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Quel genre de publications | Santé internationale

Quel genre de publications |  Santé internationale

2023-07-13 00:51:48

Gabriele Vaccaro et Manjola Bega

La discrimination sexuelle dans la littérature scientifique qui s’est produite pendant la pandémie peut apparaître comme un «événement indésirable» microscopique par rapport aux dimensions énormes de la catastrophe produite par Covid-19. Alors que les universitaires féminines assumaient les charges ménagères, surtout si elles avaient des enfants en bas âge, lorsque les écoles et les jardins d’enfants fermaient, les enseignants masculins publiaient davantage et avançaient dans leur carrière, profitant d’une situation inégalitaire aussi claire qu’injuste.

Dans le contexte pandémique, les dommages irréparables en termes de vies humaines relèguent d’autres conséquences au second plan, comme la discrimination sexuelle dans la littérature scientifique, d’une ampleur plus “légère”. Un peu oui, mais seulement en proportion…

Environ trois ans après le pic de la pandémie de Covid-19, le moment est venu d’évaluer toute la constellation d'”événements indésirables” sur une base large, parmi lesquels un soulagement insoupçonné pour le plus récemment apparu : la discrimination de genre opérée par la publication scientifique de la période en question. C’est Jocalyn Clark qui collecte une grande quantité de données et montre, dans le récent article “Comment l’édition pandémique a porté un coup à la visibilité de l’expertise des femmes (Tout comme l’édition a porté un sérieux coup à la visibilité des compétences des femmes pendant la pandémie) »(1), tant la question est sensible et avertie. Parmi les nombreuses attestations rapportées dans l’article, celle de Vincent-Lamarre dans Nature se démarque, soulignant comment, alors que les femmes se chargeaient de la charge domestique, surtout si elles avaient de jeunes enfants, lorsque les écoles et les maternelles fermaient, les enseignants masculins avaient quatre fois plus plus susceptibles que les femmes d’avoir un partenaire qui s’occupe de la maison à plein temps (2).

Données en main, il est difficile de nier cette affirmation. Au second semestre 2020, en effet, sur les quelque trois millions de contributions relatives au CoViD-19 reçues par les principales revues scientifiques, seules 36 % portent le nom d’une femme. C’est le résultat d’une statistique de grande envergure, qui impliquait à la fois des revues de santé et purement médicales, des recherches et des études théoriques, des études à fort et à faible impact. Le Revue médicale britanniquemenant son étude transversale Paternité féminine de la recherche sur le covid-19 dans les manuscrits soumis à 11 revues biomédicales (3), rappelle que, sur la période janvier-mai 2020, seulement 22,9 % des articles reçus avaient une femme comme auteur, contre une moyenne de 38,9 % en période pré-pandémique. Les données sont impitoyables sur plusieurs fronts : sur les 45 auteurs académiques les plus prolifiques sur le sujet – ceux qui, pour être clair, ont produit plus de 60 articles sur le CoViD-19 au cours des dix-huit premiers mois de la pandémie -, seuls cinq sont des femmes . Et cette proportion s’applique non seulement à la production d’articles scientifiques, mais également aux interventions et interviews dans les émissions de radio et de télévision et aux éditoriaux dans les journaux généralistes.

Claire Wenham, de la École d’économie de Londressouligne à quel point il est difficile de comprendre le stress et la frustration que les femmes universitaires ont dû endurer à cette époque, car non seulement elles étaient submergées par les tâches domestiques, mais en plus elles assistaient, impuissantes, à ce que leurs collègues masculins progressent dans leur carrière, profitant de une disparité de situation aussi évidente qu’injuste (4).

Il semblerait que des situations puissent être corrigées, avec de bonnes intentions de redressement et des mesures appropriées, mais en réalité, le désavantage initial accumulé est permanent pour les femmes, en particulier pour les diplômés récents. Vincent Larivière, de l’Université de Montréal, en plus de souligner cette conséquence inéluctable, souligne un autre aspect résolument pertinent de cette discrimination sexuelle de l’édition pandémique : l’effondrement de la diversité et de la qualité de la science elle-même, lorsqu’on la lui enlève, en cependant extrêmement incorrect, le regard et la pensée féminins (5). Bref, dans ce domaine, on assiste à une résurgence irrémédiable de vieux préjugés, favorisés par une situation d’extrême urgence. Même si la production scientifique des femmes universitaires est désormais revenue à des niveaux pré-pandémiques (déjà statistiquement bas en soi), certaines idées et certaines directions de recherche se sont irrémédiablement perdues. Pour que cela soit évité à l’avenir, un grand pas doit être fait dans la culture de la recherche, ainsi que, bien sûr, dans la logique familiale du couple et dans les cadres économiques des universités, qui devraient récompenser les le travail domestique des femmes universitaires avec des crédits budgétaires appropriés. Par ailleurs, “reconnaître et valoriser les soins et le travail domestique non rémunéré, fournir un service public… et promouvoir le partage des responsabilités au sein des familles” est également l’objectif 5.4 de l’Agenda 2030 des Nations unies pour le développement durable (6 ), qui s’ajoute à un montant déjà important de documents de l’UE qui vont dans ce sens. Comme par exemple l’art. 2 du traité sur le fonctionnement de l’UE qui vise « une société caractérisée (…) par l’égalité entre les femmes et les hommes » (7) ou la communication de la Commission au Parlement européen Une Union de l’égalité : la stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2020-2025 qui, dans le paragraphe “Bridging the gender gap in family care” souligne à quel point “l’épanouissement au travail tout en gérant simultanément les responsabilités familiales est un défi, en particulier pour les femmes”.

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Les femmes adaptent souvent leur décision de travailler, et la méthode de travail choisie, à leurs responsabilités familiales et, le cas échéant, à la manière dont elles partagent ces tâches avec un partenaire. Il s’agit d’un défi particulièrement difficile pour les parents isolés, principalement des femmes, et pour les personnes qui, vivant dans des zones rurales reculées, manquent souvent de services de soutien. Les femmes supportent une charge disproportionnée de travail non rémunéré, qui constitue une part importante de l’activité économique. Un partage équitable des responsabilités en matière de soins à domicile est essentiel » (8). Et si les seules sollicitations éthiques ne doivent pas être suffisamment convaincantes, il faut aussi y ajouter les sollicitations économiques, s’il est vrai que “l’égalité des sexes va de pair avec la stabilité macroéconomique et financière” et, comme leInstitut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes : avantages économiques de l’inégalité entre les hommes et les femmes dans l’Union européenne2017 : « D’ici 2050, l’amélioration de l’égalité des sexes devrait entraîner une augmentation du PIB par habitant de l’UE comprise entre 6,1 et 9,6 %, correspondant à une augmentation de 1 950 milliards d’euros à 3 150 milliards d’euros » (9).

L’UE, exprimant sa volonté de faire de l’égalité des genres une priorité transversale de toutes ses activités, reconnaît de manière flagrante que ce n’est que sur cette base qu’un monde meilleur pourra être construit pour les femmes et les hommes, les filles et les garçons. Il ne reste plus qu’à travailler ensemble pour passer des déclarations d’intention à leur réalisation concrète.

Gabriele Vaccaro et Manjola Bega. Ecole de Spécialisation en Hygiène et Médecine Préventive. Université de Florence.

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BIBLIOGRAPHIE

  1. Clark J. Comment l’édition pandémique a porté un coup à la visibilité de l’expertise des femmes, BMJ 2023 ; 381:p788 doi:10.1136/bmj.p788
  2. Vincent-Lamarre P, Sugimoto CR, Larivière V. Le déclin de la production de recherche des femmes pendant la pandémie de coronavirus. Nature2020 (mise en ligne le 19 mai
  3. Gayet-Ageron A, Ben Messaoud K, Richards M, Schroter S. Paternité féminine de la recherche sur le covid-19 dans les manuscrits soumis à 11 revues biomédicales : étude transversale. 2021;375:n2288. doi:10.1136/bmj.n2288 pmid:34615650 Résumé/Texte intégral GRATUITGoogle Scholar
  4. Wenham C, Smith J, Morgan R, Groupe de travail Genre et COVID-19. COVID-19 : les impacts sexospécifiques de l’épidémie. 2020;395:846-8.doi:10.1016/S0140-6736(20)30526-2.
  5. Kozlowski D, Larivière V, Sugimoto CR , Monroe-White T. Inégalités intersectionnelles en sciences. 2022;119:e2113067119. doi:10.1073/pnas.2113067119. pmid:34983876
  6. Programme de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030, 25 septembre 2015.
  7. Versions consolidées du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, document 02016ME/TXT-20200301
  8. Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : Une Union pour l’égalité : La stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2020-2025, 5 mars 2020.
  9. Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes : Avantages économiques de l’inégalité entre les hommes et les femmes dans l’Union européenne, 2017.
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