1. Contenu de la réforme
La réforme maintient la règle actuelle selon laquelle le premier pays d’entrée dans l’UE d’un demandeur d’asile est responsable de son dossier, avec quelques ajustements. Cependant, pour aider les pays méditerranéens, où arrivent de nombreux exilés, un système de solidarité obligatoire est mis en place en cas de pression migratoire. Les autres États membres doivent contribuer en prenant en charge des demandeurs d’asile (relocalisations) ou en apportant un soutien financier.
La réforme prévoit également un “filtrage” des migrants à leur arrivée et une “procédure à la frontière” pour ceux qui sont statistiquement les moins susceptibles d’obtenir l’asile, qui seront retenus dans des centres pour pouvoir être renvoyés plus rapidement vers leur pays d’origine ou de transit. Cette procédure s’appliquera aux ressortissants de pays pour lesquels le taux de reconnaissance du statut de réfugié, en moyenne dans l’UE, est inférieur à 20%.
Le Conseil a insisté pour que même les familles avec enfants de moins de 12 ans soient concernées par une telle procédure, qui implique une détention dans des centres situés près des frontières ou des aéroports par exemple.
Autre texte agréé: un règlement sur les situations de crise et de force majeure, destiné à organiser une réponse en cas d’afflux massif de migrants dans un État de l’UE, comme au moment de la crise des réfugiés de 2015-2016. Il prévoit là encore une solidarité obligatoire entre les États membres et la mise en place d’un régime dérogatoire moins protecteur pour les demandeurs d’asile que les procédures habituelles, avec un allongement possible de la durée de détention aux frontières extérieures du bloc.
2. Critiques et réactions
La réforme suscite les critiques des organisations de défense des droits humains. Une cinquantaine d’entre elles s’étaient inquiétées de la voir déboucher sur “un système mal conçu, coûteux et cruel”. Caritas a estimé qu’elle “limite l’accès à l’asile et les droits de ceux qui sont en quête de protection”.
L’eurodéputé français Damien Carême (Verts) a dénoncé un pacte “qui fait honte aux plus belles valeurs de l’Europe”. “On ressort avec un texte qui est pire que la situation actuelle (…) On va financer des murs, des barbelés, des systèmes de protection partout en Europe”, a-t-il déclaré sur X (ex-Twitter).
La réforme “respecte pleinement nos valeurs”, a en revanche déclaré l’eurodéputée française Fabienne Keller (Renew Europe, centristes et libéraux). Elle a précisé que le Parlement européen avait obtenu des garanties sur un mécanisme de surveillance des droits fondamentaux dans ces procédures à la frontière, sur les conditions d’accueil des familles avec jeunes enfants, sur l’accès à un conseil juridique gratuit pour les migrants.
Matteo Piantedosi, le ministre italien de l’Intérieur, a quant à lui salué “une solution équilibrée qui ne laisse plus les pays frontaliers de l’UE, particulièrement exposés à la pression migratoire, se sentir seuls”.
3. Calendrier
Ce pacte asile et migration, présenté par la Commission européenne en septembre 2020, consiste en une refonte des règles européennes, après l’échec d’une précédente proposition en 2016 dans la foulée de la crise des réfugiés. L’accord politique obtenu sur les cinq textes de cette réforme devra encore être formellement approuvé par le Conseil (États membres) et le Parlement européen. L’objectif est une adoption finale avant les élections européennes de juin 2024.
4. Contexte
L’accord intervient alors que la question de l’immigration accapare le débat politique dans de nombreux pays européens, sur fond de montée des partis d’extrême droite et populistes à six mois des élections européennes. Et hasard du calendrier, il est annoncé au lendemain de l’adoption en France d’une loi controversée sur l’immigration, qui a provoqué une crise dans le camp du président Emmanuel Macron en raison du soutien apporté au texte par l’extrême droite.
L’UE connaît actuellement une hausse des arrivées irrégulières de migrants, ainsi que des demandes d’asile. Sur les onze premiers mois de l’année 2023, l’agence Frontex a enregistré plus de 355 000 traversées des frontières extérieures de l’UE, soit une hausse de 17%. Les demandes d’asile quant à elles pourraient atteindre plus d’un million d’ici la fin 2023, selon l’Agence de l’UE pour l’asile (EUAA).