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Mort de Nahel : Les difficultés judiciaires face à la réponse pénale

Mort de Nahel : Les difficultés judiciaires face à la réponse pénale
Mort de Nahel, tué par un tir policier à Nanterre
dossier

Face à la crise causée par la mort de Nahel, l’exécutif mise beaucoup sur la réponse pénale. Mais dans les comparutions immédiates lundi 3 juillet au tribunal correctionnel de Bobigny, un seul dossier a pu être examiné sur le fond.

Le tribunal correctionnel de Bobigny tourne à plein régime. Depuis vendredi, la juridiction enquille, parfois jusqu’à tard dans la nuit, les dossiers pour violence et pour vols dans le cadre des affrontements ayant suivi la mort de Nahel. Et se targue, dans un communiqué publié sur Twitter par son procureur, Eric Mathais, «d’appliquer concrètement» la circulaire du Garde des Sceaux Eric Dupond-Morreti qui demandait vendredi une réponse pénale «rapide, ferme et systématique».

Mais ce lundi 3 juillet, il semblerait que les exigences du gouvernement face à la flambée de violences se soient heurtées au code de procédure pénale. Et se soient, dans le même temps, retrouvées prises au piège des trop faibles moyens de l’institution judiciaire.

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Dans la 18e chambre, en raison de la grève des greffiers, qui revendiquent depuis des années une revalorisation salariale, l’intégralité des dossiers prévus en comparutions immédiates a été renvoyée.

Dans la 17e chambre, le tribunal a enchaîné les renvois – cette fois pour surcharge de dossiers ou à la demande des prévenus – et les nullités pour vice de procédure. Les bancs en bois étaient pourtant pleins à craquer, entre les journalistes, les observateurs, les membres de syndicats ou d’associations, et des petits groupes de proches de prévenus, aux visages souvent froissés d’inquiétude. Quatorze personnes devaient être jugées ce lundi, dont onze arrêtées dans le cadre des violences urbaines.

«Un problème de régularité évident»

Les trois premiers, âgés de 25, 25 et 23 ans, apparaissent penauds dans le box. Les mains sont jointes, les barbes finement taillées. Ils sont renvoyés pour avoir jeté des cocktails Molotov sur le commissariat de Neuilly-sur-Marne, avec la circonstance aggravante que les faits ont été commis en réunion. Problème : alors que la loi l’exige, les policiers les ayant arrêtés n’ont ni daté, ni signé les fiches d’interpellation. «Un problème de régularité évidenta reconnu sans sourciller le procureur de la République. C’est frustrant car l’infraction est grave.»

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L’annonce, quelques minutes plus tard, de l’annulation de la procédure et de la remise en liberté immédiate des trois jeunes hommes a provoqué dans la salle des salves d’applaudissements, très vite rabrouées par le président du tribunal. Rebelote quelques heures plus tard, cette fois sans manifestation de joie : un autre prévenu, renvoyé notamment pour avoir détruit une caméra de vidéosurveillance pendant les affrontements, a pu ressortir libre du palais de justice : le tribunal a annulé son renvoi, ordonné par le parquet alors qu’il manquait dans son dossier la deuxième page du procès-verbal expliquant les raisons de son interpellation.

Il a fallu aussi décider du sort des prévenus dont les dossiers ont été renvoyés. «J’ai demandé des déferrements systématiques, que les procureurs requièrent des mesures de sûreté. Bref, de l’emprisonnement chaque fois qu’on s’en prend aux personnes»a plaidé ce lundi matin sur France Inter le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti.

Inquiets face à ces pieds de nez successifs au «principe d’individualisation des jugements», des avocats du barreau de Bobigny se sont organisés autour d’une «stratégie de défense massive». Plusieurs se sont portés volontaires afin de muscler les équipes et de permettre à chaque avocat de n’endosser qu’un seul dossier de comparutions immédiates, contre «trois ou quatre en temps normal»explique Me Guillaume Arnaud, porteur de l’initiative aux côtés de Me Agathe Grenouillet et Me Camille Vannier. «Il s’agissait de permettre à tout le monde de prendre le temps de préparer les défenses, d’échanger avec son client, pour être plus efficaces. Il fallait rappeler que le tribunal est là pour juger des gens, pas des humeurs»complète-t-il.

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La stratégie a semblé porter ses fruits. Dans les deux dossiers renvoyés, seul un prévenu sur six a été placé en détention provisoire. Les autres attendront leurs procès sous contrôle judiciaire les 3 août et 11 septembre.

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