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La nouvelle génération de footballeurs français : politisée et engagée

La nouvelle génération de footballeurs français : politisée et engagée

Lilian Thuram et c’est à peu près tout. Jusqu’à ces dernières années, le latéral droit des champions du monde 1998 incarnait, seul, la conscience du football français. “Les footballeurs sont faits pour jouer au football”, avait réagi Philippe De Villiers quand Thuram avait décidé d’inviter les sans-papiers de l’ex-squat de Cachan à un France-Italie qualificatif à l’Euro 2008. Et il faut dire que le slogan de l’ancien député était appliqué à la lettre par des joueurs très prudents, soucieux de protéger leur image et, donc, leur carrière. En 2017, avant le second tour opposant Emmanuel Macron et Marine Le Pen, de nombreux champions parmi lesquels Kevin Mayer et Yohan Diniz appellent “à voter pour le seul candidat qui s’inscrit dans le respect de la tradition républicaine de notre pays : Emmanuel Macron.” Un seul footballeur en activité signe l’appel : Blaise Matuidi. Dans une interview donnée à So Foot en 2011, le sociologue Stéphane Beaud constatait : “Les footballeurs cumulent aux yeux des faiseurs d’opinion, richesse économique et (apparente) pauvreté culturelle.” Un grand écart qui posait la question de leur crédibilité et de leur légitimité à chacune de leur prise de parole. Football”Du gâchis” ? Pourquoi Mendy met sa carrière “Space Mountain” entre parenthèses

Une génération courageuse qui n’a plus peur de prendre des risques

Mais depuis 2020, les choses ont changé. Les footballeurs français se sont politisés et n’hésitent plus à s’emparer des sujets de société qui crispent et parfois divisent le pays. Cette année-là, le passage à tabac filmé d’un producteur de musique fait réagir les stars des Bleus : Kylian Mbappé, Antoine Griezmann et Jules Koundé, entre autres, partagent leur indignation. Plus récemment, de nombreux Bleus ont soutenu Vinicius, victime de chants racistes en Espagne, et la mort tragique de Nahel, tué par un policier ce mardi, a provoqué les réactions épidermiques, entre autres, de Mbappé, Koundé, Tchouaméni, Pogba, Kimpembe ou encore Maignan. “Une situation dramatique”, “c’est toujours pour les mêmes qu’être en tort conduit à la mort”, “personne ne mérite de mourir à 17 ans, que justice soit faite”, “j’ai mal à ma France. Une situation inacceptable”, peut-on lire sur leurs fils Twitter. Un élan sans précédent dans l’histoire du football français. En équipe de France, la nouvelle génération n’a plus peur de prendre des engagements publics contre les discriminations. Comment l’expliquer ? D’abord parce que ces jeunes garçons ont grandi avec les réseaux sociaux où la prise de parole et le lien sont plus directs. Ils ont une tribune à leur nom qu’ils alimentent régulièrement. La génération Mbappé a grandi avec d’autres codes. Elle a une confiance sans faille en elle. Sur le terrain, elle n’a pas peur d’afficher des ambitions souvent gargantuesques. En dehors, elle assume aussi des prises de position fortes. “Nous sommes des joueurs qui avons confiance en nous. On ne se pose pas de question inutile”, témoignait Marcus Thuram en mars dernier. On est une génération téméraire qui n’a pas peur de grand-chose.” Et si ses propos concernent le terrain, ils collent aussi à l’extra-sportif. “Cette génération n’a plus peur de prendre des risques, elle les assume complètement parce que ça vient des tripes. Ces joueurs ne se défilent plus”, analyse Frank Hocquemiller, cofondateur de l’agence d’image VIP Consulting qui a travaillé avec Raphaël Varane et conseille aujourd’hui Lucas Hernandez ou Corentin Tolisso. Quand ils ne disent rien, les gens disent que les footballeurs sont plats ou hors société. Quand ils ont une opinion nette, ils se font aussi taper dessus. Donc autant qu’ils s’expriment sur les sujets qui leur tiennent à cœur. Mais l’erreur n’est pas possible. Leur réaction est de suite politique. La moitié de la France va leur tomber dessus. Il faut maîtriser le sujet. Mais ils n’ont plus peur de ça.” Les Bleus s’engagent sur des terrains dont ils connaissent les enjeux : le racisme, les violences dans les banlieues. “Vous savez d’où ils viennent. Ils ont un certain recul et en savent beaucoup plus que vous et moi, donc je trouve normal qu’ils donnent leur avis et qu’ils puissent défendre ce qui peut être défendable”, a réagi Hervé Renard, sélectionneur des filles sur RTL. Mais au-delà de ces sujets sensibles, ils s’intéressent à toute les formes de discrimination. Derrière leur très médiatique capitaine, certains ont le combat chevillé au corps et notamment Jules Koundé. En mars 2022, pour les besoins d’un clip pour lutter contre l’homophobie destiné aux jeunes, un sujet qui mobilise moins dans le foot, il est volontaire pour rencontrer des responsables d’associations à Clairefontaine. Koundé est un joueur qu’on sent différent des autres, très impliqué dans ces combats”J’ai été bluffé par son intérêt pour la lutte contre toute forme de discrimination”, témoigne Bertrand Lambert, président des Panam Boyz, club ouvert à la diversité. Il comprenait notre combat, lui qui a parfois souffert de racisme à Séville. Il était posé, très réfléchi sur ces questions et utilisait vraiment le vocabulaire adapté. C’est un joueur qu’on sent différent des autres, très impliqué dans ces combats.” Et peu importe si les marques qu’ils représentent, si les sponsors dont ils font la promotion ne voient pas toujours d’un bon œil leur prise de position. “Ils ne s’en fichent pas mais leur envie de faire quelque chose dépasse le risque”, témoigne encore Frank Hocquemiller. Il y a des partenariats commerciaux derrière ces joueurs qui sont devenus des PME. Les sociétés ne vont pas jouer avec le feu, elles sont cotées en bourse. Si demain un athlète est trop clivant, il prend un risque. La marque ne veut pas un joueur clivant. Le foot a su s’attirer les marques de luxe, ce n’était pas le cas il y a 10 ans. Et dans le luxe, c’est carré. On n’aime pas ce qui dépasse.”

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Habillé en Louis Vuitton pour le défilé de la marque la semaine dernière, Koundé s’est fait photographier sous toutes les coutures.
Un partenariat qui ne l’a pas empêché d’exprimer son vif émoi après la mort de Nahel. “C’est courageux”, a poursuivi Hocquemiller. Il a des convictions, ça fait partie de son ADN.”
Le combat que les joueurs portent est plus fort, plus viscéral que les risques qu’ils prennent. Biberonné par les sports américains en règle générale, et par la NBA en particulier, ces nouveaux Bleus ont des modèles outre-Atlantique. Kylian Mbappé s’est inspiré de LeBron James en se faisant un devoir d’user de sa gigantesque influence. N’en déplaise à Philippe De Villiers, désormais les footballeurs ne sont pas faits que pour jouer au football. Et ce n’est sans doute que le début.
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