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Saint-Joseph-de-Beauce : Quand passion mécanique rime avec pollution

Saint-Joseph-de-Beauce : Quand passion mécanique rime avec pollution

La petite ville de Saint-Joseph-de-Beauce était embaumée de diesel ce week-end lors de sa compétition annuelle de camions. Cet événement majeur au Québec stimule l’économie locale, mais a également un impact environnemental indésirable, que les passionnés de mécanique acceptent totalement. Le samedi matin à 10h30, les véhicules étaient déjà alignés deux par deux sur la ligne de départ, rugissant dans l’attente du signal. L’objectif de la compétition était simple : franchir la ligne d’arrivée, quelques centaines de mètres plus loin, avant son rival. Les camions flambant neufs défilaient dans le centre-ville, étincelants sous le soleil avec leurs cheminées chromées crachant de la fumée noire épaisse. Les spectateurs, extatiques devant cette mécanique impeccable poussée à l’extrême, étaient déjà présents en grand nombre. Dès que le feu passait au vert, le vacarme s’élevait : d’épais nuages de fumée sortaient des pots d’échappement, les moteurs vrombissaient jusqu’à ce que toute la cabine tremble sous l’effort, puis c’était le départ. Les camions s’élançaient, capables parfois de tracter une remorque de 20 tonnes et d’accélérer dans la rue Sainte-Christine, sous les applaudissements admiratifs de la foule enivrée par l’odeur de diesel qui flottait dans l’air. “Je viens chaque année depuis 18 ans. Pourquoi ? Parce que c’est le bonheur !”, déclara Patrick Gagné, qui travaille dans l’excavation, avec un sourire radieux. “J’adore les camions et le diesel !” Souvent, les machines cédaient sous la pression : plusieurs camions s’immobilisaient dès le départ, victimes d’une panne mécanique qui pouvait parfois coûter une fortune à réparer. “Parfois, les équipes de mécaniciens travaillent toute la nuit”, expliqua un habitué de la compétition et de ses coulisses. “L’an dernier, il y avait même un concurrent dont le turbo a lâché dès le premier jour. Il a réussi à en trouver un autre, mais qui se trouvait à Boston : il a payé des gens pour se rendre à Québec, prendre l’avion et revenir avec la pièce à temps pour la compétition du lendemain. Le dimanche, il était sur la ligne de départ : son turbo était réparé !” La passion pour les camions coûte cher à ceux qui en sont accros. Marco Lamoureux, un compétiteur de Sherrington, au sud de Montréal, a calculé ses dépenses : environ 50 000 $ en début de saison, plus 10 000 $ par semaine pour se préparer à chaque étape du circuit. “La mécanique est coûteuse”, expliqua-t-il. “Ce n’est pas conçu pour performer : ça casse, ça vole en éclats, ça se brise.” Une blague circulait parmi les concurrents. “Sais-tu comment devenir millionnaire en participant à des courses ? C’est facile”, répondit Marco Lamoureux. “T’as juste à commencer milliardaire !” La compétition de Saint-Joseph-de-Beauce représente l’un des événements les plus importants de ce genre au Québec, aux côtés du Rodéo du Camion de Notre-Dame-du-Nord, en Abitibi. 62 camions, parfois immatriculés au Nouveau-Brunswick, en Ontario ou aux États-Unis, ont participé à la compétition cette année. Pendant deux jours, ils se sont affrontés lors d’épreuves éliminatoires jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un seul vainqueur – ou une seule vainqueure, puisque quelques femmes étaient également au volant. Pour la petite localité de 5000 habitants, cet événement représente le point culminant de l’année, au point que le curé a pris l’habitude, bon an mal an, de bénir la compétition. “C’est la plus grande activité dans la ville”, expliqua le maire, Serge Vachon, sans hésiter. Avant de devenir maire, il avait lui-même participé à l’organisation de l’événement, s’occupant de “l’arbre de Noël”, c’est-à-dire du système de chronométrage et des capteurs sur la ligne de départ. Pendant ce week-end de courses, la petite localité prend des airs de fête foraine. Samedi et dimanche, plus de 25 000 personnes ont afflué pour admirer le défilé des 320 dix-roues et pour participer à la mythologie de cette culture qui carbure au diesel. Certains visiteurs viennent de loin, comme la famille Chantepy, venue des environs de Lyon, en France. C’est la deuxième fois qu’ils assistent à la compétition de Saint-Joseph-de-Beauce. “La première fois, nous avons adoré !”, expliqua le patriarche, Pascal, qui est lui-même excavateur et propriétaire d’un camion qu’il entretient avec soin. “Comme on dit chez nous : ça prend aux tripes !” ajouta son épouse, Nicole. Avant de repartir, le couple compte rapporter quelques souvenirs. “Notre fils habite à L’Épiphanie et nous venons au Québec 34 fois”, affirma Pascal. “Nous ramenons toujours des pièces pour notre camion. C’est aussi un plaisir de faire du shopping.” Est-ce que cela pollue ? On ne peut pas dire que cela ne pollue pas : c’est de la fumée. En même temps, ce qui m’ennuie, c’est qu’il y a d’autres choses qui polluent 12 mois par an et dont personne ne parle. Les agriculteurs, par exemple, qui déversent du purin dans les fossés toute l’année. Qu’est-ce qui est pire, eux toute l’année ou nous deux après-midis ? En plus de stimuler l’économie locale, l’événement a remis plus d’un million de dollars à des organisations caritatives consacrées à la jeunesse depuis ses débuts. “Il y a une chose que je n’arrive pas à comprendre”, déclara Benoit Gagné, président de la compétition. “C’est qu’en 2023, il y a encore des jeunes qui ont faim. Chez nous, ma famille n’était pas riche, mais on mangeait trois fois par jour. Aujourd’hui, on dirait que plus ça va, plus les gens ont du mal.” Passion et pollution La compétition de camions produit continuellement, pendant un week-end, d’épaisses nuées de pollution. Comment concilier cette passion avec l’urgence climatique en 2023 ? Le maire réfléchit longuement pendant 18 secondes avant de répondre. “Je ne sais pas comment te répondre, je vais être honnête. Oui, quand on voit la fumée et tout ça, oui, ça pollue”, commença-t-il. “En même temps, ça dure seulement deux jours.” “Est-ce que ça pollue ? On ne dira pas que ça ne pollue pas : c’est de la fumée”, ajouta Benoit Gagné. “En même temps, ce qui m’ennuie, c’est qu’il y a d’autres choses qui polluent 12 mois par an et dont personne ne parle. Les agriculteurs, par exemple, qui déversent du purin dans les fossés toute l’année. Qu’est-ce qui est pire, eux toute l’année ou nous deux après-midis ?” Ces passionnés sont parfaitement conscients de l’impact environnemental de leur événement – et ils l’acceptent

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