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Voyager dans la vérité – Monde et Mission

Voyager dans la vérité – Monde et Mission

2023-08-01 13:20:45

Grièvement blessé aux jambes, il s’est relevé et marche désormais aux côtés des habitants du Soudan du Sud. L’évêque de Rumbek Christian Carlassare sera l’invité du Congrès du PIME où il apportera son témoignage également recueilli dans un livre

Évêque de Rumbek depuis le 25 mars 2022, Christian Carlassare, 45 ans, originaire de Vicence, a dû subir le traumatisme d’un attentat qui l’a gravement blessé aux jambes, dans la nuit du 25 avril 2021, avant de pouvoir enfin rentrer à son diocèse. Il a vécu dans sa chair la haine et la violence que tant de personnes au Soudan du Sud ont subies pendant des décennies et continuent de subir. Aujourd’hui, après une année fatigante, pleine de défis, mais aussi de nouveaux projets et perspectives, l’évêque veut avant tout regarder vers l’avenir, essayer de promouvoir la paix et la réconciliation, construire un avenir d’espérance pour tous. C’est aussi ce qu’il dit dans le livre En route avec l’Afriqueécrit avec Pierluigi Vercesi, journaliste de Corriere della Sera (Libreria Editrice Vaticana, pp. 160, 15 euros), qu’il présentera au Centre PIME le 17 septembre dans le cadre du congrès missionnaire 2023.
« Je suis serein et heureux – nous dit-il depuis Rumbek -. Le chemin est long et il n’est pas toujours possible de répondre à tous les besoins et exigences. Mais il y a aussi tant de beauté qui se dégage des gens et surtout des jeunes. Avançons avec simplicité, humilité et joie pour garantir une présence et un service qui doivent contribuer à l’unité et à la réconciliation. Le pardon est beau et juste, mais il nous demande aussi de faire un chemin ensemble, dont le premier pas est celui de la vérité pour créer un espace de vraie conversion”.
Quelle est la situation au Soudan du Sud aujourd’hui ?
« C’est très complexe. Le gouvernement est assez fort grâce à l’accord de paix et à l’opposition assez divisée. Certains territoires sont plus paisibles, dans d’autres il y a beaucoup de tensions. Le Haut-Nil, par exemple, est porteur de nombreuses contradictions et de problèmes non résolus, d’où la crainte de l’explosion de nouveaux conflits. La situation économique est très critique et la pauvreté devient de plus en plus grande. Les inondations dévastatrices ont réduit une grande partie de la population à la pauvreté en raison de la perte de bétail et de l’impossibilité de cultiver. Certains groupes se sont déplacés avec leurs troupeaux, créant une instabilité notamment en Equatoria. Le gouvernement a commencé à former la Commission pour la vérité, la réconciliation et la prise en charge des traumatismes : on se demande si la population est prête à parler des blessures et des injustices subies sans laisser resurgir des sentiments négatifs et contre-productifs. Dans le même temps, beaucoup se demandent si le pays est vraiment prêt pour un exercice démocratique comme peuvent l’être les élections de 2024.
Aujourd’hui, le Soudan du Sud accueille également de nombreuses personnes fuyant le Soudan déchiré par la guerre…
«Plus de 100 000 sont déjà arrivés au Soudan du Sud, notamment dans la région du Haut-Nil. La situation est très difficile car ils ont tout perdu et ne trouvent rien ici. L’ONU est déjà intervenue et l’Eglise aussi essaie d’être présente surtout à travers Caritas. Certains réfugiés ont été déplacés vers la capitale Juba et des camps de fortune ont été installés en plus de ceux qui existaient déjà. À Malakal, cependant, en raison de la surpopulation, il y a eu des affrontements avec des morts. Je crois que beaucoup vont essayer de sortir des champs pour s’installer là où ils espèrent se reconstruire un avenir. Ce qui n’est pas facile car ils ont tout perdu et doivent recommencer dans un pays marqué par la crise économique».
C’est l’histoire qui se répète à l’envers.
« En quelque sorte oui. Le Soudan était considéré comme un pays stable, où de nombreux Sud-Soudanais touchés par la guerre civile avaient cherché refuge. Mais ensuite, le conflit éclate au Soudan et maintenant les Sud-Soudanais sont en grand danger. Ils ne peuvent que rentrer, mais le pays n’a que très peu à offrir, sinon la certitude d’être chez eux, mais une maison détruite et à reconstruire, avec des ressources souvent dispersées”.
Après le bombardement, comment avez-vous vécu votre retour à Rumbek ?
« J’ai dû assumer les souffrances et les blessures de ce diocèse avec de nombreux prêtres, religieux et laïcs engagés dans l’évangélisation et la promotion humaine. Nous avons suivi l’exemple de Monseigneur Cesare Mazzolari, décédé en 2011, qui depuis les années 1990 s’est engagé à faire revivre ce diocèse qui a été particulièrement touché pendant la guerre de libération du Soudan du Sud ».
Quels sont les défis les plus difficiles ?
« Les blessures apportent souvent la division au lieu de la solidarité et de la communion. C’est le plus grand défi, celui de l’unité. Mais aussi la plus belle parce que nous pouvons vraiment être les enfants d’un Père miséricordieux qui ne nous abandonne jamais. Le diocèse de Rumbek est actif dans de nombreux domaines. Une attention particulière est accordée aux jeunes qui souffrent du traumatisme d’un pays qui a peu à offrir en termes d’opportunités. En outre, nous exerçons le ministère de la justice et de la paix, à travers de nombreux comités présents dans la région ; la radio diocésaine engagée dans l’information et la sensibilisation de la population ; les activités de promotion de la femme ; mais aussi les écoles et Caritas… Je me retrouve chaque jour submergée par tant de questions et de besoins auxquels je ne peux – ou nous ne pouvons – que partiellement répondre, mais en essayant toujours de garantir l’attention et la participation aux efforts des personnes».
La visite du pape François vous a-t-elle apporté réconfort et courage ?
«C’était d’abord un choix courageux. Il a clairement montré combien sa préoccupation est dirigée vers les banlieues et toutes les situations de marginalisation et de pauvreté. Pour le peuple, sa présence était une source d’espoir et un appel à un engagement pour une paix qui ne vient pas des palais du pouvoir, mais d’en bas, de la volonté de la population, même si elle est blessée, opprimée et souvent réduite à la misère. C’était aussi un appel à dire « non » aux divisions, à la violence et à la corruption afin de créer une société pacifique, solidaire et plus humaine. Pour l’Église, c’était un avertissement très fort aux évêques, aux prêtres et aux religieux de se tenir aux côtés des victimes, de panser leurs blessures et d’œuvrer pour la paix ».
Ce qui reste?
« Un souvenir très vif. Nous continuons souvent à nous rappeler ces jours et ses paroles. Certains m’ont fait remarquer qu’à son départ il y avait un crachin interprété comme une bénédiction. Mais depuis ce jour nous n’avons pas eu d’autres pluies : cela pourrait-il être une parabole de la situation dans le pays ? Maintenant, en tant qu’Église, nous aimerions discuter et planifier des initiatives en continuité avec la visite de François”.
Avec environ quatre-vingts jeunes, il a fait un pèlerinage de Rumbek à Juba pour rencontrer le pape.
« Le cheminement est souvent une expérience de spiritualité et de communion entre ceux qui entreprennent un cheminement ensemble. On pense aussi bien aux grands pèlerinages qu’aux marches des droits civiques. Le pape lui-même s’est présenté au Soudan du Sud comme un pèlerin de la paix. Ici, nous ne voulions pas le laisser seul. Nous partons, pèlerins en prière, jeunes d’ethnies différentes, prêts à cheminer ensemble et à rencontrer les communautés le long du chemin, témoins d’une paix possible. Nous avons vu grandir peu à peu l’amitié et la communion entre les jeunes. En même temps, nous avons rencontré beaucoup de monde dans les différentes paroisses où nous nous sommes arrêtés pendant la marche de neuf jours. Beaucoup nous ont accompagnés pour quelques tronçons. À notre arrivée à Juba, une foule nombreuse nous a accueillis et a marché avec nous dans les rues de la ville. Et ainsi nous avons réalisé que nous n’avions pas marché juste pour nous-mêmes, pour arriver à Juba, pour rencontrer le pape, mais que nous avions marché pour toute la nation, et beaucoup, dans leur cœur, avaient marché avec nous dans la prière et la communion d’intentions et le désir de paix et de réconciliation pour ce pays ».
Cette marche a-t-elle une valeur symbolique particulière pour vous qui parcouriez de longues distances pour atteindre les missions et qui étiez gravement blessé aux jambes ?
«Ma première mission dans ce pays s’est caractérisée par “l’itinérance” pour visiter les nombreuses chapelles d’une paroisse au vaste territoire. La mission comme rencontre humble avec les gens. Une mission pauvre, mais qui découvre la richesse présente en chaque personne. Le pèlerinage a re-proposé la même dynamique d’évangélisation. Et nous voudrions le répéter chaque année avec un groupe de jeunes comme moyen d’atteindre ceux qui sont considérés comme les plus éloignés : les personnes qui ne sont pas considérées et laissées de côté comme inaccessibles. Je pense, par exemple, à ceux qui vivent dans les zones rurales les plus isolées ou aux bergers semi-nomades qui suivent le bétail. Mais aussi des personnes fatiguées, blessées qui ne marchent plus. Je me suis relevé après l’attentat qui m’a blessé aux jambes, Dieu merci. Ce pays aussi peut se relever et repartir sur le chemin du pardon et de la paix, en laissant derrière lui un passé de violence et d’injustice ».
Quelle est l’importance de cheminer au quotidien avec les jeunes de votre diocèse ? Quels sont les défis et les espoirs pour eux ?
« Il est important que les jeunes puissent avoir une vision d’un objectif à atteindre et s’engager avant tout à étudier : l’école aujourd’hui n’est plus un rêve impossible et représente une promesse de libération pour de nombreux jeunes qui n’acceptent plus de vivre sans opportunités , être manipulée par les puissants ou écrasée par une culture oppressive ou, comme dans le cas de nombreuses filles, être forcée de se marier alors qu’elles sont trop jeunes pour résister et planifier un avenir différent. Un autre niveau d’engagement est celui de la société, qui requiert des personnes libres, bien formées et prêtes à mettre leurs qualités et leurs capacités au service. En ce moment, on parle beaucoup de paix, mais il n’y a pas d’éducation à la paix. Les jeunes sont poussés vers la compétition ce qui crée de l’insatisfaction car ils sont incapables de réaliser ce à quoi ils aspirent. Beaucoup sont troublés par le traumatisme de la pauvreté et de la violence et n’ont aucun moyen de s’en libérer. D’autres souffrent de troubles du comportement voire de maladie mentale pure et simple. D’autres encore se laissent tenter par l’alcool et la drogue. Les suicides sont en hausse. Marcher ensemble, c’est donc se laisser conquérir par l’espoir que le but existe toujours et qu’il vaut la peine de tout donner pour y arriver».

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Journée PIME : 92e Congrès missionnaire

Le Congressino PIME – la grande fête traditionnellement organisée le troisième week-end de septembre et cette année prend le nom de PIME Day – est de retour avec de nombreux événements. Au centre se trouve toujours la remise du crucifix aux missionnaires et aux laïcs partant pour divers pays du monde. Alors rendez-vous dimanche 17 septembre à 10h30 pour la messe célébrée par Mgr Giuseppe Vegezzi, auxiliaire de Milan et chargé de la pastorale missionnaire en Lombardie. L’évêque d’Odienné (Côte d’Ivoire), Alain Clément Amiezi, et celui de Rumbek (Soudan du Sud), Christian Carlassare, concélébreront avec lui. Ce dernier présentera également son livre En route avec l’Afriqueà 14 ans.
Tout au long de la journée, des ateliers pour les enfants et l’ouverture extraordinaire du Musée des Peuples et des Cultures, avec possibilité de visites guidées.
Surtout, l’après-midi sera une bonne occasion de connaître les nombreux parcours pour les jeunes promus par PIME ainsi que l’expérience pour les étudiants de Time Out.
La journée sera également précédée de nombreux événements samedi 16 septembre. En particulier, les nouveaux cours de l’Accademia Senza Frontiere seront présentés (15h-17h), suivis du concert de l’école de musique Cluster. Toujours l’après-midi, des activités ludiques et sportives et des ateliers pour les enfants sont prévus. Les deux jours, il sera possible de visiter la nouvelle exposition créée par la rédaction de Monde et missiondédiée à sainte Thérèse de Lisieux, patronne des missions, 150 ans après sa naissance.
Tous les événements auront lieu au Centre PIME de Milan, via Monte Rosa, 81 (centropime.org).

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