Echec du projet Gorgon de capture et stockage de dioxyde de carbone

Pour les compagnies pétrolières du monde entier, le projet Gorgon est censé être un porte-drapeau de la technologie de capture et du stockage du CO₂. À côté de Chevron, le projet dispose d’autres actionnaires du secteur, notamment les majors ExxonMobil et Shell.”

“Malgré les promesses, il n’y a pas de progrès depuis deux ans pour limiter le réchauffement climatique”

Du CO₂ capté puis relâché dans l’atmosphère

Néanmoins, jusqu’à présent, Gorgon n’a pas tenu ses promesses. “Chevron vient de communiquer ses résultats de la dernière année fiscale 2022/2023nous explique Kevin Morrison, expert de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis, basé à Sydney. Or Chevron n’a réussi à stocker qu’un tiers du CO₂ qu’il a capturé à Gorgon. Ils ont capturé 5 millions de tonnes de CO₂, mais 1,7 million de tonnes seulement a pu être injectée dans le réservoir”. Et le reste a dû être relâché dans l’atmosphère…

Des problèmes d’excès d’eau et de pression dans le réservoir limiteraient les quantités de CO₂ qu’il est possible d’injecter et de stocker. Ces problèmes, présents depuis le début, n’ont donc toujours pas été réglés. “Il est vrai que la pression est élevée dans le réservoircommente Kevin Morrison. Mais cet élément était connu et Chevron aurait dû en tenir compte dès le début. En attendant, l’installation est exploitée depuis cinq ans et elle n’a jamais tenu ses promesses en termes de stockage de CO₂”. Chevron avait été autorisé à construire une usine de liquéfaction du gaz naturel, à condition de stocker une bonne partie du carbone émis par cette exploitation. Mais, bien que la première cargaison de GNL ait été expédiée début 2016, la première injection de CO₂ dans le réservoir n’a eu lieu qu’en août 2019, avec 3,5 ans de retard sur le planning initial. Et, depuis lors, le projet Gorgon n’a jamais pu atteindre ses objectifs.

Avec la fonte des glaciers, les trésors du passé lointain refont surface… Bien trop vite pour les archéologues

Un coup très dur

Selon Kevin Morrison, ce revers est un coup dur pour les compagnies pétrolières et gazières, qui poussent en faveur de cette technologie. Il précise “qu’aucune installation de stockage de CO₂ dans le monde n’est jamais parvenue à tenir ses promesses”.

D’après lui, la mise en avant de cette technologie est un “scandale”. “C’est une fausse solution qui permet aux compagnies pétrolières et gazières d’avoir une excuse pour continuer à pomper du gaz et du pétrole”.

Selon Kevin Morrison, le principal problème est que la capture du CO₂, dans le secteur des hydrocarbures, ne s’intéresse pas à la majeure partie des émissions de carbone. “90 % des émissions de CO₂ liées au secteur pétrolier ont lieu lorsque l’essence et le diesel sont brûlés dans les moteurs des voituresdéclare-t-il. Or la capture du carbone, qui a lieu sur le site d’extraction du pétrole ou du gaz, ne s’attaque pas à ces émissions indirectes, soit 90 % du problème”.

Dès lors, comment expliquer que cette technologie soit reconnue par le Giec et par l’Agence internationale de l’énergie ? “C’est une remarque intéressante car on entend souvent cet argumentrépond Kevin Morrison. Ce que disent le Giec et l’AIE est très différent du contenu de leurs publications sur le sujet. Encore récemment, le président du Giec a soutenu cette technologie dans une interview. Or c’est en contradiction avec les résultats de la capture et du stockage du carbone.”

Il précise néanmoins que cette technologie peut avoir du sens dans certains secteurs, comme la production d’acier et de ciment. Dans ce cas, le gros des émissions provient de la production des biens et capturer le CO₂ émis dans l’usine a plus de sens.