Désormais à 23 heures, cafés, bars à chicha, établissements de restauration rapide et de vente à emporter tels que les kebabs devront baisser le rideau à Sarcelles, sous peine d’une amende. Le maire Patrick Haddad (PS) a pris le 20 janvier un arrêté municipal contraignant jusqu’au 1er juillet prochain 2023 ces commerces à fermer plus tôt que ce que permet l’arrêté préfectoral – 1 heure du matin pour les débits de boissons.
Tous les quartiers sont visés, avec 25 avenues, rues, places, boulevards cités dans l’arrêté. La raison : les troubles du voisinage occasionnés par ces rassemblements nocturnes de personnes, dont certaines en état d’ébriété, qui empêchent le repos des habitants, mais aussi le stationnement anarchique observé aux abords de ces établissements. Dans le même temps, un arrêté interdisant la consommation d’alcool sur les voies, places, abords d’établissements scolaires et parcs public a été pris.
Clairement, Patrick Haddad entend « mettre fin ou du moins atténuer ces troubles à l’ordre public ». « Les comptes rendus faits par la police municipale relatent une recrudescence des constats concernant la consommation d’alcool par des individus, sur la voie publique, écrit le maire. Ces faits sont confirmés par les services du commissariat de Sarcelles. » Contacté à plusieurs reprises, il n’a pas répondu à nos sollicitations.
« Cette décision va à l’encontre des commerçants et des consommateurs »,
Une mesure qui fait grincer des dents nombre de cafetiers. Au bistrot 3, place du Souvenir Français, alors que des retraités tapent le carton, Michel, l’un des associés de l’établissement, ne cache pas son désarroi. « Nous n’étions pas au courant de cette décision mais nous ne sommes pas d’accord. Nous faisons aussi restaurant. Nous accueillons des mariages, des fiançailles, des événements, fermer à 23 heures n’est pas tenable. Les gens savent qu’on est ouvert jusqu’à 1 heure du matin et ils ont pris leurs habitudes », explique le patron, qui estime avoir « subi suffisamment de coups ces deux dernières années avec le Covid-19 ». « Cette tranche horaire représente 15 % de notre chiffre d’affaires. »
Bassam, responsable du Bagdad Café, situé avenue du 8 mai 1945 aux Flanades, en reste coi. Il réfute les arguments du maire. « Des nuisances ? Mais ici, on ne risque pas de déranger quelqu’un ! Au-dessus du café, ce sont des bureaux, à côté il y a un garage et de l’autre un commerce. » Quant au stationnement, il assure que ses clients ne créent pas de problème. Un des habitués enchaîne. « Ici au Bagdad, les clients sont à 98 % de la communauté assyro-chaldéenne. La plupart sont mariés ou ont des enfants. C’est plutôt familial. Je fréquente l’établissement depuis dix ans et il n’y a jamais eu de problème, assure Dawod. La mesure du maire est peut-être nécessaire dans certains établissements, mais pas ici. Tout dépend du patron et de la clientèle. Moi, quand je vais prendre mon service en tant que VTC à une heure du matin, je suis heureux de pouvoir prendre un café. »
Un peu plus bas sur l’avenue, au Clairis, Kenan fait valoir les mesures qu’il prend pour éviter toutes nuisances. « Une heure environ avant l’heure de fermeture, je baisse le rideau de fer, histoire de signifier aux clients sur place que la fermeture est proche et afin de ne pas accueillir de nouveaux consommateurs. J’éteins aussi l’enseigne du café. Ça se passe en douceur. Mais 23 heures, c’est vraiment tôt, c’est à cette heure-ci qu’on travaille. »
Le bar à chicha de la place André-Gide, est également dans la ligne de mire de l’arrêté. Ses clients plaident là aussi pour le maintien des horaires. « C’est insonorisé et ici les gens ne fument pas dehors. Ça fait moins de bruit que le trafic sur une route nationale. Il n’y a jamais eu de plaintes. Cette décision va à l’encontre des commerçants et des consommateurs », explique Zakaria, qui aime se retrouver le soir avec des amis au Seven. « C’est un moment de détente, on regarde un match, on discute… Et puis, il n’y a pas tellement de lieux où se poser. Enfin, il vaut mieux voir les jeunes dans un établissement où ils sont encadrés plutôt que dehors ou dans un hall d’immeuble. »
Les épiceries de nuit pointées du doigt
Certains pointent du doigt les épiceries et les kebabs, comme responsables des nuisances, comme Cafer, le patron du café de la place André-Gide, qui lui ferme au plus tard à 21 heures. « Les épiceries sont devenues des bars à ciel ouvert. Ils vendent de l’alcool jusqu’à une heure du matin voire plus. J’habite pas loin et je suis victime aussi car je les entends hurler jusqu’à tard la nuit. Ils nous empêchent de dormir », assène-t-il en montrant des clichés pris avec son téléphone portable des matins à l’heure d’ouvrir. On y voit la place André-Gide, jonchée de bouteilles vides, de papiers, de bris de verre. Les poubelles débordant de canettes de bière. « Ça, ce n’est pas moi qui le vends ! » dit-il, furibard de devoir nettoyer chaque matin les restes d’une nuit arrosée, sans compter les traces d’urine.
Même écho auprès d’une habitante de cette place, qui désigne aussi l’épicerie du coin. « Ils sont appuyés sur la vitrine de l’épicerie pendant des heures et vous narguent. Ils parlent fort, font des saletés. Il y a du squat au 19 », assure-t-elle. Le vendeur de l’épicerie en question, où un large rayon de boissons alcoolisées est proposé à la vente, assure pourtant dans un français approximatif fermer à 21h30.
2023-02-05 11:00:00
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