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«On ne peut pas être un bon musicien si l’on n’est pas humaniste»

«On ne peut pas être un bon musicien si l’on n’est pas humaniste»

2023-08-26 08:16:35

L’une des grandes stars de cette édition de la Quinzaine, Anne-Sophie Mutter (Rheinfelden, Allemagne, 1963) arrive cet après-midi au Kursaal en tant que soliste et leader du groupe qu’elle a fondé en 2011, Mutter’s Virtuosi.

– Propose à Saint-Sébastien un répertoire qui voyage du baroque au XXIe siècle. Dans quelle mesure est-ce un voyage à travers des styles différents, quelque chose qui a caractérisé votre carrière ?

– J’ai toujours été intéressé par toutes sortes de styles différents et le contemporain joue vraiment un rôle important dans ma vie depuis 1986, lorsque j’ai présenté ma première première mondiale d’une pièce du célèbre compositeur polonais Witold Lutosławski. Depuis, j’ai commandé de nombreuses œuvres différentes et j’ai porté la musique contemporaine sur scène. C’est une expérience terrifiante, mais aussi extrêmement inspirante. Mais il est également important de remonter l’histoire de la musique baroque et, à mon avis, le programme que nous présentons à Saint-Sébastien sera un merveilleux voyage pour le public, qui voyagera de 1800 à 2014.

– Pensez-vous qu’un interprète doit s’intéresser à toutes les époques et ne pas se spécialiser ?

– Qui est spécialisé ? Ce que je veux dire, c’est que tout le monde joue un répertoire très large. Je ne pense pas que nous ayons des spécialistes de Bach, à l’exception de Glenn Gould, par exemple. Mais nous parlons dans ce cas de personnalités tout à fait uniques. Habituellement, les musiciens jouent un répertoire assez large.

STRADIVARIUS

« Mon instrument a effectivement une très forte personnalité car il valorise mon jeu »

– Quelles sont les vertus que doit avoir un violoniste ?

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– La vertu principale est avant tout d’être un être humain. Être très conscient de la situation dans le monde et du fait que les concerts-bénéfice peuvent faire la lumière sur la noirceur des vies, particulièrement à l’heure où la guerre contre l’Ukraine continue. Nous devons faire des concerts-bénéfice pour Save the Children ou la Croix-Rouge internationale, par exemple. Être musicien, c’est être humaniste. On ne peut pas être un bon musicien si l’on n’est pas humaniste, car la musique est censée être un lien entre les cultures, les religions, les modes de vie…

– En plus des œuvres de Previn que vous évoquez, vous interpréterez Vivaldi et Bach. Dans quels aspects votre vision des compositeurs baroques a-t-elle évolué ?

– Je pense que c’est comme dans la vie de tous les jours, quand on revient sur un sujet pendant des décennies et que les points de vue avec lesquels on aborde ce sujet ne cessent de changer parce qu’on essaie de le regarder sous tous les angles différents. Et vous accumulez davantage d’informations sur l’époque et sur la manière dont Vivaldi ou Bach seraient joués au XVIIIe siècle.

– À Donostia, ils interpréteront également le « Concerto pour violon en la majeur » de Joseph Bologne (Chevalier de Saint-Gérofe). Que souligneriez-vous chez lui ?

– Il fait partie des nombreux artistes oubliés dans l’histoire de la musique parce qu’il n’était pas blanc. Au XIXème siècle, Joseph Bologne est reconnu comme un grand artiste de son temps. Mais l’histoire de la musique l’a oublié, même si ses pièces sont extrêmement virtuoses et émouvantes.

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– Vous jouez avec Mutter’s Virtuosi, un ensemble que vous avez fondé avec de jeunes talents. Que souligneriez-vous à propos de ce groupe ?

– Je ne sais pas vraiment par où commencer. Ma fondation œuvre partout dans le monde depuis 26 ans. Beaucoup d’entre eux jouent des instruments que nous leur achetons, que nous commandons à des compositeurs… Ce sont tous des musiciens extraordinairement talentueux. En fait, nous avons deux Espagnols à nous deux. L’une est Carla Marrero et l’autre est Sara Ferrández, sœur du plus connu Pablo Fernández, le violoncelliste. Je suis donc très fier que nous ayons un groupe international composé d’excellents très, très jeunes interprètes.

– Que vous apporte le travail auprès des jeunes ?

– En fait, ce n’est pas l’âge d’une personne qui m’intéresse, mais la personne elle-même, sa curiosité, son cœur, sa philosophie de vie. Donc je m’en fiche si la personne a 70 ou 7 ans. Mais bien sûr, je ressens un fort besoin d’encadrer une future génération de musiciens, je veux partager ce que j’ai appris d’eux.

– Quelle est votre opinion sur l’éducation musicale aujourd’hui ?

– Si nous parlons d’éducation dans les écoles, c’est bien sûr terrible partout. Pour moi, l’art est une île magnifique sous toutes ses facettes : sculpter, peindre, composer… il y a de belles îles dont on peut rêver étant enfant et la sensation de jouer d’un instrument est un tremplin très nécessaire au développement de chaque être humain. Cela m’attriste de voir des enfants être privés du plaisir de faire de la musique comme passe-temps, comme lorsqu’ils font du sport.

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– De quelles manières un musicien peut-il contribuer à rendre le monde un peu meilleur ?

– Mes concerts-bénéfice, en plus de récolter des fonds, offrent un moment de pause et de prise de conscience de la communauté dans laquelle nous vivons. En Espagne ou en Allemagne, nous ne vivons pas dans une zone de guerre, pour laquelle nous devons être très reconnaissants et protéger notre mode de vie libre, avec la démocratie, la liberté d’expression ou de la presse. Nous devons protéger cela et toujours essayer d’être là pour les personnes dans le besoin. Vous pouvez rendre le monde meilleur, même avec très peu d’efforts. Chaque petit effort compte.

– Vous avez critiqué le culte de l’image qui domine toute la scène musicale actuelle.

– Je pense qu’avec le temps, les gens auront une idée du contenu, de la qualité et de la passion qui habite le musicien, et je crois fermement en la survie du vrai musicien qui se consacre à son art plutôt que d’être le porte-parole d’un certaine étiquette ou autre.

– Allez-vous jouer ce samedi avec votre Stradivarius ?

– Oui, mon instrument a effectivement une très forte personnalité car il valorise mon jeu. A moi maintenant de le jouer de manière à en faire ressortir toute sa splendeur. C’est pourquoi je serai toujours l’élève et l’instrument le professeur.



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