Pourquoi Docteur : le sondage pour Roche Diabète Care France, réalisé auprès de 500 personnes atteintes de diabète de type 1 ou de type 2, révèle que près de 6 patients diabétiques sur 10 rencontrent des difficultés sexuelles. Quelle est l’origine de cette complication ?
Dr Sébastien Doerper : Que ce soit de type 1 ou de type 2, le diabète est une maladie insidieuse. La pathologie affecte les systèmes cardiovasculaire et nerveux. La vasocongestion, c’est-à-dire l’augmentation de l’afflux sanguin dans les corps caverneux et spongieux du pénis chez l’homme et dans la région pelvienne chez la femme, est impactée, entraînant des problèmes d’érection chez les hommes et un manque de lubrification chez les femmes.
De plus, il est possible d’observer une perte de sensibilité au niveau des extrémités (mains, pieds) chez les personnes diabétiques. Or, on oublie souvent que le pénis et le clitoris sont également des extrémités. Cette perte de sensibilité peut conduire à une moindre excitation lors des rapports sexuels.
En outre, les difficultés rencontrées dans la sphère intime par les diabétiques ne se limitent pas à l’aspect génital et fonctionnel. Il est également important de prendre en compte les aspects psychologiques et affectifs. Beaucoup d’hommes voient leur sexualité uniquement à travers le rapport sexuel. Ainsi, lorsqu’ils rencontrent des difficultés à maintenir une érection, certains arrêtent toute activité sexuelle. Or, la sexualité ne se résume pas à la pénétration, elle comprend également des aspects affectifs, émotionnels et sensoriels. Malheureusement, lorsque cette dynamique psychologique est en place et que le dysfonctionnement érectile n’est pas traité, tout s’effondre. Cela a un impact bien plus important que le problème organique. Il est donc essentiel de prendre en charge tous les aspects affectifs et psychologiques, et de ne pas se focaliser uniquement sur l’aspect génital.
Quels sont les problèmes les plus courants que vous observez chez les patients diabétiques ?
Les hommes diabétiques souffrent principalement de dysfonction érectile et les femmes de sécheresse vaginale. Selon l’étude Roche Diabète Care France, ces taux s’élèvent respectivement à 32 % et 27 %. De plus, quelle que soit leur sexe, 35 % des personnes interrogées ont également signalé une baisse de la libido.
Très souvent, ces problèmes sont liés. En effet, lorsqu’on souffre de troubles de l’érection ou de la lubrification, on a tendance à espacer les rapports sexuels. Comme dans le sport, moins on en fait, moins on en a envie ; cela entraîne une diminution de la libido. De plus, il y a un risque accru de ressentir des douleurs lors de la pénétration si la lubrification est insuffisante. Et si des douleurs sont présentes, l’envie diminue.
Les patients font-ils le lien entre le diabète et les problèmes sexuels qu’ils rencontrent ?
Les patients ne font pas toujours le lien entre leurs difficultés sexuelles et leur diabète. Pour certains, la maladie apparaît généralement à un âge avancé, ils attribuent alors ces problèmes au vieillissement et/ou à la ménopause pour les femmes. De plus, le lien entre le diabète et les problèmes intimes est peu connu. Les professionnels de santé ne parlent pas suffisamment de ces complications possibles aux personnes diabétiques.
Notre service a créé des affiches sur l’impact du diabète sur les problèmes sexuels. Nous les avons placées sur les murs de tous les services de l’hôpital. Cette connaissance permet de rassurer les patients. Ils se rendent compte qu’ils ne sont pas les seuls à rencontrer des difficultés dans leur vie sexuelle, que le problème ne vient pas d’eux-mêmes mais de leur maladie. Ils osent en parler à leur médecin. Cela permet de commencer une prise en charge sexologique.
De plus, les problèmes d’érection peuvent déjà apparaître chez les patients prédiabétiques. Il nous arrive de découvrir leur maladie à un stade précoce. Que l’on soit un homme ou une femme, il ne faut pas hésiter à parler de ces troubles sexuels à ses professionnels de santé, car chercher ce qui cause ces problèmes conduit à dépister des pathologies qui ne sont pas encore connues, telles que des maladies cardiovasculaires, une hypertrophie bénigne de la prostate, une apnée du sommeil, etc.
Quels conseils donneriez-vous aux patients diabétiques ayant des problèmes au lit ?
Je conseille aux diabétiques de consulter un sexologue une fois par an. Tout comme il est recommandé de consulter un cardiologue, un ophtalmologue et un podologue tous les ans au moment du diagnostic afin de prévenir les complications liées au diabète, il serait judicieux de prévoir une consultation en sexologie chaque année. Cela permettrait d’évaluer la vie intime et d’anticiper ce qui pourrait survenir. En sexologie aussi, plus les problèmes sont pris tôt, moins ils auront d’impact sur la santé.
De plus, n’hésitez pas à en parler avec votre partenaire. L’étude a montré que pour 24 % des patients en couple, il n’y a aucun échange concernant leur vie intime. Il est pourtant essentiel d’en discuter afin d’éviter l’isolement provoqué par ce genre de situations, de réfléchir ensemble à des alternatives ou à des solutions pour améliorer sa santé sexuelle. Lorsque ce sujet n’est pas abordé ouvertement, les difficultés dans la sphère intime peuvent peser sur la vie de couple et/ou faire perdre confiance en soi.
Les conjoints des diabétiques doivent également avoir conscience que les problèmes de leur partenaire, tels que la dysfonction érectile, ont pour origine le diabète et non un manque de désir envers eux. Cependant, outre la maladie chronique, d’autres facteurs influencent l’étiologie des troubles sexuels, notamment la sexualité avant l’apparition du diabète, les facteurs personnels, conjugaux et sexuels avant l’arrivée de la maladie.
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