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Le Spasfon : un médicament controversé pour lutter contre les douleurs au ventre

Le Spasfon : un médicament controversé pour lutter contre les douleurs au ventre

Il ressemble à un bonbon, mais s’avale avec un verre d’eau. Tout le monde connaît le Spasfon, parmi les médicaments les plus prescrits en France (25,3 millions de boîtes en 2021, génériques inclus, à 72 % pour des femmes). Mais serait-il aussi peu efficace qu’une simple friandise pour lutter contre les douleurs au ventre ? C’est la thèse fracassante défendue dans un livre paru mercredi 25 octobre, « Pilules Roses », de Juliette Ferry-Danini (Éd. Stock, 214 p. 19,50 euros).

« On n’a pas assez de données scientifiques permettant de dire qu’il est efficace. Et s’agissant des règles douloureuses, on ne dispose même d’aucun essai clinique contrôlé randomisé », avance son autrice, enseignante-chercheuse à l’université de Namur (Belgique) et spécialiste de la philosophie de la médecine.

Qu’en pensent les médecins, premiers concernés par ce médicament autorisé depuis 1964 ? Le Pr Jean-Christophe Saurin, chef du service d’hépato-gastroentérologie de l’hôpital Édouard-Herriot de Lyon (Rhône), dit « soulager plein de gens avec le Spasfon ». « C’est un très bon médicament, simple et pas dangereux, qui peut marcher sur des grosses comme des petites douleurs. Pas beaucoup mieux qu’un placebo, mais un peu mieux quand même », argue-t-il. « Je suis persuadé qu’il est efficace, je l’ai constaté sur moi », abonde un homologue, qui se dit « surpris » par les conclusions du livre et souhaite rester anonyme.

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La Haute Autorité de santé a cependant réaffirmé, en 2017que le « service médical rendu » par le Spasfon était « faible » dans le traitement des douleurs digestives, urinaires, gynécologiques, ou encore pendant la grossesse, sur la base des études disponibles. Et ce, quel que soit le format : en petite pilule rose à avaler, en comprimé plus gros à laisser fondre sous la langue, en suppositoire, en intraveineuse, etc.

Le médecin généraliste Olivier Saint-Lary n’est d’ailleurs pas étonné par les conclusions de « Pilules roses ». « Le Spasfon est un médicament très connu et très prescrit, malgré la très faible quantité de données scientifiques concernant son efficacité », pointe le président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE). « Cela ne veut pas dire qu’il n’a pas d’efficacité, mais qu’elle n’est pas vraiment démontrée scientifiquement », précise cet habitué des essais cliniques. Cela étant, il lui arrive de prescrire du Spasfon, « notamment quand les patients me décrivent un effet positif lors de prises de ce médicament par le passé ».

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Cet antispasmodique présente en effet un très gros avantage : le faible risque d’effets indésirables. Les médecins visent alors aussi ce qu’on appelle l’effet placebo. Le patient ou la patiente se sent rassuré sur un plan psychologique, et cela diminue la sensation de douleur.

« On sait que cet effet placebo existe, avec des impacts parfois formidables. Alors, on dit parfois en prescrivant du Spasfon : Ça ne peut pas vous faire de mal », décrit Philippe Faucher, gynécologue-obstétricien à l’hôpital Trousseau, à Paris. « Il y a très peu d’effets secondaires, beaucoup moins qu’avec des anti-inflammatoires ou de la morphine », renchérit Jean-Christophe Saurin.

Un argument jugé bancal par Juliette Ferry-Danini. « On ne peut parier uniquement sur l’effet placebo pour un médicament autant proposé. Et sur un plan éthique, prescrire un placebo équivaut à un mensonge », tonne l’autrice. « La santé des patients et la sécurité d’emploi de nos médicaments sont une exigence primordiale pour notre entreprise », nous assure pour sa part le fabricant du Spasfon, Teva Santé.

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Philippe Faucher voit une autre raison au fait que le phloroglucinol, la molécule de ce médicament, soit autant prescrit. « Le plus difficile en médecine, c’est de laisser partir une patiente sans traitement. Expliquer à une femme qui a des douleurs que vous ne trouvez rien qui puisse les expliquer, c’est très compliqué et ça prend du temps. Lui faire une ordonnance de Spasfon, ça ne coûte rien et ça prend une minute », avance le gynécologue.

À ses yeux, l’élément le plus paradoxal n’est pas tant que ce médicament soit à ce point prescrit, mais le fait qu’il soit toujours partiellement pris en charge par l’Assurance maladie. Le taux de remboursement, qui était de 30 % jusqu’en 2011, a été abaissé à 15 %. « C’est ça le plus important ! 15 %, c’est faible, mais pas forcément adapté si vraiment les données sont si limitées », avance le gynécologue. En 2021, rapporte « Pilules roses », le Spasfon et ses génériques ont coûté 13,5 millions d’euros à l’Assurance maladie.
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2023-10-27 18:49:00

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