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Lutte contre le cancer : état des lieux et enjeux futurs

Lutte contre le cancer : état des lieux et enjeux futurs

Cette année anniversaire est aussi le moment de lancer un appel pour un nouveau Plan National Cancer, pour la FCC qui “entend faire pression sur les pouvoirs publics pour qu’en 2024, la lutte contre le cancer soit à nouveau placée au cœur de leurs priorités».

L’occasion de dresser un état des lieux avec le Dr Véronique Le Ray, directrice médicale et porte-parole de la Fondation.

Dr Véronique Le Ray, porte-parole et directrice médicale de la Fondation contre le cancer ©D. R./FCC

En 100 ans, quels sont les plus grands changements que l’on peut pointer au niveau du cancer ?

S’il faut épingler les principales avancées apparues en un siècle, je dirais que l’on a indéniablement aujourd’hui une meilleure connaissance des mécanismes et des facteurs de risque qui engendrent le cancer. Nous disposons également d’une bien plus large panoplie de traitements complémentaires qui, ensemble, permettent de mieux combattre la maladie. À la chirurgie, se sont en effet ajoutées la radiologie, la chimiothérapie, l’immunothérapie, l’hadronthérapie qui regroupe la photothérapie (rayons X), la protonthérapie et la thérapie à base des ions carbone. Clairement, les traitements ont vite et bien évolué. Une autre avancée à saluer est une prise en charge plus globale qui propose au patient des soins paramédicaux (bien-être psychosocial, diététique, conseils esthétiques…). En outre, l’idée que bouger pendant et après le traitement s’avère bénéfique est une notion relativement récente. De même pour l’investissement dans la recherche et la connaissance au niveau de la prévention, cette dimension était absente il y a 100 ans. Or quand on sait que certaines mesures préventives peuvent éviter jusqu’à 40 % des cancers…

Actuellement, près de 75 000 nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués chaque année. En 2030, selon le Registre belge du cancer, ce nombre pourrait s’élever à 83 500. Que dire de cette augmentation de l’incidence ?

Un dépistage plus actif pour certains cancers (peau, utérus, côlon…) peut avoir joué un rôle dans l’augmentation apparente de l’incidence, mais cela n’explique probablement pas la totalité du changement. Chez l’homme, le cancer le plus fréquent est celui de la prostate, suivi du poumon puis du côlon. Chez la femme, l’ordre du trio de tête a changé puisque, depuis 2018, derrière le cancer du sein, on trouve celui du poumon, devant le cancer colorectal. En raison d’une augmentation du tabagisme féminin ces deux dernières décennies, le cancer du poumon est en expansion chez la femme (+ 86 % entre 2006 et 2020) alors qu’il régresse chez l’homme (-19 % entre 2006 et 2020).

Quels sont les cancers qui connaissent une forte progression ?

Les cancers qui enregistrent la plus forte augmentation sont ceux de la peau (5 à 10 % en plus par an, selon le type de cancer cutané). L’incidence du mélanome est en augmentation pour les deux sexes. Chez les hommes, l’incidence ajustée pour l’âge a augmenté de 130 % entre 2006 et 2020, tandis qu’elle a augmenté de 89 % chez les femmes, plaçant le mélanome au 4e rang des cancers les plus fréquemment diagnostiqués chez les femmes depuis 2010, devant le cancer du col de l’utérus. Un autre cancer en augmentation est celui du testicule. Chaque année en Belgique, on diagnostique environ 130 cas de cancer du testicule chez les 15-29 ans. Il s’agit du cancer le plus fréquent dans cette tranche d’âge chez les hommes, même s’il reste rare. Nous n’avons pas encore d’explication par rapport à cette hausse de l’incidence. Les diagnostics de cancer colorectal sont restés stables entre 2006 et 2020 chez les hommes et les femmes, et ont montré un pic en 2014, lorsqu’un programme de dépistage du cancer colorectal a été introduit en Flandre.

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Dans quelle mesure peut-on affirmer que l’on observe déjà dans les chiffres les effets de la pollution environnementale ?

La pollution de l’air extérieur et intérieur, qui est effectivement un facteur de risque de cancer, varie selon le lieu, l’habitation, la saison, la température, la proximité des sources de pollution, l’humidité… La proportion de cancers générés par la pollution de l’air extérieur est estimée entre 2 et 4 %. La pollution de l’air intérieur a également un impact sur notre santé, d’autant que nous passons en moyenne 80 % de notre temps dans des espaces clos ou mi-clos. On estime que l’air intérieur est 5 à 7 fois plus pollué que l’air extérieur. Il est contaminé par des composés organiques volatiles, des gaz, des vapeurs provenant de nombreux produits qui composent notre habitat (bougies, encens, produits d’entretien, fumée de cigarette, peintures, colles, appareils de chauffage, engrais pour plantes, désodorisants, radon dans certaines régions du pays, etc.). Certains sont cancérigènes. Les polluants cancérigènes altèrent l’ADN et conduisent à des mutations pouvant entraîner le développement de cancers, principalement au niveau du poumon. La pollution de l’air pourrait aussi avoir une influence sur le cancer de la vessie.

La Belgique se classe au 6e rang des 27 pays de l’UE en termes d’incidence du cancer. Comment explique-t-on cette mauvaise place ?

N’oublions pas qu’en 2020, nous étions en quatrième position. Nous avons en Belgique une exposition aux facteurs de risque qui est relativement importante, en ce qui concerne le tabac et l’alcool. Il y a en effet encore 1 belge sur 5 qui fume dans notre pays et le marketing est dirigé vers les jeunes. On remplace donc les anciens fumeurs par de nouveaux. Et il en va de même pour l’alcool : les jeunes sont ciblés par le marketing. Or le tabac est lié à 20 % de tous les cancers et l’alcool à 8 %. À cela, il faut ajouter la malbouffe et la sédentarité et le manque d’activité physique. Et ce sont les quatre facteurs de risques les plus importants dans l’incidence du cancer.

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En quoi consistent plus précisément les nouvelles thérapies ciblées et quel est leur intérêt ?

Les thérapies ciblées sont un ensemble de traitements conçus pour bloquer la croissance ou la dissémination des cellules cancéreuses. Ces traitements interfèrent avec des modifications moléculaires ou avec des mécanismes qui sont à l’origine du développement et/ou de la dissémination de ces cellules tumorales. Leur intérêt est qu’elles sont “personnalisées”, c’est-à-dire adaptées au patient, au type et sous-types de la tumeur. Elles augmentent les chances de rémission. L’hadronthérapie est une technique de radiothérapie qui permet d’irradier les cellules cancéreuses de façon très précise, soit avec des protons (protonthérapie), soit avec d’autres particules chargées telles que des ions carbone (carbone thérapie). Ceci est très important pour les tumeurs cérébrales chez les enfants par exemple, car la protonthérapie permet d’irradier avec précision les tissus cérébraux cancéreux et beaucoup moins le tissu cérébral sain. Ceci permet de diminuer l’intensité des séquelles et de mieux préserver le développement (cognitif) de l’enfant. De plus, des particules comme des ions carbone peuvent aussi être utilisées pour traiter des tumeurs résistantes à la radiothérapie conventionnelle classique par photons (rayons X).

Dans quelle mesure le taux de survie au cancer s’est-il amélioré ?

Aujourd’hui, tous cancers confondus, on tourne aux alentours de 70 % de taux de survie à 5 ans après le diagnostic contre environ 40 % il y a seulement 30 ans. Il y a cependant de grandes disparités par type de cancer. Pour certains, le taux de survie à 5 ans s’élève à plus de 90 %, pour d’autres, il n’est que de 12 %. Par exemple, le taux de survie pour les cancers du sein est à présent de 92 % (sauf le cancer triple négatif). Ceci dit, chaque année, la survie à 5 ans s’améliore. D’ailleurs, l’ambition de la Fondation contre le cancer est de favoriser l’augmentation du taux de survie. Si, entre 2004 et 2019, tous cancers confondus, le taux de survie à 5 ans a été augmenté de 5 %, la FCC ambitionne d’accélérer cette croissance pour passer à non plus 5 % d’augmentation, mais bien à 10 % d’ici à 2040. Mais cela dépendra de nombreux facteurs, dont le plus déterminant reste un diagnostic précoce. Ensuite, une prise en charge plus rapide avec des meilleurs traitements devrait permettre d’atteindre cet objectif. Qu’il s’agisse des outils de diagnostic ou de traitement, cela passe inévitablement par la recherche fondamentale. Aussi la FCC a décidé d’octroyer, en 2024, 35 millions d’euros pour la recherche.

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Concrètement, quelles mesures devraient être prises pour atteindre cet objectif ?

Il faut certainement améliorer le dépistage dans notre pays où l’on n’arrive au mieux qu’à 50 % de participation. Il y a aussi de grandes différences régionales. Le taux de dépistage systématique du cancer du col de l’utérus, par exemple, est de 64 % en Flandre, 48 % en Wallonie et 46 % à Bruxelles. Les systèmes sont différents : pour le cancer du côlon, par exemple, en Flandre, on envoie par exemple un kit de dépistage au domicile alors qu’à Bruxelles, il faut se rendre chez le pharmacien et en Wallonie, le commander en ligne. Si la FCC ne va pas organiser les campagnes de dépistage, nous allons certainement les soutenir afin d’augmenter la participation.

Pourquoi a-t-on pour habitude de prendre le taux de survie à 5 ans ?

En cancérologie, les médecins parlent plutôt de “survie à 5 ans”. Pourquoi ? Parce que les récidives ont lieu le plus souvent au cours des premières années de la maladie. Cet indicateur reflète donc une probabilité très forte de guérison (rémission). Généralement, on prend en compte la survie à 1, 5 et 10 ans, mais le Registre belge du cancer enregistre et publie les chiffres à 5 ans.

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Quels sont, selon vous, les plus grands défis à relever dans les années à venir au niveau du cancer ?

Ce serait la centralisation des soins tout en travaillant en réseau, surtout pour les cancers complexes. Ensuite, il faudrait arriver à diminuer dans l’immédiat le coût de la thérapie ciblée personnalisée car aujourd’hui, elle reste coûteuse. Mais à la longue, si on traite plus facilement les cancers avec un plus grand taux de rémission, on va diminuer les coûts à long terme. Et enfin, prévention, prévention, prévention…

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2024-02-01 12:09:00

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