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Pour qui, dans le militisme, les lumières s’allument-elles ?

Pour qui, dans le militisme, les lumières s’allument-elles ?

2024-05-26 10:33:02

Le « pacte de mai », que le président Milei espérait signer hier à Cordoue, n’a pas pu se concrétiser faute d’approbation de la loi Bases. L’événement, d’une grande portée symbolique, avait été conçu comme une initiative visant à reconnaître son promoteur comme le héros contemporain de la Liberté, au même titre que les héros de l’Indépendance. Milei reste cependant déterminé à accorder à l’Argentine la lumière de la liberté, la lumière des « forces du ciel ». Il a promis une « croissance argentine pendant cent ans ». À vos yeux, un nouveau siècle des Lumières ? Arrêtons-nous un instant sur l’image récurrente à connotation biblique qu’il arbore. La lumière qui surgira au bout du chemin, et qui rejettera la nuit. Souvenons-nous de sa proclamation, depuis le balcon de la Casa Rosada, le 10 décembre 2023 : « Aujourd’hui, nous, bons Argentins, avons décrété la fin de la nuit populiste. Cette image de lumière participe à l’acceptation magico-religieuse du miliisme. N’a-t-il pas été nommé « ambassadeur de la lumière » par la communauté Chabad Loubavitch de New York ? Le miliisme postule que nous devons avoir foi en la lumière salvatrice. Qu’un Élu est nécessaire pour nettoyer les écuries d’Augias de la politique. Le caractère disruptif du président, qui se qualifie pourtant de « cygne noir », a pénétré une partie importante de la société. Celui-ci accepte l’impératif de destruction si, plus tard, une nouvelle construction fleurit.

Fondamentaux. Sur quoi se base le dogme mileiste ? Ce dogme recèle une double dimension, à la fois temporelle et spirituelle. Premièrement, la thèse libertaire fondée sur la primauté de la liberté de l’individu et sur la conviction que le projet anarcho-capitaliste est supérieur à tout autre, dans la mesure où il constitue la seule solution pour assurer un bénéfice à la fois matériel et moral à l’ensemble de la population. individuel. Et la dimension métaphysique, qui est la vérité révélée par l’Élu. Milei revendique la reconnaissance de sa supériorité. Ce qu’il fait est unique « dans l’histoire de l’humanité ». Ceux qui ne croient pas au dogme sont « moralement » condamnables.

L’Argentine se retrouve ainsi dans une situation sans précédent, pour les raisons suivantes :

Les autoritaires n’aiment pas ça

La pratique du journalisme professionnel et critique est un pilier fondamental de la démocratie. C’est pourquoi cela dérange ceux qui croient détenir la vérité.

1. Le fait de la personnalité de Milei, qui, en tant qu’acteur, sait manier son dogme ambivalent.

2. Le fait que l’Exécutif dispose d’une force parlementaire négligeable pour exercer son pouvoir. Le soutien qu’il peut obtenir au Congrès pour voter ses lois est aléatoire, même lorsqu’il obtient la majorité simple à la Chambre des députés pour la loi Bases (142 contre 106). La situation est encore plus difficile au Sénat, où le bloc péroniste-kirchnériste représente un fort contingent (33).

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3. Le fait que le pays se trouve à un moment clé de changement dans son système politique. C’est-à-dire entre une démocratie représentative depuis quarante ans et un nouveau processus, sur un mode autoritaire, conçu comme une insertion irrévocable de l’économie dans un marché mondialisé.

4. Le fait que le Président attend une victoire aux élections législatives fin 2025 pour grossir substantiellement les rangs de LLA, et qu’il se méfie d’un gouvernement de coalition qui lui retirerait le contrôle de la décision.

5. Le fait qu’un Argentin sur deux pense qu’il faut franchir les obstacles pour savoir si Milei a raison ou non.

6. Le fait que la véritable opposition au pouvoir, considérée comme en grand désaccord avec le programme mileiste, est assimilée à la « caste » qui s’oppose à tout changement, afin de préserver ses privilèges. En ce sens, l’opposition, d’autant plus si elle est assimilée au kirchnérisme, est fonctionnelle pour le parti au pouvoir qui a besoin d’un ennemi.

L’ennemi. Dans la situation actuelle, Milei accepte de modifier la vitesse de croisière pour mieux garder le cap. Le monolithisme du système de pensée milliste accepte, en coulisses, la négociation qui conduit à certaines concessions. Mais la direction demeure. “Mon nord”, a déclaré Milei, “c’est Murray Rothbard.” Pour lui, adepte de l’école autrichienne et théoricien de l’anarcho-capitalisme, l’État voleur est « l’ennemi éternel du genre humain ». Milei, avec sa volonté de fer, est le gardien de la cohérence d’un projet qui, religieusement, affirme que le marché « n’a pas de défauts ». Nous verrons s’il pratique une politique à contre-courant du modèle trumpiste (dont il prétend pourtant être proche), dans la mesure où les États-Unis, y compris Biden, subventionnent leur industrie et stoppent les importations, ignorant les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’orthodoxie miliiste fonctionne dans des compartiments étanches. Il voit dans les régimes occidentaux la pénétration de l’idéologie « communiste » ou « collectiviste ». Un tropisme obsessionnel comparable, en intensité, à celui de Poutine, qui continue d’affirmer que son objectif est de « dénazifier l’État ukrainien ».

Inconnus. Quel oracle pourrait aujourd’hui prédire ce qui va se passer au cours du mandat présidentiel ? Actuellement, nous constatons que l’ajustement nous permet de réduire l’inflation et d’atteindre l’équilibre budgétaire. Mais pour qui, ou plutôt pour qui, s’allument les lumières du militisme ? L’expérience historique, avec le thatchérisme (1979-1990), apporte quelques enseignements. Projetons-nous sur cinq ans, dans le cas du militisme. Un courant de pensée célébrera cette période, à savoir que, manquant de ressources hormis sa volonté de fer, ce président, surgi de nulle part, aura libéré l’Argentine de son carcan étatique, laissant une situation saine qui laisse présager une nouvelle ère de prospérité. Mais on peut anticiper que l’expérience libertaire aura de graves conséquences, en disant : Milei aura généré l’enrichissement des plus riches au prix d’un recul dans la protection des plus défavorisés, de la dégradation du secteur public, de la disparition de Les PME, avec un risque toujours grand de chômage structurel et une augmentation des disparités sociales et territoriales.

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Quelle réponse opposer à « l’entreprise libertaire » ? A la lumière que viendrait de l’idéologie libertaire, est-il possible d’opposer celle d’un républicanisme assumé ? Utilisons ce nom, et non l’adjectif, pour éviter toute confusion avec un courant politique existant.

Il est vrai qu’invoquer le républicanisme aujourd’hui peut ressembler à un sermon dans le désert. Celà a-t-il un sens? Dans une récente interview avec Jorge Fontevecchia, Jorge Lanata a évoqué à juste titre le cas de la personne qui se retrouve sans emploi après deux ou trois ans : « … Il faut manger, mais peu, pour que quelqu’un vienne vous parler de la République a l’air d’une putain… et puis vous défendez la démocratie comme un style de vie, alors qu’en démocratie on ne mange pas, on n’étudie pas, c’est très difficile.” Lanata ne fait qu’illustrer la portée limitée du discours lié à la République et à la démocratie. Et pourtant, on ne peut pas y renoncer. L’Argentine se trouve à un moment clé. La bataille culturelle et politique qui se livre nécessite un travail difficile et de longue haleine. Cela pose évidemment la question de l’opposition. Disons-le clairement : agir en opposition est aujourd’hui une tâche ingrate et démoralisante. Il n’est pas surprenant, dans ce contexte, que ses figures de proue soient impopulaires.

Opposition. Mais de quelle opposition parle-t-on ? Excluons bien entendu le PRO qui, sous la houlette de l’ancien président Macri, sollicite le statut d’associé et plaiderait pour des listes communes avec la LLA lors des élections législatives de 2025.

L’opposition de l’UCR est embryonnaire. Il est profondément divisé, sa majorité étant encore prisonnière de son engagement en faveur de Cambiemos, puis d’Ensemble pour le changement, une coalition désormais obsolète. Cette tendance se confond avec le PRO car ces radicaux ont laissé de côté leur idéologie « civique », qui constituait leur identité. Une UCR marginale se retrouve autour de son président Martín Lousteau, qui a finalement assumé une courageuse ligne d’opposition, aux côtés de Facundo Manes.

  • La PJ, malgré de multiples fractures, reste cohérente dans son opposition. Mais, à l’heure actuelle, elle ne peut pas offrir un avenir en termes d’alternative au pouvoir actuel. La condition nécessaire mais non suffisante, pour qu’il offre une option crédible, est subordonnée à l’appropriation d’une pleine autonomie, d’une part à l’égard d’un christianisme arrivé à la fin de son cycle, d’autre part à l’égard d’un christianisme arrivé à la fin de son cycle. La société Cegetista, qui ne peut plus être l’épine dorsale du justicialisme.
  • La Coalition Civique d’Elisa Carrió, pour sa part, a défini une position claire d’opposition au militisme et à la ligne Macri. Cette position marque la fin d’une époque, et peut-être un espoir.
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En fait, il semble que ce soit le courant multipartite des gouverneurs qui exerce une influence. Leur vision territoriale, plus que nationale, conditionne les partis classiques. Ce sont, comme Ignacio Torres (PRO, Chubut), Alfredo Cornejo (UCR, Mendoza) ou Martín Llaryora (Córdoba), qui, négociateurs des fonds de coparticipation pour leurs provinces, ont, avec leurs adjoints, les clés du fonctionnement du miliisme.

Il n’est pas nécessaire de poursuivre l’analyse pour répéter que le militisme est diamétralement opposé à l’alfonsinisme, pour lequel la démocratie est une éthique, alors que, dans le miliisme, c’est le marché, libérant l’individu, qui est l’éthique. Le miliisme, en revanche, peut-il être référencé dans Menemism ? Non, car la différence est importante. Outre qu’au niveau économique la logique libérale du ménémisme comportait des paradoxes liés à son engagement péroniste et fédéraliste, la personnalité de Menem était empathique (son charisme d’identification), et sa gouvernance, dans le premier mandat, était inclusive (notamment avec l’intégration de l’ennemi héréditaire de l’UCeDé).

Stratégie. Une stratégie à moyen terme est nécessaire. En quoi consiste le républicanisme, en tant que paradigme de rejet de l’arbitraire, de la superstition et de la pensée unique ? C’est adhérer à la raison et à la citoyenneté. Du point de vue du dirigeant, elle œuvre sans cesse en faveur de la cohésion sociale. Cela ancre les Argentins dans une histoire commune. Il s’agit de faire respecter le droit et le fédéralisme sur tous les territoires de la République. Il s’agit de concevoir l’État comme un pouvoir qui émancipe l’individu et fédéralise la Nation. Bref, il œuvre pour la liberté. Il s’agit d’une stratégie à moyen terme qui, face aux dogmes, pourrait conduire, pour les différentes formes de résistance, à une alternative politique acceptable.

Cette vision humaniste n’est pas éthérée. Elle peut notamment s’inscrire dans le cadre d’une politique qui concilie le développement de l’initiative privée et la recherche d’un État efficace. Ce que l’on peut appeler « l’économie mixte » est, en ce sens, le régulateur des échanges marchands, et le rempart de ses désordres.

Thucydide, dans son Histoire de la guerre du Péloponnèse, a déclaré que la démocratie profite à la grande majorité et non à une minorité. Il a défini la démocratie athénienne comme un projet commun d’égalité des droits.

L’histoire peut-elle encore éclairer l’avenir ?

*Gérard Guillerm es analista político, doctor en ciencia política, Iheal (Institut des Hautes Études de l’Amérique Latine, Université Sorbonne Nouvelle París III.



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