Il forme les pilotes depuis soixante ans et cumule près de 40 000 heures de pilotage. Jean-Pierre Trimaille, 80 ans, fondateur d’une école de pilotage à l’aérodrome de Toussus-le-Noble (Yvelines), est l’instructeur qui se trouvait à bord de l’avion bimoteur ayant atterri en urgence à l’arrière d’un immeuble de Villejuif (Val-de-Marne), lundi vers 17 heures, boulevard Maxime-Gorki (D 7).
Un crash au bilan miraculeux vu la densité du tissu urbain dans cette zone : seulement trois blessés graves, l’instructeur et ses deux élèves. Leur pronostic vital n’est pas engagé, ont précisé les pompiers de Paris après le crash. Et aucun dégât majeur n’est à noter dans le quartier, ni aucun blessé parmi les riverains. Juste la carlingue du Piper PA-30 Twin Comanche fortement abîmée à la suite du choc.
Le pilote a su « voir une trouée où atterrir entre les immeubles »
Le directeur de l’une des écoles de pilotage de Toussus-le-Noble connaît bien son confrère : « C’est un pilote très chevronné, qui a formé des centaines de personnes. Il a une expérience exceptionnelle. A-t-il sauvé des vies lundi soir ? On ne réfléchit pas comme ça dans l’aérien. Mais, oui, on est formé à éviter un drame au sol… »
VIDÉO. Un avion de tourisme s’écrase dans un jardin de Villejuif
Selon lui, l’appareil effectuait un trajet « ultra-classique » de formation pour les futurs pilotes professionnels : Rouen-Toussus. « Il s’agissait a priori d’un vol aux instruments. » L’avion s’est retrouvé au-dessus du Val-de-Marne après avoir effectué « un retour par l’Est afin d’aligner la trajectoire sur l’ILS (Instrument Landing System, système d’aide à l’atterrissage) de Toussus ».
Une procédure d’atterrissage d’urgence suivie à la lettre
À quel moment exact est survenue une difficulté ? Une chose est sûre, sa perte d’altitude l’a conduit à se poser à Villejuif, « où le pilote a dû voir une trouée, une zone où atterrir entre les immeubles ». Une trouée aussi réduite que le chas d’une aiguille vu la configuration du quartier, constitué d’une longue départementale, de nombreux immeubles et quelques pavillons.
Le petit bimoteur a réussi à se poser sur le dessus de garages souterrains, derrière une haute résidence, terminant sa course dans un muret et perdant sa dérive et quelques éléments de carlingue au passage. « On comprend qu’ils ont clairement mis en place la procédure d’atterrissage d’urgence, explique le directeur. Les priorités sont d’éviter un drame au sol tout d’abord, puis de sauver l’équipage, pas l’avion. Celui-ci sert de fusible, il est conçu pour absorber l’énergie du choc. »
« Une avarie moteur »
Pour parvenir à ce résultat, « il faut piloter jusqu’au bout, c’est-à-dire garder suffisamment de vitesse afin de maintenir la portance des ailes et éviter que l’appareil ne tombe comme une pierre. Cela permet de choisir au mieux sa trajectoire et donner des choix. » Le bilan de Villejuif ne relève donc pas du miracle selon lui, mais « d’énormément d’expérience et de savoir-faire ».
C’est visiblement ce qui s’est déroulé lors du crash de Villejuif. Seul le Bureau d’enquêtes et d’analyses pour l’aviation civile (BEA) pourra donner les raisons exactes de cet atterrissage d’urgence. La préfecture du Val-de-Marne a évoqué lundi soir « une avarie moteur ».
« Aujourd’hui, on survole forcément des zones urbanisées. L’objectif est d’apprendre à les éviter, poursuit le patron de l’école. L’accident de Villejuif est comparable en ce point à celui sur l’Hudson près de New York, où le commandant de bord chevronné a décidé de poser son A320 sur la rivière après que ses moteurs ont été percutés par des oiseaux. » Cet amerrissage exceptionnel avait occasionné une centaine de blessés et aucun mort en janvier 2009.
« Chaque accident amène des apprentissages »
« Si le transport aérien est si sûr aujourd’hui, c’est grâce à des formations de haut niveau comme celles dispensées à Toussus pour les futurs pilotes de lignes commerciales », insiste le dirigeant. Il rappelle qu’ils apprennent leur métier d’abord sur de petits aéronefs comme le Piper PA-30 avant de passer aux gros Boeing et Airbus.
Selon lui, le crash de Villejuif pourrait enrichir les prochaines formations de pilotage. « Chaque accident amène des analyses et des apprentissages. Le drame du Rio-Paris a fait intégrer aux futurs pilotes une formation UPRT (prévenir et récupérer des renversements d’avion)celui de la Germanwings a fait ajouter un module 100 KSA (attitude et savoir-être du pilote). »
2023-12-05 11:00:00
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