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nouvelles révélations sur le fondateur de l’Ircom d’Angers

nouvelles révélations sur le fondateur de l’Ircom d’Angers

Cinquante-trois années ont été nécessaires à Pierre (1) pour lever le voile qui occultait de terribles souvenirs. Pour cet ancien militaire âgé d’une soixantaine d’années, surmonter l’amnésie traumatique fut un long combat. C’est grâce aux témoignages d’autres victimes du même prêtre que sa mémoire s’est animée : il accuse aujourd’hui l’abbé Hyacinthe-Marie Houard, décédé en 2012, de l’avoir agressé à l’âge de 5 ans au domicile familial.

En 2017, le diocèse d’Angers révélait les « comportements inappropriés » sur deux mineures de celui qui fut une figure de l’Église locale et une icône pour la bourgeoisie catholique angevine. À Angers, l’abbé Houard avait été notamment secrétaire général de l’Université catholique de l’Ouest pendant une vingtaine d’années avant de cofonder en 1984 l’Ircom, un institut de relations publiques et de communication réputé. Pour Pierre, ces révélations ont marqué une étape décisive d’un chemin de guérison entrepris vingt ans plus tôt. Puis c’est en 2020 que le souvenir pleinement reconstitué revient de plein fouet. « J’ai réalisé d’où venaient les déséquilibres qui me torturaient depuis des années », se rappelle-t-il.

Le sexagénaire, qui se remémore progressivement d’autres violences sexuelles qu’il aurait subies à l’âge de 12 ou 13 ans dans la chapelle de l’Université catholique de l’Ouest dans les années 1970, fait désormais partie d’un collectif de victimes baptisé « La vérité vous rendra libres » (2) qui, en janvier 2023, ont demandé à l’évêque d’Angers, Mgr Emmanuel Delmas, de mettre à jour son communiqué de 2017 et d’effectuer un nouvel appel à témoignages. Une requête motivée par l’ampleur des faits nouveaux portés à la connaissance de l’Église catholique ces six dernières années. Depuis les premières révélations, une dizaine de personnes dont les âges vont d’une vingtaine à une soixantaine d’années ont contacté la cellule d’écoute du diocèse. Ces témoignages révèlent un parcours d’abuseur commencé de longue date et sur lequel, déplorent-elles, toute la lumière n’a pas encore été faite par l’Église alors que de nombreuses victimes sont peut-être encore murées dans le silence.

Un abuseur en série ?

Les personnes interrogées par La Croix dénoncent des violences sexuelles commises entre les années 1960 et le début des années 2000 sur des enfants âgés de 5 à 13 ans, parfois sur plusieurs membres de la même fratrie. L’Instance nationale indépendante de reconnaissance et réparation (Inirr) a elle-même reçu sept sollicitations ; certaines ayant abouti à une reconnaissance de l’Église de France et à une réparation financière atteignant parfois l’indemnisation maximale possible.

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Les victimes présumées de l’abbé Houard, pour beaucoup issues de familles dont il était proche, témoignent de viols (fellations ou pénétrations imposées) et de gestes d’une très grande brutalité, qui ont dévasté leur vie spirituelle, amoureuse, sexuelle. Elles relatent de longues périodes de dépression, des pensées suicidaires, des addictions et des années de suivi psychologique.

Jeanne (1) raconte avoir été violée à l’âge de 7 ans par le prêtre. « Ma mère m’avait emmenée chez lui pour ma préparation à la première communion en 2002 », témoigne la jeune femme, qui décrit la scène de viol dans la chapelle d’une voix brisée. Puis, « l’abbé Houard m’a fait promettre de ne jamais rien dire à personne en me regardant droit dans les yeux : c’est désormais notre secret ». Ce souvenir traumatisant ne lui reviendra qu’une décennie plus tard. Lorsqu’elle le partagera à sa famille, sa sœur Clothilde (1), de dix ans son aînée, prendra à son tour conscience d’avoir aussi été agressée.

Emprise sur les victimes et sur leurs familles

Comme Pierre, Jeanne et Clothilde, Sophie (1), trentenaire, a, elle aussi, mis longtemps à se remémorer les violences sexuelles que lui aurait imposées durant deux années l’abbé Houard à la fin des années 1990 et qui ont engendré de lourdes conséquences sur sa santé. « Les viols se sont arrêtés lorsque j’ai dit stop, se souvient-elle. Il s’est alors mis dans une colère noire, il avait le visage déformé par la haine. Il m’a ordonné de sortir et de me taire. »

« Ensuite, c’est le black-out total jusqu’en 2013, continue la jeune femme. Mais je portais un mal-être. Le pire, c’est que je le considérais comme un troisième grand-père. L’emprise a duré très longtemps, tout est revenu par flashs dans les mois qui ont suivi son enterrement. »

Toutes les victimes présumées de l’abbé Houard décrivent cette emprise exercée par le prêtre sur elles-mêmes et sur leurs familles. Trônant aux repas dominicaux, à la messe, dans les salles de classe et sur le campus de l’Ircom, il était omniprésent dans leur quotidien.

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Hyacinthe-Marie Houard maintenait fermement une grande influence sur tout un pan de la bourgeoisie angevine, qui avait constitué autour de lui une véritable «cour», de l’avis de nombreux témoins. « C’était un homme très intelligent et charismatique. Je me souviens encore de ses sermons alors que j’étais enfant. Il avait une très forte personnalité, très impressionnant et colérique, qui incarnait la droiture catholique. Pourtant des bruits couraient déjà à l’époque. Mais critiquer l’abbé Houard était impossible dans ce milieu, il était défendu », enrage encore Sophie. Il arrivait ainsi que des parents envoient leurs enfants chez lui, dans son appartement comme dans sa maison de famille à Étables-sur-Mer (Côtes-d’Armor), malgré les alertes.

Un électron libre

En conflit permanent avec l’évêque d’alors, le prêtre qui affichait son conservatisme était un électron libre ne rendant de comptes à personne. Bien qu’arrivé dans le diocèse d’Angers en 1963 et y étant resté jusqu’à sa mort, il n’y a jamais été rattaché canoniquement. Auparavant, il enseignait dans le collège pour garçons de Saint-Charles, à Saint-Brieuc, où il assurait également la discipline et la surveillance de l’internat. Les raisons de son départ soudain de Bretagne demeurent floues. « Ce départ énigmatique de Saint-Brieuc est typique de ce qui pouvait se passer jusque dans les années 1990, lorsqu’il y avait matière à scandale », relève un fin connaisseur de ces dossiers. « Mes grands-oncles avaient été surveillés par lui au collège Saint-Charles de Saint-Brieuc. Au vu de ce qu’ils en disaient de son vivant, je ne peux m’empêcher de penser qu’il avait déjà commencé »appuie Sophie, qui souhaiterait avec les autres membres du collectif que l’Église retrace ce parcours.

D’autant que, toute sa vie, l’abbé Houard s’est investi auprès des jeunes, dans l’enseignement comme dans le scoutisme. Il fut notamment le fondateur et l’aumônier de la troupe « 1concernant Angers » pendant trente ans. Plusieurs sources concordantes évoquent des victimes dans les rangs des Scouts d’Europe, où il était surnommé par certains « l’abbé Braguette », celui qui invitait les jeunes malades à dormir sous sa tente.

Recours auprès du diocèse

Pour le collectif de victimes, un nouveau communiqué sur l’abbé Houard est nécessaire. Mais leur requête auprès de Mgr Delmas n’a pas abouti. « J’irai au-delà de mon rôle en m’engageant dans cette voie », leur a-t-il répondu dans un courrier daté du 25 septembre 2023. Contacté par La Croixl’évêque dit comprendre la demande du collectif mais invoque une nécessaire discrétion. « Parmi les familles et personnes victimes, certaines ne souhaitent pas que cela soit davantage médiatisé car c’est rendre plus difficile encore pour elles le processus de réparation en cours », justifie-t-il, renvoyant le traitement de ces dossiers à l’Inirr. L’instance estime, quant à elle, que le bon niveau de réponse à ces demandes se situe « à l’échelle du diocèse ».

La réponse de l’évêque ne passe pas auprès du collectif, partagé entre colère, fatigue et résignation. « J’ai l’impression de revivre l’injonction de me taire, déplore Clothilde. Notre désir n’est pas de détruire, mais d’agir pour que cela ne se reproduise plus. » « Cela prend du temps d’accepter qu’on a été victime, mais c’est essentiel pour se dire que nous ne sommes pas réduits à ça », appuie sa sœur, Jeanne. Pour ces victimes de l’abbé Houard, l’Église d’Angers, malgré les engagements pris ces dernières années, ne se donne pas les moyens de leur répondre de manière adaptée et d’aller jusqu’au bout de la vérité.

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Soixante années de scoutisme

Hyacinthe-Marie Howard, né en 1927, s’engage dans sa jeunesse au sein du scoutisme. En 1944, il aurait frôlé la mort face à des soldats allemands. Selon lui, c’est de cette expérience qu’est née sa vocation de prêtre.

Ordonné en 1951, il devient quatre ans plus tard professeur de lettres puis censeur au sein du collège Saint-Charles de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor). Il arrive au milieu des années 1960 dans le diocèse d’Angers et devient secrétaire générale de l’Université catholique de l’Ouest, avant de créer l’Ircom en 1984.

Retraité en 2002, il conserve néanmoins l’aumônerie des Scouts d’Europe jusqu’en 2011. En 2005, il reçoit la Légion d’honneur des mains de François Fillon, alors ministre de l’éducation nationale. Il décède en décembre 2012 à l’âge de 85 ans.

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2024-01-08 19:27:34
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