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La réindustrialisation : les conditions de la réussite en France

La réindustrialisation : les conditions de la réussite en France

LA TRIBUNE – En tant que spécialiste des politiques publiques industrielles, de l’innovation, de la formation professionnelle et de l’emploi, vous avez été nommé à la tête de l’école d’ingénieur IMT Atlantique en mai 2022. Cette école est présente à Nantes, Rennes et Brest. Quelles sont les conditions de réussite de la réindustrialisation en France ?
Christophe LEROUGE – Lorsque vous discutez avec les industriels, la première chose qu’ils disent, c’est qu’ils ont besoin de personnel et de compétences. C’est là que les écoles d’ingénieurs interviennent. Nous croyons évidemment en nos formations d’ingénieurs, nous croyons en la force de l’industrie et nous avons également besoin de redonner aux jeunes une image positive de l’industrie… Leur dire qu’ils peuvent contribuer à la transformation de la société et donc les formations d’ingénieurs qui permettent d’y contribuer. L’industrie est également en compétition au niveau international. Pour une entreprise, gagner en compétitivité face à la concurrence est également lié à sa capacité à innover, à créer de nouveaux produits, à mener des recherches, et nous, en tant qu’établissement d’enseignement supérieur et de recherche, contribuons à cela. À travers nos laboratoires de recherche liés à l’industrie, à travers l’innovation produite, les transferts de technologies et la création de start-ups, nous sommes en mesure, à notre échelle, de participer à cet effort de développement technologique et de redynamisation d’une filière industrielle.

Un étudiant de Centrale Supélec a récemment publié sur les réseaux sociaux sa lettre de démission en raison de son désaccord avec les enjeux climatiques. Quelle est votre réaction ?
De tout temps, nous avons eu ce genre de réaction. Pour moi, démissionner est un peu radical. Cela dit, en tant que directeur d’école, ce genre de choses nous interpelle. Lors de la rentrée, il y a quelques jours, j’ai dit à nos étudiants qu’ils avaient le droit de nous interpeller, de nous dire ce qu’ils pensent… Le dialogue est important, mais il faut également que nous réagissions. Repenser nos formations est essentiel pour une meilleure intégration. Sans faire de greenwashing, les questions de transition énergétique sont une de nos priorités inscrites dans notre plan stratégique. C’est compliqué dans une école d’ingénieurs dont l’ADN est de travailler sur la technologie et de former les gens qui vont travailler dans l’industrie. Cela signifie qu’il faut également être en capacité de remettre en question les modèles économiques, la signification de la croissance, la protection de l’environnement… Nous avons développé un département de sciences humaines et sociales au sein d’IMT Atlantique, qui travaille sur les questions d’acceptabilité, de prise en compte des questions environnementales… Je ne dis pas que nous faisons tout bien, mais nous essayons d’avancer.

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Qu’est-ce qui freine les étudiants à s’orienter vers les filières d’ingénieurs ?
Pour nous, c’est une inquiétude à long terme. Comme toutes les grandes écoles, nous sommes en phase de croissance, et nous risquons rapidement d’épuiser le vivier. Ce qui freine ? Tout ce qui s’est passé lors de la réforme du bac, de l’enseignement des sciences, des mathématiques, de la physique… dans le secondaire. Je suis inquiet lorsque l’on voit les chiffres en terminale où les spécialités scientifiques sont moins choisies, c’est autant d’étudiants qui ne s’orientent pas vers des études purement scientifiques. Il y a un véritable enjeu dans notre pays et nous n’arrivons pas à combler ce déficit, contrairement à certains pays d’Afrique du Nord où nous avons des partenariats, comme le Maroc où c’est totalement l’inverse. De nombreuses jeunes Marocaines s’orientent vers les formations scientifiques ou d’ingénieurs, peut-être parce qu’elles y voient un moyen d’émancipation, de reconnaissance ou d’évolution de leur situation personnelle. En France, c’est l’inverse. Il y a un vrai travail à faire au niveau du secondaire, vis-à-vis des jeunes femmes, et ensuite, il faut redonner envie d’étudier les sciences, en évitant les amalgames et les caricatures disant que l’industrie pollue, qu’elle dégage des mauvaises odeurs, qu’elle détruit la planète…

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Vous intervenez déjà dans les collèges et les lycées, comment comptez-vous attirer plus de femmes et de jeunes vers ces filières ?
Une des voies sur lesquelles nous réfléchissons est de diversifier nos recrutements. Peut-être en recrutant moins de jeunes issus des classes préparatoires et des concours, et en nous tournant vers des personnes issues d’autres types de formations, de l’université, de niveaux de licences ou ceux qui ont échoué en médecine. L’intérêt est que nous diversifions nos recrutements avec des disciplines plus féminisées que les mathématiques et la physique pure… Cela nécessitera des adaptations de formation, des remises à niveau et des parcours plus individualisés. Nous ne les formerons jamais uniquement en physique pure, mais ils doivent quand même avoir un minimum de compétences et de connaissances sur les bilans énergétiques ou ce genre de choses. Nous sommes attendus pour une croissance de nos effectifs de 25% en 2027. Cela signifie qu’en trois à quatre ans, nous devons être en mesure de proposer ce type de parcours.

Comment l’école s’est-elle engagée dans les filières vertes ?
C’est un sujet qui nous préoccupe, nos étudiants et les entreprises nous interpellent à ce sujet. Nous avons défini un nouveau plan stratégique en début d’année où la transformation écologique et sociétale figure parmi les axes de développement. Nous avons décidé d’investir et de donner la priorité à cela. Toutes les composantes de l’école sont impliquées. Nous sommes en train de réorganiser nos formations pour que tous les étudiants, quelle que soit leur filière et leurs options, soient directement liés à la transformation écologique et sociétale. Peu importe la discipline étudiée, comme l’électronique par exemple, les sujets liés aux cycles de vie doivent être enseignés, et les étudiants doivent savoir que la fabrication d’un composant électronique se fait à partir de matériaux et nécessite de l’énergie de production, etc. Toutes nos formations doivent intégrer ce sujet. Il en va de même pour les programmes de recherche, même si leur application est plus complexe. Ces critères font également partie de la sélection des dix startups que nous intégrons chaque année dans notre incubateur, dont deux ou trois doivent être axées sur les transformations écologiques. Et en interne, l’IMT Atlantique est-elle devenue plus vertueuse ? En ce qui concerne le fonctionnement de l’école, nous considérons qu’à notre échelle, nous avons un rôle à jouer dans la réduction de notre empreinte carbone et de nos consommations énergétiques. Nous venons de réaliser notre deuxième bilan carbone et nous investissons, avec le soutien des collectivités, dans la rénovation énergétique des bâtiments sur les sites de Nantes, Brest et Rennes. L’alimentation de nos serveurs informatiques utilise des panneaux photovoltaïques. Un projet de recherche travaille sur la gestion de cette alimentation pour optimiser leur production et leur consommation. Cela ne résout pas tous les problèmes, mais cela fait partie des sujets sur
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