté divine infinie.“[9]

En conclusion, nous notons que selon les Saintes Écritures et les Saints Pères de l’Église, l’amitié de Dieu avec les hommes et leur amitié avec Dieu ont pour objectif principal et permanent l’acquisition de la vie et de la gloire éternelles dans le Royaume de Dieu, selon la promesse du Seigneur Jésus-Christ : «Je vais (au ciel) te préparer une place (…), afin que toi aussi tu sois là où je suis» (Jean 14 : 2-3).

II. La vie de l’Église et la vie quotidienne sont le milieu dans lequel se cultive l’amitié des croyants avec le Christ Dieu, avec ses saints et avec les personnes dans le besoin.

Les jeunes sont une bénédiction et une joie pour la famille, l’Église et le peuple. C’est pourquoi l’Église est appelée à transmettre aux jeunes l’amour du Christ pour les enfants et les jeunes et à les aider à devenir amis du Christ et amis de tous, enfants, jeunes, adultes et personnes âgées, qui ont besoin de la présence et des actions de fidèles, amicaux, des jeunes priants et serviables.

L’amitié de la jeunesse orthodoxe avec le Seigneur Jésus-Christ est cultivée avant tout par la prière personnelle et communautairepar la participation à la Divine Liturgie et aux autres services de l’Église, car, comme le dit saint Isaac le Syrien, «l’amour pur naît de la prière« . Plus précisément, par la prière, l’âme du chrétien est remplie de l’amour humble et miséricordieux du Christ, et les mains du chrétien qui prie peuvent devenir «les mains de l’amour miséricordieux du Christ» montré aux personnes ayant des besoins spirituels et matériels.

Les nombreuses activités menées jusqu’à présent par les jeunes orthodoxes démontrent qu’ils comprennent et vivent dans une large mesure le lien sacré qui existe entre la liturgie et la philanthropie, entre la prière et l’action chrétienne, car, comme le disait le Père Stăniloae : «Les Saints Mystères de l’Église sont l’offrande multiple du Christ aux hommes.»

Par ailleurs, saint Jean Chrysostome nous invite à voir la présence mystique du Christ dans notre prochain souffrant, pauvre ou malade, triste ou découragé, et répondre avec un amour humble et miséricordieuxcar c’est le seul critère pour le jugement ou l’évaluation finale de la vie humaine sur terre (Matthieu 25 : 31-46).

En conclusion, notons que l’amitié de l’homme avec Dieu, par la prière, et avec ses semblables, par les bonnes actions, est la lumière la plus sûre de la vie.la lumière que chacun portera dans son âme à tout âge, en tout lieu, dans le temps et dans l’éternité.

Pour la joie de la communion ecclésiale, nous remercions Son Éminence le métropolite Jean du Banat, tous les organisateurs de cette Rencontre internationale de la jeunesse orthodoxe de Timisoara, ainsi que tous les participants, clergé, laïcs et surtout les jeunes de notre Église et d’autres Églises orthodoxes sœurs.

Nous prions la Très Sainte Trinité, la Mère de Dieu et tous les saints de nous aider tous à devenir le plus possible »amis du Christ», pour rester toujours jeune et joyeux dans le Seigneurselon l’exhortation apostolique : «Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur. Je le répète : réjouissez-vous !» (Philippiens 4 : 4).

Avec les bénédictions paternelles,

†Daniel
Patriarche de l’Église orthodoxe roumaine

REMARQUES

[1] Michael Theobald, art. “Amitié“, dans “Encyclopédie de théologie et d’Église» quatrième volume, Verlag Herder à Fribourg-en-Brisgau, 2017, col. 132

[2] Wolfgang Krone, art. “Amitié“, dans “Encyclopédie de théologie et d’Église», col. 134.

[3] Voir l’amitié dans “Dictionnaire théologique du Nouveau Testament », Edité par Gerhard Friedrich, Volume IX, Michigan, 1974, p. 157.

[4] Voir Dictionnaire théologique du Nouveau Testament, p. 168.

[5] Dictionnaire théologique du Nouveau Testament, p. 167.

[6] Saint Cyrille d’Alexandrie, Commentaire sur Jean, traduit par T. Randell, Livre 10, vol. 2,

[7] Le P. Dumitru Stăniloae dans Saint Cyrille, archevêque d’Alexandrie, Commentaire de l’Évangile de saint Jean, [St Cyril of Alexandria, Commentary on the Gospel of John], Bucarest 2022, note 307, p. 300.

[8] Saint Cyrille d’Alexandrie, Commentaire sur Jean, traduit par T. Randell, Livre 10, vol. 2,

[9] Le P. Dumitru Stăniloae dans Saint Cyrille, archevêque d’Alexandrie, Commentaire sur l’Évangile de saint Jean, [St Cyril of Alexandria, Commentary on the Gospel of John]Bucarest 2022, note 302 pp. 297-298.

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