l’explication évolutive – La santé mentale dans les moments difficiles

Joseba Acotegui

Trouver les causes de la dépression est, sans aucun doute, l’un des grands défis dans le domaine de la santé mentale. Et l’une des hypothèses les plus pertinentes sur son origine provient de la théorie de l’évolution qui confirme les relations entre la subordination et la dépression. Un sujet d’une grande importance sociale puisque les comportements de subordination se produisent dans de nombreux contextes tels que les relations personnelles, de travail ou politiques.

L’approche évolutive confirme que les comportements de subordination surviennent dans la nature dans certains contextes de défaite, d’échec, et sont déjà observables chez les reptiles à tous les niveaux de l’échelle zoologique. Ces comportements, tient-on de l’évolutionnisme, peuvent être adaptatifs dans des contextes où il y a peu de ressources et où se battre continuellement pour les obtenir implique beaucoup de dépenses énergétiques.

Dans la nature, en situation de défaite, pour l’animal accepter d’avoir perdu lui permet de ne pas poursuivre le combat jusqu’au bout, avec le risque que cela entraîne des blessures graves voire la mort. Mais il est très important que le vainqueur ne se nourrisse pas du vaincu, le respecte et ne l’humilie pas. Que tous les deux, vainqueur et vaincu, continuent à collaborer plus tard. En d’autres termes, l’important est de voir comment s’opère cette subordination, qui est aussi temporaire, circonstancielle. Face à cette situation, de nombreux chercheurs postulent que l’évolution a sélectionné un mécanisme appelé IDS (Involuntary Defeat Strategy) qui permet automatiquement à l’animal vaincu de s’adapter à la situation, comme cela a été démontré expérimentalement.

Dans tous les cas, il ne faut pas tomber dans le sophisme dit biologiste, et comprendre que l’humain n’a pas à se plier aux lois de la nature, mais plutôt à se construire une éthique pour structurer ses codes de valeurs. Mais sachant que nous portons dans nos gènes, un produit de la sélection naturelle, ce mécanisme, l’IDS, est très pertinent du domaine de la santé mentale.

Par exemple, sur le plan humain, nous devons aussi composer avec le succès ou la défaite. Ainsi, si plusieurs personnes concourent pour un poste de direction, évidemment toutes ne peuvent y parvenir, mais si le vainqueur, ou le groupe, humilie celui qui a perdu la compétition, cela perpétue leur sentiment d’échec, abaissant leur estime de soi. et cela pourrait être une des causes de la dépression. Cependant, si le perdant est respecté et a le soutien du groupe, il peut continuer à surmonter la situation, à la développer.

Les exemples de situations de subordination temporaire sont nombreux : sur un vol ou un voyage en bateau on accepte que le commandant de bord dirige les opérations à bord, on ne peut pas donner à tous les passagers un avis à main levée sur la vitesse à privilégier en cas de tempête . Il y a un capitaine qui dirige le navire, qui a été sélectionné pour son niveau de compétence, et nous l’acceptons. Mais ce capitaine a un pouvoir temporaire et ne peut pas faire ce qu’il veut avec le “pouvoir” que nous lui avons délégué.

Cette subordination que nous acceptons dans le voyage est adaptative, réversible, modérée. Mais si cette subordination se perpétue en agissant despotique sur le subordonné, elle constitue l’une des voies les plus importantes pouvant conduire à la dépression.

On sait depuis les années 1970 que la dépression est plus fréquente dans les classes populaires soumises à des situations de vie plus dures, dont une subordination souvent humiliante. La prise en compte de ces approches évolutives est, sans aucun doute, très pertinente du domaine de la santé mentale.

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