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Premier Catalogue du Télescope Spatial à Rayons X eRosita: Premiers Résultats Cosmologiques

Premier Catalogue du Télescope Spatial à Rayons X eRosita: Premiers Résultats Cosmologiques

Le premier catalogue du télescope spatial à rayons X eRosita a été dévoilé fin janvier, donnant lieu à ses premiers résultats cosmologiques deux semaines plus tard. Quelle est la finesse des dentelles de l’univers ? Ou pour dire les choses plus prosaïquement, comment le contenu de l’univers se concentre-t-il sur les fils et les nœuds de la grande toile cosmique qui constitue sa trame ? Ce paramètre, sa « granularité », est fondamental en cosmologie car il résulte d’une certaine façon de l’équilibre entre les deux plus importantes et mystérieuses « substances » qui composent l’univers : la matière noire (environ 25% de son contenu), qui ne se fait sentir que par ses effets gravitationnels et attire les choses à elle ; et l’énergie noire (près de 70% de son contenu actuel), dont la nature et l’origine sont plus incertaines encore, qui « repousse » au contraire toutes choses et serait responsable de l’expansion accélérée de l’univers. Or il existe actuellement « une tension » sur la valeur de cette granularité (à travers un paramètre appelé S8 par les spécialistes). D’un côté, le satellite Planck a mesuré avec une finesse étourdissante les très légères fluctuations du rayonnement fossile, la première lumière émise par l’univers dans laquelle nous baignons encore aujourd’hui. Aussi appelé « fond diffus cosmologique », ce dernier porte en lui la trace des petits « grumeaux » primordiaux, ces petites hétérogénéités qui ont évolué pour donner les grandes structures actuelles. La soupe primordiale eut-elle été parfaitement homogène, l’univers le serait encore aujourd’hui. De l’autre côté du ring, les mesures de « lentillage gravitationnel faible » permettent également d’accéder à la granularité de l’univers. Cette fois-ci, les scientifiques regardent la manière dont l’image des galaxies est légèrement déformée par toute la matière noire située sur l’axe de visée. En particulier la matière noire qui, contrairement au nom qu’on lui a donné, est parfaitement transparente. En multipliant les observations sur un nombre élevé de galaxies, les scientifiques arrivent à contraindre la valeur du paramètre S8. Problème, celle-ci diffère alors de celle établie par les équipes de Planck (elle est légèrement plus faible). Quand la même physique donne deux résultats différents, il n’y a que deux options : soit l’un au moins des résultats est faux, soit la physique n’est pas bonne. Les scientifiques aimeraient bien que ce soit la deuxième option : cela ouvrirait une brèche dans l’édifice actuel, avec la possibilité d’entrevoir une nouvelle physique. Mais pour en arriver à cette conclusion extrême, il faudra de solides arguments. C’est dans ce contexte que les nouveaux travaux rendus possibles par le télescope spatial russo-allemand eRosita doivent être considérés. Lancé en 2019, ce dernier dresse une cartographie complète du ciel dans le domaine des rayons X. Un premier catalogue contenant près d’un million de sources, pour la plupart entièrement nouvelles, a été rendu public fin janvier. Il couvre l’intégralité de l’hémisphère ouest de la voûte céleste. Il manque malheureusement le catalogue « est », qui reste propriété des Russes, et avec lesquels les Allemands ont interrompu leur collaboration après le début du conflit en Ukraine. La plupart des objets qui émettent des rayons X dans l’univers sont des noyaux actifs de galaxies (environ 700.000 sources). Mais ce ne sont pas eux qui nous intéressent ici. Il existe en effet une autre source plus « cosmologique » : le gaz très chaud dans lequel baignent les amas de galaxies, qui sont, avec les superamas (des amas d’amas), les plus grandes structures de l’univers. Ce gaz est très ténu. Il ne contient qu’un atome par litre environ. C’est la densité que l’on obtiendrait en diluant un litre d’air dans un volume équivalent à deux fois celui de la Lune. À titre de comparaison, c’est a minima 10 à 100 fois moins dense que le vide entre les étoiles. Mais il est très chaud : une dizaine de millions de degrés – cela veut dire que les atomes s’y déplacent très vite. C’est en s’effondrant au moment de la formation de l’amas que le gaz s’est chauffé, au point que les atomes ont fini par s’arracher mutuellement leurs électrons pour former un plasma. Or ces électrons émettent des photons X quand ils ralentissent (ce qu’on appelle le rayonnement de freinage continu). Le catalogue d’eRosita contient ainsi 12.000 de ces sources « cosmologiques » de rayons X, dont les plus lointaines se situent entre 7 et 8 milliards d’années-lumière de nous (soit plus de la moitié de l’âge de l’univers). “Nous n’en avons utilisé ici qu’un peu plus de 5000, 5259 pour être exact” explique Emmanuel Artis, astrophysicien au Max Planck Institute for extraterrestrial physics de Garching, en Allemagne, co-auteur de ces premiers travaux d’interprétation cosmologique des données d’eRosita à paraître dans la revue Astronomie et astrophysique. “Nous voulions le catalogue le plus propre possible, nous avons été très exigeants sur les critères de sélection. ” Si les rayons X sont un outil très puissant pour détecter des amas, ils ne donnent pas directement leur distance et leur masse, des paramètres pourtant indispensables. “Nous nous appuyons sur des relevés optiques pour compléter nos données” rappelle Nicolas Clerc, chercheur CNRS à l’Institut de recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP), spécialiste des amas de galaxie et de leurs observations en rayons X. Le jeu consiste ensuite à retrouver quels sont les paramètres qui expliquent le mieux les observations, en s’appuyant notamment sur les résultats de grandes simulations numériques qui retracent l’évolution de l’univers. Bilan : les observations d’eRosita aboutissent à une mesure de la granularité compatible avec celle de Planck. “Il faut rester très prudent, mais cela laisse pour l’instant plutôt penser que les mesures par effet de lentillage faible sont affectées par une sorte de systématique encore mal comprise qui donne un résultat un peu différent” analyse Emmanuel Artis. “Les théoriciens risquent d’être un peu déçus, mais ce n’est pas la fin de l’histoire.” Il existe en effet d’autres tensions cosmologiques qui pourraient elle aussi nous conduire à revoir nos modèles d’évolution de l’univers, en particulier sur la constante de Hubble qui quantifie sa vitesse d’expansion. Les différentes méthodes de calcul n’aboutissent pas au même résultat pour des raisons encore indéterminées. D’autre part, les relevés astronomiques de grande ampleur se multiplient actuellement. En lumière visible et dans le proche infrarouge, le télescope spatial européen Euclid est en train de réaliser le catalogue le plus complet de galaxies jamais réalisé. Il sera doublé dans le ciel austral par le LSST, actuellement en cours de construction au Chili. De grands radiotélescopes micro-ondes et submillimétriques, installés notamment au Pôle Sud et au Chili, doivent quant à eux permettre d’approfondir notre compréhension du fond diffus cosmologique (projet CMB-S4). “Tous ces jeux de données vont nous donner des contraintes de plus en plus fortes sur la granularité et le taux de croissance des grandes structures de l’univers” estime Emmanuel Artis. “Notre modèle théorique d’évolution va s’effondrer à un moment ou un autre, c’est certain. Nous sommes à quelques pas du précipice, c’est très excitant.”
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