Nouvelles Du Monde

Trois œuvres de Stravinski jouées avec des vidéos de cinéastes contemporains

Trois œuvres de Stravinski jouées avec des vidéos de cinéastes contemporains

Trois œuvres de Stravinski seront jouées, sans décors ni chorégraphie, devant les vidéos de Rebecca Zlotowski, Bertrand Mandico et Evangelia Kranioti.

De 1910 à 1913, Igor Stravinski a exposé dans les salles parisiennes l’avant-garde de l’époque, à travers trois ballets où musique, chorégraphie et scénographie détonantes ont étonné, ébloui et fait scandale, le tapage maximal étant atteint lors de la présentation du Sacre du printemps au Théâtre des Champs-Elysées, dont les murs de béton tremblent encore. Cent dix ans plus tard, au Stadium de Vitrolles, nouveau lieu ouvert l’an dernier à l’écart de la vieille ville d’Aix-en-Provence et de son archevêché, le Festival, supposément lyrique, mène une nouvelle expérience louchant elle aussi sur l’avant-garde. L’Oiseau de feu, Pétrouchka et le fameux sacré y sont réunis à la file le temps d’un spectacle, sans chorégraphie, sans décors, mais avec des réalisations confiées à trois cinéastes, qui défileront sur écran géant alors que l’Orchestre de Paris, dirigé par son chef, Klaus Mäkelä, interprétera la musique des trois ballets. Revue de détail.

«L’Oiseau de feu»
«Le milieu de l’opéra est intimidant pour moi, nous explique Rebecca Zlotowski. Mais je connaissais bien l’œuvre : j’avais fait tourner la berceuse de ce ballet sur le plateau de Planétarium, dans une version réinterprétée par Rob. J’ai donc accepté cette proposition “par coïncidence”». Zlotowski est alors retournée dans les rushes et les chutes du long métrage qu’elle avait réalisé il y a sept ans, «une matière riche». «Avec Géraldine Mangenot, nous avons remonté quarante-cinq minutes de film, poursuit la cinéaste. Ce n’était pas un puzzle mais des ruines. Nous en reprenions les pierres pour construire une autre maison un peu plus loin», tout en conservant une ligne narrative, à l’image de l’Oiseau de feu, «qui marque le début de la fabrication de la modernité chez Stravinski mais reste narratif». «C’était comme si je révélais la nature de Planétarium. J’ai même redécouvert des scènes que je n’avais pas exploitées et que j’avais oubliées. Je comprends mieux le film aujourd’hui.»

Lire aussi  Upon Stone - Mère Lune Morte

Sa participation au projet se trouve traversée de divers échos : entre Planétarium et l’Oiseau de feu, mais aussi car ce spectacle se révèle «proche de la manière qu’a eue Diaghilev [promoteur des ballets russes à Paris, ndlr] de juxtaposer des talents différents». Ici, sans s’être concertés auparavant, les trois cinéastes collisionneront leur travail devant l’Orchestre, dont «la lumière des pupitres touche l’écran» et participe aussi au mélange visuel du spectacle.

“Petrouchka”
Bertrand Mandico s’est penché, lui, sur la façon dont le cinéma «pouvait devenir spectacle vivant». Le cinéaste à l’esthétique radicale s’est inspiré de la trame originelle du ballet «pour l’adapter à [s]es propres obsessions» : «J’ai écouté Pétrouchka en boucle, jusqu’à l’ivresse, jusqu’à ne plus distinguer le milieu de la fin, jusqu’à ce que des images surgissent et que je les fasse coïncider à ma relecture du livret. Avec, au centre, l’idée du martyre, la vision de la marionnette que j’ai déplacée dans le milieu de la mode en transposant les genres : mon Petrouchka est une Petrouchka, la ballerine est transgenre et la mort est une femme transgenre, sur fond de guerre, de chaos dans les sous-sols», nous (dé)crypte-t-il.

Lire aussi  Ron insiste sur le fait que "le livre est fermé" avec Lana après avoir choisi Casey lors du dernier recouplage

Tourné en Super 16 dans les anciens labos Eclair d’Epinay à l’abandon – «ça faisait sens d’être dans les décombres de ce qui a été un poumon du cinéma» –Mandico a utilisé le split-screen comme dispositif cinématographique : «Tout est en split-screen, je ne cherche que la convergence et divergence des images, avec de mêmes scènes filmées différemment, des miroirs, comme un ballet filmique, un jeu hypnotique entre les plans et les séquences. Avec le désir de revisiter des artistes que j’admire, comme Terayama entre autres.»

«Le Sacre du printemps»
«J’étais en compte ouvert avec cette musique, une sorte de dû. J’avais déjà eu envie de travailler sur cette œuvre. Ce projet me donne la possibilité d’une immersion dans les deux mondes, musique et image, en me passant de la parole», définit Evangelia Kranioti, sur le site du Festival. Pour l’artiste grecque, le Sacre est un mouvement «féminin, chamanique, spirituel, qui vient presque du paléolithique». Habituée des déplacements dans une œuvre où la mer, le voyage et les distances confirment l’unicité des êtres, elle va chercher à «créer un sacré qui fasse entrevoir un monde en germe, prêt à exploser, et un monde déjà en train de mourir. Un sacré enivrant, gênant, électrique. Un clash visuel».

Lire aussi  Charles et Camilla partagent leur première carte de Noël en tant que couple royal

En attendant de découvrir où le Sacre l’a portée, elle nous laisse avec le double mystère de son travail et de la création : «Le cinéma est une sorte de projection des corps et des âmes vers d’autres corps et vers d’autres âmes. Derrière la caméra, j’attends que quelque chose vienne vers moi. Ce n’est pas du tout anodin, de créer une image. C’est sacré. Alors quand il faut travailler avec une musique qui s’appelle le Sacre du printemps, ça devient sérieux.»

Ballets russes, les 8, 10, 11 et 12 juillet, 21 heures, Stadium de Vitrolles
#Festival #dAix #les #ballets #russes #dépoussiérés #Libération
publish_date]

Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest

Leave a Comment

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

ADVERTISEMENT