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Ernährungsrat : le potentiel démocratique des conseils de politique alimentaire en Allemagne

Ernährungsrat : le potentiel démocratique des conseils de politique alimentaire en Allemagne

Cet article d’abord apparu sur ARC2020.eu. ARC2020 est une plate-forme pour les acteurs de l’agroalimentaire et du monde rural travaillant à de meilleures politiques alimentaires, agricoles et rurales pour l’Europe. Vous pouvez trouver la partie 1 de cette série sur Resilience.org ici.

Il existe un seul Green Deal européen, mais de nombreuses façons de démocratiser la politique alimentaire locale. Dans partie 1 de cette analyse, nous avons décortiqué les carences financières des Programmes Alimentaires Territoriaux (PAT). Dans la partie 2, nous examinons l’Allemagne et le potentiel démocratique des conseils de politique alimentaire (Ernährungsrat). Nous établissons ensuite une comparaison avec les expériences créatives de deux municipalités françaises. Partie 2 d’une analyse politique par le projet Résilience rurale.

Pour explorer ce “constellation de démocraties alimentaires locales», nous ferons un petit détour par l’Allemagne, avant de revenir sur les études de cas de deux communes françaises, aux deux extrémités du spectre de taille : la grande région grenobloise PAIT (Programme alimentaire interterritorial, Projet Alimentaire Inter-Territorial) au sud-est, et la commune rurale de Plessé’s PAAC (Politique Agricole et Alimentaire Locale, Politique agricole et alimentaire communale) au nord-ouest. Ou comment la créativité avec des acronymes peut aider à marquer une distance nécessaire avec l’approche PAT, qui est (trop) encadrée ou contrainte par le tissu institutionnel.

Chaque grande ville d’Allemagne a son propre conseil de politique alimentaire pour guider la transition alimentaire vers un nouveau système durable. Photo Robert Wiedemann, Unsplash

L’Europe germanophone à l’écoute de ses citoyens

En Allemagne, un plus densément peuplé pays que la France, les initiatives les plus visibles viennent des grandes villes, comme la capitale Berlin :

“Le Conseil de la politique alimentaire de Berlin (Ernährungsrat Berlin) est une association de la société civile d’acteurs qui s’engagent pour une production et une distribution alimentaires écologiques, climatiques et socialement justes dans la région de Berlin. Le Conseil se considère comme une alliance qui représente publiquement les positions de la société civile. Le Conseil appelle à un système alimentaire durable et veut aider les positions de la société civile à acquérir une validité politique.

Chaque grande métropole a son propre conseil de politique alimentaire qui exige un nouveau système alimentaire et critique vivement le manque de durabilité et de justice sociale du système existant.

« Le travail du Food Policy Council est basé sur le concept politique de souveraineté alimentaire »
Points de levier pour la transformation de la durabilité

Cela se traduit par la capacité à réunir des acteurs de toute l’Allemagne et des territoires germanophones voisins en Autriche et en Suisse, la première réunion ayant eu lieu en 2017 (une année charnière pour l’Allemagne, qui a accueilli la COP 23 à Bonn en novembre).

« Du 10 au 12 novembre 2017, plus de 100 personnes de plus de 40 villes se sont réunies à Essen, en Allemagne, pour échanger des idées et des expériences sur les conseils de politique alimentaire (FPC, en allemand : Ernährungsräte). Il s’agissait du premier congrès de mise en réseau de conseils et d’initiatives de politique alimentaire récemment créés qui prévoient de le faire dans un avenir proche dans les pays et régions germanophones (Autriche, Allemagne, Tyrol du Sud et Suisse) »
Points de levier pour la transformation de la durabilité

Le thème des sessions de l’après-midi a donné le ton : Do It Yourself – ce qui signifie généralement moins d’obstacles financiers, car le bassin de main-d’œuvre communautaire est presque sans fond. Le message d’invités internationaux de haut niveau tels que Mark Winne (USA) était de “commencer par le faisable» : s’attaquer d’abord à la multitude de petits projets faciles à financer.

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Grenoble, dans les Alpes françaises, a reçu le titre de capitale européenne verte en 2022, pour les idées et les actions de la ville en faveur d’un avenir respectueux du climat. Photo : Time Oldenkamp, ​​Unsplash

Programme alimentaire interterritorial de Grenoble (PAIT)

De retour en France, les Programmes Alimentaires Territoriaux (PAT) sont majoritairement aux mains des villes et des grandes agglomérations, qui représentent plus de 60 % des 38 PAT attribués en 2018 (source : CAP NSP). Grenoble est l’illustration d’une France urbaine issue des élections municipales de juin 2020. Pendant le confinement lié au COVID qui a suivi le premier tour de scrutin en mars 2020, les électeurs ont eu amplement le temps de réfléchir à la vulnérabilité du système alimentaire. Le parti Vert (EELV, Europe Ecologie Les Verts), seul ou avec ses alliés historiques comme le Parti socialiste, a remporté une victoire écrasante dans plusieurs grandes villes, dont Grenoble, dirigée par le maire vert Eric Piolle.

La grande région Grenoble Alpes Métropole est dirigée par un ancien membre du Parti socialiste, qui estime : « Grenoble est une petite vallée avec de grandes idées… elle a tout d’une grande ville » (la population de ce «agglo” était de 446 612 en 2019). Grenoble est depuis longtemps fière d’être La réponse française à la Silicon Valley.

Un projet de la nouvelle majorité a été de créer un AMER (Programme alimentaire interterritorial, Projet Alimentaire Inter-Territorial) pour la grande région grenobloise. Impliquées horizontalement dans ce projet de transition alimentaire, pléthore de collectivités locales allant du très urbain au très rural, représentant un total de 380 communes. Parmi les trois acteurs socio-économiques impliqués figurent la Chambre d’agriculture de l’Isère, et une association à but non lucratif, la Collectif Autonomie Alimentaire.

C’est une configuration qui bouleverse les frontières administratives françaises habituelles, mais reste dépendante des mécanismes de financement existants.

Ainsi, le précédent programme LEADER avait permis à un groupement de communes rurales (Communauté de Communes) pour soutenir les efforts de contribution au PAIT. Mais maintenant, comme nous l’a dit un conseiller municipal dans une interview :

“[W]Avec le nouveau programme, nous ne pourrons pas. Étonnamment, la majorité [in AURA Region] donne la priorité au développement de l’emploi (même si des fonds européens du FSE sont déjà disponibles à cet effet) et à la revitalisation des centres-villes. Alors il va falloir faire les choses différemment [to finance our initiatives]”.

En 2022, le PAIT de Grenoble a franchi la démarche ambitieuse d’élaborer une vision pour 2050 de fédérer cet ensemble d’acteurs ad hoc et hétérogène autour de la conviction que le scénario « business as usual » n’est pas soutenable.

L’équipe municipale de Plessé cherche à faciliter le bien-être dans la communauté rurale au sens large. Photo : Hannes Lorenzen

PAAC de Plessé

Plessé est une grande commune rurale de 5 265 habitants (comprenant trois villages), située au centre d’un « triangle » de trois villes : Vannes, Rennes et Nantes. L’équipe municipale actuelle a fait campagne en mars 2020 avec le slogan “Osez Ensemble, Plessé, Alternative Citoyenne” (Osons Plessé, alternative citoyenne) et, une fois élu, a nommé Aurélie Mezière, ingénieur, maire. Ce groupe d’élus, sans parti politique assigné, se définit comme un « facilitateur du bien vivre à Plessé (développement collectif, personnel, associatif et professionnel), un animateur de gouvernance partagée (concertation, prise de décision, projets en économie , environnemental, sociétal), ouvert sur l’extérieur (avec la volonté de s’appuyer sur des expériences innovantes développées par d’autres collectivités).

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Avec un tel positionnement, la question agricole et alimentaire a été placée parmi les priorités de leur premier mandat : ​​l’idée était de « créer notre propre politique agricole et alimentaire », explique Rémi BESLE, l’un des adjoints en charge de ce PAAC (l’appellation PAAC est un clin d’œil à la Politique Agricole Commune (PAC), qui peine à intégrer les enjeux alimentaires après six décennies d’existence). Ce qui est bien conçu est clairement énoncé ; c’est le cas du Plessé PAACqui poursuit six objectifs stratégiques et complémentaires :

  • Communiquer positivement sur l’agriculture dans la communauté; il est également prévu de célébrer à mi-mandat, à l’automne 2023, les premiers succès et résultats obtenus (comme, par exemple, 80 % des repas des cantines scolaires servis avec des produits locaux).
  • Privilégier une agriculture économiquement viable, diversifiée et inclusive: basé sur 92 exploitations, principalement en production laitière et bovine, l’une des idées directrices est d’augmenter la part du maraîchage, de l’arboriculture et de l’élevage ovin/caprin.
  • Favoriser l’accueil des porteurs de projets (aux différents niveaux des filières alimentaires): en plus de ce qui a déjà été édicté : gestion municipale des cantines scolaires, mise en place de marchés de producteurs locaux, création d’outils de transformation
  • Maintenir l’attention sur la démographie agricole: un agriculteur part (retraite), un agriculteur se met en route. Ainsi en 3 ans : l’hémorragie de 25 agriculteurs partants a été compensée par l’installation de 25 jeunes.
  • Préserver les ressources naturelles de la commune: l’une des mesures phares est l’inventaire des bocages sur le territoire communal – l’impact visé est d’interdire l’arrachage de ces bocages (marqueurs de paysages ruraux sous climat océanique, avec de nombreux services écosystémiques associés).
  • Préserver les terres agricoles: par le levier « urbanisme », qui s’articule bien avec le droit de préemption, que les SAFER (organismes de régulation du foncier agricole, propre à la France) et les maires peuvent exercer en France.

Une présentation de cette politique inspirante a été faite en mars 2023 lors de l’événement Feeding Ourselves à Cloughjordan, en Irlande, coorganisé par Cultivate, Forum Synergies et ARC2020 (ainsi que d’autres partenaires). Découvrez la présentation de l’adjoint à l’agriculture et à l’alimentation de Rémi Besle ici : « Connecting with Europe – Rural Europe Takes Action » lors de Feeding Ourselves 2023.

Conclusion et perspectives

Les Programmes Alimentaires Territoriaux (PAT) sont une confrontation de l’horizontal et du vertical. Dans les territoires les plus innovants, l’approche est plus horizontale et de nouvelles relations urbain-rural se dessinent. Pourtant, la verticale reste omniprésente, puisque les fonds européens (programmes LEADER) sont un contributeur majeur aux initiatives les plus significatives : projets de développement d’un PAT ou d’un PAIT pour de larges populations.

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Les programmes alimentaires territoriaux de la France sont plein de paradoxes. Le président français est leur avocat numéro un, mais seulement pendant quelques jours de ses deux mandats – et jamais lors de ses réunions à Bruxelles :

Ce que cette pandémie révèle, c’est qu’il y a des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. C’est une folie de déléguer notre alimentation, notre protection et notre capacité à prendre soin de notre cadre de vie à d’autres. Il faut se reprendre en main et construire une France et une Europe souveraines, une France et une Europe bien maîtresses de leur destin » Président Emmanuel Macron12 mars 2020

Parallèlement, le gouvernement s’apprête à adopter une Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC), dont la publication est prévue en juillet 2023, en amont de la loi sur les systèmes alimentaires durables.

Compte tenu de la structure administrative à plusieurs niveaux de la France, on peut s’attendre à un débat animé autour de la question de si tous les paliers de municipalités devraient être autorisés à administrer un programme alimentaire territorialcomme le recommande le sénateur Frédéric Marchand :

“[…] leur donner une compétence partagée pour l’organisation d’une alimentation durable et résiliente et en faire des Autorités Organisatrices d’une alimentation durable et résiliente »
Programmes alimentaires territoriaux – Plus vite, plus haut, plus fort

La recommandation du sénateur va dans le sens de celle du BEE :

« La loi SFS devrait prévoir des plans nationaux pour une alimentation durable tous les niveaux de gouvernance et maximiser l’efficacité » Rapport du BEE sur la législation relative aux systèmes alimentaires durables

Le BEE appelle également à « une forte responsabilisation pour suivre les progrès ».

Cela contredit la dernière position du National Food Council (ANC, Conseil National de l’Alimentation). Sollicitée en février 2023 par les ministères de la santé, de l’environnement et de l’agriculture, auxquels elle est rattachée, pour contribuer à la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC), la CNA a recommandé la mise en place compétence « alimentation durable » au sein de la collectivité.

Un dernier paradoxe, et un sujet de controverse majeur sur la longue route vers des chaînes alimentaires résilientes: L’Europe ne s’est jamais immiscée dans les structures administratives des États membres, bien qu’elle se fixe très rapidement des objectifs stratégiques ambitieux, susceptibles de générer une évolution de la gouvernance locale. Le Boîte à outils de financement de l’UE, pour un sujet aussi polymorphe que les systèmes alimentaires locaux, est si complexe qu’elle est décourageante. Cela pourrait bien creuser un fossé encore plus profond entre l’Union européenne et ses territoires les plus défavorisés/ruraux : dans le meilleur des cas, susciter la créativité des communautés ; au pire, la rage du peuple.

Photo : Time Oldenkamp, ​​Unsplash

2023-08-14 16:52:32
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