Réinnervation laryngée : la révolution pour retrouver la voix

Les cordes vocales et le larynx sont des organes sensibles, fragiles. Si bien que le moindre traumatisme à ce niveau peut engendrer la déformation, voire la perte de la voix. Au CHU de Rouen (Seine-Maritime), le service d’ORL (Otorhinolaryngologie) dirigé par le professeur Jean-Paul Marie est très prisé. En France, mais aussi à l’international.

On a des patients qui viennent du monde entier.

C’est ici que le professeur et ses équipes ont mis au point une technique révolutionnaire pour permettre de mieux respirer et de retrouver « la meilleure voix possible » après un accident.

Une technique qui a fait ses preuves

Cette technique, c’est « la réinnervation laryngée ». Depuis près de 40 ansle professeur rouennais travaille sur cette intervention chirurgicale qui fait aujourd’hui ses preuves. En septembre 2023, il avait notamment apporté son expertise pour la première greffe d’un larynx en France.

Même s’il ne s’agit pas d’un organe vital, un larynx défaillant est très handicapant. « Il contient les cordes vocales, il sert à respirer, mais surtout à parler » , rappelle Jean-Paul Marie.

On peut l’assimiler à une sorte de sphincter qui se ferme quand on avale, pour ne pas mettre tout ce qu’on mange ou boit dans les poumons.

Pour s’ouvrir ou se fermer, l’organe doit faire appel à des muscles, eux même dépendants des nerfs du larynx. « Dit comme ça, ça paraît simple. Mais c’est plus compliqué que ça. Et puis, il ne faut pas croire que les cordes vocales vibrent comme les cordes d’une guitare », prévient le professeur.

Le larynx est en fait recouvert d’une muqueuse qui glisse dès l’instant où l’on souhaite faire passer de l’air ou parler. Si cette muqueuse est abîmée, « cela peut créer une dysphonie, une altération de la voix ».

Rebrancher des nerfs voisins

C’est sur ce problème précis que le responsable du service ORL du CHU de Rouen s’est spécialisé au fil du temps. Dans le cas d’une muqueuse abîmée après un violent choc ou un cancer, par exemple, il y a plusieurs traitements possibles :

« On peut faire une trachéotomie, un trou dans la trachée pour permettre de respirer, mais ce n’est pas très chic, note d’abord Jean-Paul Marie. On peut aussi venir grignoter les cordes vocales impactées et les petits cartilages qui les font bouger, mais ça abîme beaucoup la voix et ça peut créer des fausses routes (le passage d’un corps étranger, un aliment par exemple, dans le larynx ou la trachée alors qu’il ne devrait pas, NDLR). »

Et enfin, le troisième traitement, que peut proposer « dans certains cas » le professeur rouennais : réinnerver le larynx. Complexe, cette opération consiste à aller chercher « des nerfs de voisinage », donc proches du larynx, et de les brancher à l’organe en faisant des transferts nerveux. Ainsi, le larynx peut retrouver du mouvement, sans abîmer la très fragile muqueuse.

Un compromis entre respiration et voix

Cette solution n’est malheureusement disponible que pour des paralysies du larynx dans lesquelles la muqueuse n’a pas été abîmée. Un cancer ne peut pas être traité de cette manière, car le risque de récidive est encore trop important. Mais, qui sait, avec les progrès scientifiques, on peut imaginer dans le futur que la greffe du larynx et la réinnervation deviendront possibles.

Tout au long de sa carrière, Jean-Paul Marie et ses équipes se sont en tout cas évertués à réparer la voix de leurs patients. En plus des greffes qui peuvent nécessiter la technique de la réinnervation, il y a aussi un large panel d’accidents ou de maladies que le professeur peut traiter, souvent en devant faire des compromis.

Kystes, traumatismes, plaies extérieures… Les cas sont très différents et nécessitent à chaque fois de jongler entre bonne respiration et récupération de la meilleure voix possible après l’intervention chirurgicale.

Ce qui est sûr, c’est qu’après une période de rééducation, on ne peut pas retrouver sa voix originelle. Mais les résultats sont souvent bluffants et permettent aux patients de s’exprimer à nouveau de manière claire et audible.

Il forme ses confrères à la réinnervation laryngée

Également spécialisé dans la chirurgie de la base du crâne, Jean-Paul Marie a consacré une bonne partie de sa carrière au service des autres : « Je voulais trouver la solution à des problèmes parfois insolubles. »

Et aujourd’hui, à 65 ans, il continue ses recherches et forme les ORL de demain aux techniques qu’il a développées aux côtés de ses pairs. « Parce que c’est avant tout un travail d’équipe. […] Et il est important de le transmettre avec des formations. »

S’il devait donner un conseil à tout un chacun, ce serait d’être attentif aux variations de sa propre voix : « Une dysphonie (un trouble de la voix, NDLR) qui dure plus de trois semaines doit être considérée comme suspecte. Donc impose un examen ORL spécialisé pour aller vérifier qu’il n’y a pas un petit cancer débutant. Surtout qu’il est facile de traiter une petite lésion de la corde vocale. C’est impossible de traiter une lésion très étendue sans faire de dégâts. »

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