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La révolution de Paul : l’ouverture de son concept de coffee-shops à la française sur les Champs-Élysées

La révolution de Paul : l’ouverture de son concept de coffee-shops à la française sur les Champs-Élysées

Au 84, avenue des Champs-Élysées, derrière les bâches qui recouvrent les vitrines de la boutique, se prépare discrètement une petite révolution boulangère. À l’entrée de la galerie des Champs, lovée entre les points de vente de plus ou moins prestigieux concurrents — Pierre Hermé à gauche, la Brioche dorée à droite et Ladurée sur le trottoir d’en face —, la boutique emblématique des enseignes Paul se réinvente.

Escabeaux, bobines de gaines électriques et poussière de plâtre céderont bientôt la place à des lustres made in France, à une peinture chaleureuse couleur terra cotta et à l’incontournable carrelage à damiers noirs et blancs qui habille les sols des boutiques de la mythique enseigne.

La clé du renouveau ? Un coffee-shop « à la française »

À un an des Jeux olympiques de Paris, Paul espère s’offrir un sacré coup de jeune en ouvrant sur la plus belle avenue du monde son dernier concept de coffee-shops à la française. Trente et un ont déjà ouvert en France (gare Montparnasse, aéroport d’Orly, gare de Lyon Part Dieu, Chartres, aire d’autoroute sur l’A7) et dans le monde (Arabie saoudite, Indonésie, Royaume-Uni). Ces nouveaux cafés ambitionnent de grignoter les parts de marché des leaders Starbucks ou Columbus.

Paul, créé il y a cent trente-quatre ans et qui génère 822 millions d’euros de chiffre d’affaires (en 2022) avec ses 800 magasins en France et dans le monde, entame un nouveau chapitre de son histoire.

La célèbre enseigne de boulangerie en plein travaux avant l’ouverture d’un Paul le Café, sur les Champs-Elysées. LP/Sophie Stadler

Tout débute en 1889 à Croix près de Lille (Nord), quand Charlemagne Mayot installe sa boulangerie. En 1935, sa petite-fille épouse Julien Holder, également boulanger, avec qui elle ouvre une boutique dans le centre-ville de Lille. Puis le couple rachète la boulangerie Paul, déjà courue des Lillois, et en conserve le nom. Leur fils, Francis Holder, commence à travailler dans le fournil familial dès ses 15 ans et reprend avec sa mère les rênes de l’entreprise au décès du père. C’est lui qui va bousculer le secteur.

En 1972, alors que les boulangers de quartier sont malmenés par l’offre croissante des supermarchés et de leur pain blanc industriel, il relance les recettes traditionnelles, réhabilite la fermentation longue au levain et cuit ses pains au feu de bois, devant les clients.

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Les consommateurs adorent, le point de vente Paul ne désemplit pas. « Et, persuadé qu’un bon pain à l’ancienne ne peut se fabriquer qu’avec une farine de qualité, mon père reconstitue avec les céréaliers toute une filière de blés sélectionnés et crée une farine unique, qui alimente aujourd’hui encore 100 % de nos fournils français et étrangers », explique Maxime Holder, président-directeur général des boulangeries Paul.

Le premier boulanger artisanal à s’implanter en centre commercial

L’artisan lillois ne s’arrête pas là. Proche de Gérard Mulliez, autre Nordiste zélé qui développe au même moment ses hypermarchés, le petit boulanger Holder propose de fournir des pains de meilleure qualité à tous les Auchan. Il crée alors — toujours dans les Hauts-de-France — Moulin Bleu (aujourd’hui Château Blanc), un grand fournil industriel pourvoyeur de pains crus surgelés.

Aujourd’hui, c’est plus de 550 références, vendues à la grande distribution, aux restaurateurs et même aux boulangeries-pâtisseries. « Mais attention, Château Blanc ne livre pas les boulangeries Paul en pain frais, précise Maxime Holder. Seulement en viennoiseries, pâtes à choux ou fonds de tartes crus surgelés. »

Le coup de génie de Francis Holder, son père ? S’implanter dans les galeries marchandes des centres commerciaux, ennemis jurés des artisans, pour y proposer des pains de qualité accessibles au plus grand nombre dans des boutiques conviviales où l’on peut venir faire une pause, acheter des mini-macarons ou des sandwichs préparés avec des pains spécifiques, les « paulettes ».

Paul est la première enseigne à proposer des baguettes chaudes toute la journée et même des cafés à emporter. « Paul fut le réseau pionnier de la boulangerie nouvelle génération et du snacking », assure Bernard Boutboul, président de Gira Conseil. Le tout en s’appuyant sur une histoire artisanale familiale et sur une forte image « premium ». Dans les années 1990-2000, l’enseigne s’impose comme le premier boulanger de France en nombre de points de vente.

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C’est aussi le seul concept de boulangeries (en propre et sous franchises) reconnaissables en un clin d’œil : façades noires, déco rétro de charme et étals abondants. Le groupe est aussi le tout premier à oser investir les gares, aéroports et aires d’autoroutes. « Des endroits où nul concurrent ne voulait aller, tant ces sites étaient réputés pour distiller une restauration de mauvaise qualité », ajoute l’actuel PDG.

Revers de fortune

Enfin, Paul étend très vite son développement à l’international avec l’ouverture d’une franchise au Japon en 1989. L’enseigne est aujourd’hui présente dans 52 pays, avec 400 points de vente, dont 33 au Royaume-Uni, 28 au Japon, au Maroc et aux Émirats arabes unis. En 2022, le chiffre d’affaires à l’international a même dépassé celui réalisé en France, s’établissant à 421 millions d’euros, contre 401 millions dans l’Hexagone.

Seulement, l’enseigne a aussi connu échecs, controverses et revers de fortune. La loi Raffarin de 1998 fait d’abord perdre à certains points de vente leur appellation de boulangeries artisanales, car ils ne fabriquent pas le pain sur place, la marchandise provenant d’autres points de vente Paul disposant de fournils.

Plus récemment, en 2017, l’appel de Francis Holder, le patriarche, à voter François Fillon au nom de ses 14 000 salariés, ne passe pas en interne comme auprès du grand public. Puis, la crise du Covid et la chute de la fréquentation poussent le groupe Holder à se séparer dans la douleur de Ladurée en 2022, son fleuron « luxe » détenu depuis plus de vingt-huit ans, présent dans 22 pays.

Toujours en quête d’amélioration de ses recettes, Paul a notamment éliminé les colorants artificiels, l’huile de palme et les arômes de sa boulangerie. LP/Sophie Stadler

« Et surtout, il fut un temps où ça faisait bien de sortir dans la rue avec un sac griffé Paul, mais c’est terminé », commente Bernard Boutboul. C’était avant que des concurrents low-cost ou encore plus « premium » comme les MOF (meilleurs ouvriers de France) et les chaînes telles que Marie Blachère, Ange ou Louise ne viennent à leur tour révolutionner le marché et donner un sacré un coup de vieux au réseau de la famille Holder.

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« On voit des boulangeries Paul partout, mais en France elles semblent ne pas avoir bougé face à la concurrence, ajoute le président de Gira Conseil. Les nouveaux Cafés Paul sont une réaction à gros retardement. Paul se réveille quinze ans après l’arrivée des Starbucks en France. »

Les points de vente français rénovés « dans un style plus contemporain »

Cette fois, exit le « rustique chic », l’enseigne veut opérer une cure de jouvence dans ses 400 boulangeries, cafés et (rares) restaurants de l’Hexagone. « Comme nous l’avons déjà fait pour l’international, les points de vente français seront rénovés d’ici trois à cinq ans, dans un style plus contemporain, assure Maxime Holder. Nous taxer d’immobilisme est injuste, notre image à l’étranger est celle d’une enseigne dynamique et innovante, nous lançons chaque année plus de 60 nouveautés. »

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Avec notamment des changements dans des recettes de pains, salades ou sandwichs. Paul a ainsi éliminé 86 composants de ses produits, dont les colorants artificiels, l’huile de palme ou les arômes. Des innovations plus inattendues se sont également fait jour, comme le lancement, en octobre, de ses premières dosettes de café compostables.

Quant aux nouveaux Paul le Café, qui ne vendent plus de pain mais proposent une carte élargie de boissons, viennoiseries et snacks, ils doivent permettre à la marque de reprendre la main face aux néoboulangers et de rajeunir ses cibles. « Nous ne sommes pas pour l’innovation à tout prix, la boulangerie n’est pas une mode, elle est intemporelle, poursuit Maxime Holder. Mais la concurrence est saine et nous challenge. Nous étions le premier réseau de boulangeries conviviales premium, il s’agit simplement de le rappeler à nos clients. »

Paul espère ouvrir près de 200 nouvelles adresses en France d’ici cinq à dix ans.
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