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ENTRETIEN. “L’entraîneur ? C’est celui qui rame à contre-courant” nous explique le Tarnais Claude Puel à l’occasion de la sortie de son autobiographie

ENTRETIEN. “L’entraîneur ? C’est celui qui rame à contre-courant” nous explique le Tarnais Claude Puel à l’occasion de la sortie de son autobiographie

l’essentiel
La première période, mi-temps comprise : une heure au bout du fil. Il fallait bien ça pour retracer le parcours d’un des plus riches entraîneurs français. Au vrai, avec précisément 647 rencontres en L1, Claude Puel (61 ans) est le cinquième en terme de longévité. Après 601 matchs disputés en professionnel sous le maillot de l’AS Monaco (deux titres de champion en 1982 et 1988, deux Coupes de France en 1985 et 1991), le milieu défensif a débuté sur le banc à l’ASM en janvier 1999 ; il sera champion de France un an et demi plus tard. Puis dirigera successivement Lille, Lyon, Nice, Southampton et Leicester en Angleterre, puis Saint-Étienne. Ouvrons la boîte à souvenirs du Guy Roux de Castres !

Si votre mère ne vous avait pas empêché d’y jouer de peur que vous vous blessiez, vous auriez peut-être écrit une autobiographie sur le rugby…
Elle a mis son veto, oui. Disons qu’à Castres on est plus enclins à tâter l’ovalie qu’à jouer au football, naturellement. Mon père était talonneur, il n’était pas épais mais il avait une telle vitalité qu’il remplissait parfaitement la fonction (sourire).

Vous milieu défensif, pas un hasard.
On s’y retrouve, on s’y retrouve.

Vous allez au stade voir des matchs ?
Je suis “obligé” de suivre le Castres Olympique. Puis je suis ami avec Christophe Urios. J’ai toujours eu des rapports également avec Berbizier, Galthié… Rugbymen et footeux ont des points communs. Ce sont de belles rencontres propices à l’échange, à la confrontation d’idées. Et…

“Je suis le CO mais j’aime bien le Stade et sa part laissée à la créativité”

Oui…
Même s’il y a beaucoup de rivalité avec, j’aime bien le Stade Toulousain. Deux types de rugby. Toulouse et sa façon de jouer en préconisant constamment du jeu. Laisser une part de créativité aux joueurs, c’est ce qui m’intéresse. Je suis fan de Dupont. Non je ne vais pas au stade. Je suis domicilié au-dessus de Monaco, pas trop une terre d’ovalie forcément…

Tout a donc commencé à Lagarrigue, “dans la banlieue” de Castres comme vous dites.
J’ai encore de la famille : mon père, mon frère, ma sœur. J’y retourne de temps en temps. Mais ma maison, où l’on se retrouve tous, est en Principauté ; j’avais acheté un terrain et j’ai fait construire quand j’étais encore joueur. C’est juste en surplomb du stade Louis-II ; j’y vois carrément le tableau d’affichage.

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Pourquoi une autobiographie et pourquoi aujourd’hui ?
J’ai été contacté à plusieurs reprises, je me disais que je n’étais pas assez connu. Si j’acceptais un jour, je voulais le faire par moi-même. Avec mes mots, mon ressenti. J’ai profité aussi de la pause que j’avais après Saint-Étienne. Pour m’y remettre car j’avais déjà commencé en Angleterre.

Vous avez choisi comme titre “Libre” ?
J’ai eu le privilège de jouer et, surtout, entraîner sans jamais devoir faire de concessions. De tout mon vécu, je n’ai jamais accepté qu’on m’impose des choses. La liberté est sacrée. Je ne suis pas carriériste ; c’est ce que j’explique dans le livre.

Vous vous mettez un peu à nu dans l’ouvrage, non ?
Je ne suis pas très à l’aise avec un ou deux doigts, je me suis mis devant la machine et je me suis lancé. C’est vrai que je suis une personne assez réservée, voire pudique. Parler de soi et sur soi n’est pas évident. Au premier abord, ce n’est pas naturel. Maintenant, comme c’est le football le fil rouge…

Est-ce que ce livre marque la fin de votre carrière ?
Non, ça ne laisse préjuger de rien ; je demeure tout autant passionné. Je suis encore jeune, plein de peps. Après, je ne repartirai que si j’ai un projet qui me permette d’être exigeant, de suite dans la performance en jouant la coupe d’Europe ou les premiers rôles. Dans un championnat européen.

“Joueur ou entraîneur, je n’ai jamais eu d’agent…”

Pas de piste aujourd’hui ?
J’ai pas mal de sollicitations, constamment ; or, pas qui me correspondent. Je n’ai jamais eu d’agent, sur le terrain ou sur un banc. Il va falloir que j’y songe.

Le chiffre de 1.248 matchs joués et dirigés, ça donne le tournis…
Le record français, ma petite particularité.

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Comment fait-on pour durer si longtemps dans cet univers impitoyable ?
Beaucoup de résilience.

Vous débutez à l’âge de 9 ans à l’Étoile sportive castraise.
Je ne savais pas qu’on pouvait en faire sa profession. Puis je me suis retrouvé sélectionné en équipe de France cadets ; ce qui était un événement pour le club. Je serai promu capitaine ! J’étais très polyvalent, j’étais à même de jouer à tous les postes de la défense et du milieu ; à 23-24 ans, j’ai fini par me stabiliser milieu déf’ et j’y resterai. Enfin, j’ai dépanné à trois reprises dans les cages. La première, ce fut contre le Nantes des Baronchelli, Amisse, Touré. J’avais été pilonné. On a fait un partout alors que quand je suis passé dans les buts on était menés 1-0. J’avais effectué de super-arrêts. C’était même, tenez, le premier match de Canal à la TV (09/11/1984).

On apprend encore que vous êtes le roi des jongles…
Dans la cour, derrière la maison. C’était pour préparer le Concours Adidas : tu devais réaliser 300 jongles du pied droit, 300 du pied gauche, 300 des deux et 100 de la tête plus un parcours chronométré. Je finissais avec un torticolis, je ne vous dis pas… Les cinq premiers nationaux montaient à Paris défiler à la mi-temps de la finale de la Coupe de France. Je ne me souviens même plus l’affiche…

En dehors de Trois-Poumons, vous aviez aussi comme surnom Robocop ?
Même avec une fracture, j’étais sur le pré ! On m’a surnommé aussi Raymond. Par rapport à Domenech : j’avais une certaine expression sur le terrain proche, disons, de l’intimidation.

“Et Arsène (Wenger) est retombé sur le dos, dans la neige, les bras en croix !”

Monaco donc, on ne peut pas refermer le chapitre sans évoquer ce fameux tacle à l’entraînement sur Arsène Wenger qui “gémit, au sol, les bras en croix”…
Il est retombé sur son dos, il était un peu coincé – en plus sur la neige (rires). Bon il n’a pas été rancunier.

Vous commencez coach à 38 ans, c’est jeune !
J’étais adjoint de Jean Tigana qui démissionne. Et, petit à petit, on remonte au classement pour finir à un point de la Ligue des champions 1999-2000 alors qu’on était partis de la 11e place. Ils cherchaient un technicien de renom. Jusqu’à ce que le Prince Albert souhaite que je continue.

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La spéciale de “Titi” Henry, c’est vous !
Après il travaillera tout seul. Mais c’est vrai que Thierry avait l’habitude de jouer à gauche, rentrer intérieur puis déclencher fort du cou de pied. Il cadrait rarement ; ça partait dans les nuages… Alors je lui ai imposé une figurine en plastique puis un vrai défenseur.

Joueur ou entraîneur, l’élément le plus doué que vous ayez côtoyé ?
Oh là, tellement difficile… Je cite plein de joueurs dans mon bouquin. À Monaco, surtout. Les meilleurs de la planète, l’ASM était en mesure de les récupérer.

À Lille (2002-08), vous avez eu une tendresse particulière pour Eden Hazard…
Je l’ai lancé à 16 ans parce qu’il avait déjà tout. Je ne peux pas dire que je l’ai même post-formé car il était inné. C’est un talent. Un vrai.

Le plus drôle ?
Je préfère retenir des leçons de vie : des joueurs qui vont avoir des carrières – internationales – tandis qu’ils ont été retoqués des centres, perdus pour le foot ; à coller des affiches par exemple. Personnellement, j’ai pris des gamins à l’essai sur deux-trois jours parce qu’on m’en avait parlé… ces révélations, il y en plein de livres. Piochez (il sourit).

“Pep Guardiola est le premier à avoir mis en place un pressing haut”

Guardiola, votre modèle ?
Depuis une dizaine d’années, Pep est celui qui a le plus révolutionné le jeu : c’est le premier à avoir mis en place le pressing haut dans le camp adverse.

Pour finir, votre définition de l’entraîneur ?
Un rassembleur. C’est le seul dans ce monde du football qui rame à contre-courant. Il est celui qui fédère individualités et individualistes. Il est là pour que chaque joueur pense collectif tout en gardant ses particularités. Toute la beauté et la difficulté du métier, vous l’aurez compris.

“Libre – 50 ans de football”, par Claude Puel ; Solar Éditions ; 240p., 19,90€.

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