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La création d’ordinateurs organoïdes : une révolution technologique en devenir

La création d’ordinateurs organoïdes : une révolution technologique en devenir

L’intelligence artificielle (IA) telle qu’on la connaît aujourd’hui avec le développement de programmes informatiques capables de simuler certains traits de l’intelligence humaine, notamment l’apprentissage, la voix, l’écriture, l’apparence physique, n’en est-elle qu’à ses balbutiements, alors qu’elle bouleverse déjà nos sociétés et remet en question l’humain? Il faut croire que oui.

Les chercheurs, partout dans le monde, travaillent à créer “l’intelligence organoïde” (IO). Autrement dit à connecter des cellules-souches, humaines, “vivantes”, mimant le cerveau, à de l’électronique, dans le but de fabriquer des ordinateurs organoïdes méga puissants, possiblement sans limite.

Bertrand Pain, chercheur au sein de l’Institut Cellules Souches et Cerveau, une unité INSERM, à Lyon, préfère parler de cellules in vitro. Celles qu’il produit et étudie au sein de cet établissement qui les distribue à différents laboratoires de recherche.

Les premiers organoïdes du cerveau datent de 2013-2014, avec des démonstrations à Vienne en Autriche, puis aux États-Unis, en Angleterre, avant une diffusion mondiale.

“Avant de parler d’ordinateur organoïde, il faut parler des organoïdes. L’Organoïde existe. L’ordinateur organoïde n’existe pas encore”, commente d’emblée ce directeur de recherche INRAE.

Qu’est-ce qu’un organoïde?

L’organoïde est une structure tridimensionnelle, qui s’auto-organise et essaie de mimer, de récapituler un tissu humain. Des cellules sont prélevées une première fois, par biopsie, sur un organe comme le foie ou l’intestin, puis cultivées in vitro. Elles sont ensuite reprogrammées et différenciées pour leur permettre d’accomplir une ou plusieurs fonctions souhaitées. Elles sont ainsi capables de reproduire à la fois l’architecture et la fonction de l’organe voulu. On ne prélève pas de cellules de cerveau mais on reprogramme et différencie celles prélevées sur d’autres organes pour qu’elles reproduisent l’activité cérébrale. Ces cellules reprogrammées donnent des structures appelées cérébroïdes. Elles sont capables de reproduire l’activité électrique du cerveau humain, qui fonctionne en recevant et en émettant des signaux électriques.

Ces cérébroïdes sont-ils de mini-cerveaux humains?

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On ne peut pas appeler un cérébroïde un mini-cerveau. C’est une simplification. Pour le moment, ce qu’on reconstitue in vitro n’est pas aussi complexe que le vivant. Un cerveau, c’est hypercompliqué. Il est composé de plein de types cellulaires. On part de cellules-souches cultivées in vitroqui vont se développer et auxquelles on va donner des signaux électriques.

Un ordinateur organoïde serait un mélange de vivant et d’électronique?

L’interface de ce type d’ordinateur, ce sont des cellules humaines vivantes connectées. Cela se fait par des micro-électrodes, qui font office de neurones. L’approche ordinateur est liée à la capacité d’avoir une activité électrique. Pour qu’un organoïde cérébral ait une activité électrique, il faut qu’il soit mature. Il faut qu’il prolifère et après se différencie. C’est un processus long et lent. Le développement embryonnaire est lui-même lent. Il faut 9 mois pour faire le cerveau d’un enfant et même à la naissance, il est immature. Actuellement la taille des organoïdes est de quelques centaines de microns, un ou deux millimètres maximum. On peut les maintenir plusieurs mois en culture. C’est une prouesse.

Un tel ordinateur existe-t-il?

L’ordinateur organoïde n’existe pas encore mais on a déjà connecté des cellules humaines à de l’électronique et on sait enregistrer l’activité électrique de ces organoïdes sur des électrodes. On envoie des informations à l’organoïde. Il répond par cette activité électrique. Mais ce n’est pas un dialogue car il faut un informaticien et des machines pour lui envoyer le signal et recevoir celui qu’il émet. Aujourd’hui, cette machine est une toute petite plaque avec plein d’électronique, sur laquelle se trouve l’organoïde, mais dans l’avenir on pourra sans doute imaginer des systèmes plus complexes.

Comment construire l’intelligence artificielle à partir de cellules-souches de cerveau?

On va donner à l’organoïde des signaux, des molécules, voire des instructions pour le stimuler. Comment va-t-il réagir, dans quel environnement? Je lui donne une molécule, il réagit, donc il donne un signal électrique. Je lui redonne une molécule, etc… Est-ce qu’il peut y avoir un effet d’apprentissage ou pas, je ne sais pas. Pour l’instant, c’est au stade de la recherche.

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Les films de science-fiction, où les ordinateurs prennent le pouvoir, seront-ils réalité?

C’est du fantasme. On ne fait pas un cerveau en boîte. L’intelligence artificielle n’existe que s’il y a un entraînement, un apprentissage. Le cerveau d’un bébé ne se forme que par entraînement. Les réseaux se construisent en fonction de son environnement, des stimulations, de ce qu’il boit, mange, sent, ressent, observe, perçoit. Mais quel type d’information va-t-on donner à l’organoïde? Pourra-t-il acquérir une intelligence avec le temps? On ne le sait pas encore.

Quelles autres applications sont possibles avec les organoïdes?

Le but de la recherche est avant tout d’essayer d’utiliser ces organoïdes comme modèles pour qu’ils deviennent prédictifs au service de la santé humaine. Prédictif de la toxicologie, d’une pathologie, d’une maladie, à terme peut-être au niveau régénératif. Ils permettent de voir l’efficacité d’un traitement sur tel ou tel patient, la toxicité de telle ou telle molécule. Ils aident à faire de la médecine personnalisée car ils peuvent permettre de déterminer si certaines personnes sont plus sensibles à des traitements que d’autres.

Avez-vous des exemples concrets?

En cas de pathologies neurodégénératives, de maladies génétiques qui affectent le cerveau, il faut essayer de créer des modèles in vitropour suivre leur évolution, trouver des molécules qui vont améliorer ces pathologies. Les organoïdes peuvent être des modèles pour tester la toxicologie de certaines molécules. Ils pourraient éviter des scandales tels que celui de la Dépakine, un antidépresseur qui a été donné à des femmes enceintes. Le cerveau des fœtus a été lourdement impacté. On aurait testé la Dépakine sur un organoïde cérébral, il y a trente ans, on ne l’aurait pas donné à des femmes enceintes. À l’INSERM Lyon, on travaille sur des modèles in vitrode pathologies. Par exemple, on a beaucoup travaillé sur les enfants nés de femmes sous opioïdes. Beaucoup naissent drogués. Il est vraisemblable que leur cerveau va souffrir, avec quel impact à long terme?

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Les organoïdes peuvent-ils soigner?

Ils pourraient servir potentiellement à la thérapie régénérative, pour des greffes par exemple. Il y a déjà eu des greffes de neurones fœtaux dans le cadre de la maladie de Parkinson. La recherche étudie l’utilisation d’organoïdes, que l’on peut obtenir en grandes quantités. Mais il ne faut pas donner de faux espoirs. Il ne faut pas dire qu’on va soigner toutes les pathologies et tous les paralysés. Il y a pour l’heure uniquement quelques pistes sérieuses.

L’organoïde ressent-il quelque chose?

On ne sait pas. A priori, on ne pense pas. Il y a un consensus là-dessus, mais c’est débattu. Le comité éthique de l’INSERM y a pas mal réfléchi en termes de conscience, de sensations. Il faut faire très attention quand on manipule ces concepts, car par exemple on ne sait pas comment on va définir une sensation. Pour qu’il y ait souffrance, il faut qu’il y ait une conscience de la souffrance.

Aura-t-on des mini-cerveaux mi-vivants, mi-électroniques à la maison?

Il ne faut pas s’interdire de rêver sur les ordinateurs organoïdes, mais il y a la réalité et les contraintes du vivant. Pour faire ces cultures, ce n’est pas une boîte qu’on a, c’est une pièce. Il faut reproduire la température du corps à 37 degrés, maintenir un univers stérile. Il y a du gaz carbonique, de l’oxygène, une température régulée, etc. Il y aura forcément de la miniaturisation mais pour le moment on n’y est pas. Sur le papier, un cerveau humain est plus puissant que tous les ordinateurs. L’organoïde n’est pas encore un cerveau. Cela va prendre du temps.

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2024-01-07 12:00:00

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