Au Québec, entre 2016 et 2022, 29 cas de syphilis congénitale, c’est-à-dire transmise dans l’utérus, ont été signalés, alors qu’il n’y en avait eu que 5 entre 2000 et 2015. Dans un rapport récent, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a alerté le public sur cette “tendance nettement à la hausse”.
La syphilis, il y a une vingtaine d’années, on pensait avoir le dessus sur ça ici, au Québec. Mais malheureusement, ça a progressé, a remarqué le Dr Luc Boileau, directeur national de la santé publique du Québec, lors d’une interview sur les ondes d’ICI RDI.
Lundi matin, La Presse a rapporté que deux fœtus infectés sont morts avant la naissance dans la province en 2022, du jamais vu depuis que les données sont recueillies.
Isabelle Boucoiran, obstétricienne-gynécologue et directrice du Centre d’infectiologie du CHU Sainte-Justine, ne se dit aucunement surprise par ces nouvelles données. La syphilis et la syphilis congénitale sont en recrudescence partout dans le monde, même si c’est nouveau au Québec, a-t-elle remarqué, de passage à l’émission Tout un matin.
L’Alberta a également tiré la sonnette d’alarme au début du mois de juillet : le nombre de bébés nés avec la syphilis est passé de 30,8 pour 100 000 habitants en 2018 à 169,1 pour 100 000 habitants l’année dernière.
Des patientes prises en charge trop tard
La syphilis se divise en plusieurs phases. Dans un premier temps, les personnes atteintes de la maladie voient généralement un ulcère se former sur leurs parties génitales.
Lors de la deuxième phase, des symptômes grippaux et des éruptions cutanées peuvent apparaître.
Tous ces symptômes disparaissent normalement après quelques semaines. Les gens ne consultent donc pas, a déploré le médecin Réjean Thomas, président fondateur de la Clinique médicale l’Actuel, lors d’une interview à l’émission Infos midi. Et là, on va vers la phase tertiaire, où on peut avoir une atteinte du système nerveux central.
Si l’infection n’est pas traitée à temps, elle peut entraîner de graves atteintes neurologiques, cardiaques ou osseuses.
Au Québec, des tests de dépistage de la syphilis doivent être effectués chez les femmes enceintes lors de leur premier rendez-vous de grossesse. C’est une maladie que l’on traite très bien, a expliqué la Dre Boucoiran. Si c’est traité pendant la grossesse, avant le deuxième trimestre, le risque de transmission est pratiquement nul pour le bébé.
Qu’est-ce qui explique qu’autant de cas passent entre les mailles du filet dans la province, comme le rapporte l’INSPQ ? Le médecin Réjean Thomas propose quelques pistes.
On a vu des femmes qui ont du mal à suivre leur grossesse. On manque de médecins. On a également constaté une augmentation de toutes les infections sexuellement transmissibles.
Les femmes enceintes infectées présentent deux profils types, souligne la Dre Boucoiran.
Certaines viennent de pays où il n’y a pas de système de dépistage efficace et où la maladie est endémique. Elles arrivent parfois en fin de grossesse, à un moment où l’infection a déjà causé des dommages graves.
Dans d’autres cas, la syphilis est liée à la recrudescence d’autres maladies sexuellement transmissibles dans des communautés où il y a des problèmes de consommation de drogue, car cela peut être lié à des activités sexuelles non protégées, ajoute l’obstétricienne-gynécologue.
Mieux vaut prévenir
Le mot clé, répété par tous les experts interrogés par Radio-Canada, pour limiter les nouveaux cas de syphilis congénitale : la prévention. Les enjeux, dans cette prévention, consistent à cibler les communautés à risque, auxquelles il est parfois plus difficile d’accéder, souligne la Dre Boucoiran.
Le personnel médical doit également être mieux sensibilisé, selon Luc Boileau, car il est parfois utile de poser la question à nouveau et de refaire un dépistage pendant la grossesse chez les personnes à risque.
Le Dr Boileau envisage même la possibilité d’imposer un dépistage systématique pour toutes les femmes enceintes après 28 semaines de grossesse.
Le directeur national de la santé publique du Québec reste optimiste face à l’augmentation des cas. Il rappelle les récentes victoires dans la lutte contre d’autres infections, telles que la variole simienne, qui a sévi l’été dernier dans plusieurs régions du monde.
Perdre une vie à cause de la syphilis aujourd’hui, en 2022-2023, nous voulons l’éviter. Nous sommes une société capable d’offrir des traitements, il suffit de nous organiser correctement et de prendre des mesures.
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2023-08-01 00:32:49
