s’il y a des politiciens racistes, que pouvons-nous exiger des fans ?”

“Dans la culture argentine, il y a une sorte de mandat qui consiste à attaquer ou à porter atteinte à l’adversaire sportif”, explique à l’ARA Greta Pena, avocate et membre de l’Observatoire des discriminations dans le sport. “Cela se traduit par des préjugés et des stéréotypes, rendant courantes les insultes racistes, mais aussi par rapport à l’orientation sexuelle, l’identité de genre et la domination sexuelle”. L’Observatoire, un organisme public multidisciplinaire qui dépend de l’Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme, reçoit les plaintes, collecte des données et prépare des rapports annuels sur la situation de la discrimination dans le sport dans le pays. L’entité travaille en collaboration avec l’Association argentine de football (AFA) pour accompagner et conseiller les clubs sportifs afin qu’ils abordent la question au sein de l’institution. Ils forment et forment les instances dirigeantes, les instances et les joueurs, dans les grands et les petits clubs, “sans distinction”. Selon Pena, “le plus important, c’est la prévention”.

En ce sens, l’expert met en évidence la fonction sociale des clubs sportifs en Argentine, en particulier dans les secteurs les plus pauvres. C’est un espace de socialisation important pour les garçons et les filles et « c’est là qu’on doit le plus travailler, car alors cela a un impact sur l’environnement scolaire et la intimidation“. En janvier, huit rugbymen âgés de 21 à 23 ans ont été condamnés à la prison à vie pour la mort brutale de Fernando Báez Sosa, il y a trois ans, devant une boîte de nuit aux cris de “merde noire”. Le garçon avait 18 ans et était le fils d’immigrants paraguayens installés en Argentine. “C’est un fait extrême, mais ces chants et ces folklores dans les stades dont parlent ceux qui essaient de le relativiser pénètrent dans notre culture et sortent des stades pour devenir des agressions physiques et des entraves aux droits”.

L’avocat souligne que la sanction ne doit pas seulement être pécuniaire et assumée par le club : « Elle n’est pas efficace. C’est bien que ça existe, mais le club devrait être obligé de lancer une enquête sur ses fans pour que cela ne se reproduise plus. Ils savent parfaitement qui sont ceux qui lancent les chants”. Après des décennies d’incidents de la barres de bravas – les secteurs extrêmes des supporters – et le meurtre par la police d’un supporter en 2013, l’AFA et le gouvernement ont interdit la présence du public visiteur dans les stades. Au fil des années, la règle a varié selon les catégories professionnelles et a fait l’objet de débats publics, occupant même une place dans les débats électoraux. « Il y a beaucoup moins de violence qu’avant ; cependant, je ne recommanderais pas de se promener dans le quartier de Boca avec une chemise River Plate à deux heures du matin, ni avec une chemise Boca Juniors pour Belgrano », admet Pena.

Mais il insiste pour ne pas tenir pour directement responsables les supporters des équipes, destinataires de discours haineux qui prolifèrent à grande vitesse à travers les médias et les réseaux sociaux : « Le football n’est pas un espace isolé : s’il y a des responsables politiques ou des journalistes, quels sont ceux avec le plus de pouvoir de diffusion, avec des discours racistes qui intègrent même leurs propositions électorales, que peut-on exiger des gens qui vont à la campagne pour se défouler de leur quotidien, où ils sont aussi discriminés ou exploités au travail ?

L’Observatoire valorise très positivement l’exemple de certains joueurs qui ont déjà renoncé à la culture extra-sportive de matage du rival : “Ils reçoivent souvent des insultes de leur propre tribune lorsqu’ils embrassent ou serrent la main de l’équipe adverse”. Dans un pays où l’amour du football est majoritaire et où ce sport est un élément indissociable de la culture, Greta Pena insiste pour utiliser le haut-parleur que lui donne le fait d’être championne du monde pour contrer les discours de haine : « Le football rassemble et nos les différences nous unissent”. Et il conclut : “Le sport est un droit humain et il doit être l’une des activités les plus inclusives que nous ayons.”