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Martin Panchaud, gagnant du Fauve d’or à Angoulême, casse les codes

Martin Panchaud, gagnant du Fauve d’or à Angoulême, casse les codes

La Couleur des choses

de Martin Panchaud

Çà et Là, 236p., 24€

Un jour, un ami de Martin Panchaud a décrit son livre La Couleur des choses comme « un mélange de Ken Loach et de Parc du Sud ». Le réalisateur britannique pour l’atmosphère de l’Angleterre populaire, la série d’animation américaine pour son minimalisme et son irrévérence.

La comparaison plaît beaucoup à l’auteur-dessinateur, jeune quadragénaire. Au titre des inspirations, ce cinéphile ajoute les polars nerveux de Guy Ritchie ou le tragicomique Trainspotting de Danny Boyle et, côté littérature, un peu de Michael Connelly.

Mais Martin Panchaud, c’est surtout un style graphique détonant. Ses personnages : des ronds. Des décors vus d’en haut, comme des plans. Des dialogues écrits dans les marges, comme des légendes. Des pictogrammes, des infographies pour illustrer une émotion, une sensation… Et à la clé, une entrée fracassante dans le monde de la BD : le Fauve d’or au Festival d’Angoulême, le prix ACBD de la critique, pour son premier album.

Aux origines de ce « langage »comme il l’appelle, sa formation de graphiste. Dans son pays, la Suisse, « le graphisme est quelque chose d’important et de sérieux ». « Il y a une attention au sens de ce qu’on fait, à l’harmonie de la page »décrit l’auteur, qui travaille « comme un architecte »avec un logiciel de dessin vectoriel en guise de crayon.

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La dyslexie, une épreuve devenue un moteur

Cet imaginaire visuel puise aussi dans la sévère dyslexie dont souffre Martin Panchaud. Son éditeur, Serge Ewenczyk, a une anecdote pour en illustrer l’ampleur : « Quand il a fait la couverture, on a dû corriger trois fois de suite une coquille dans le mot “choses”. »« En dédicace, je dois demander aux gens de m’épeler des prénoms aussi courants que Paul »confirme l’auteur dans un sourire.

Il en plaisante aujourd’hui, mais c’est peu de dire que cela n’a pas toujours été un sujet de rigolade pour Martin Panchaud, qui n’a été diagnostiqué qu’à 15 ans. « Jusqu’à l’adolescence, j’ai été très mal accompagné. Très vite, j’ai été mis au ban de l’école. À 14 ans, on m’expliquait que mon avenir, c’était l’usine… si j’évitais la prison ! De fait, j’ai frôlé ce monde-là. J’avais des amis qui manquaient les cours parce qu’ils étaient en garde à vue. J’aurais pu très mal finir. » Il doit son salut à une mère infirmière qui n’a jamais cessé de le soutenir.

L’auteur a d’ailleurs mis beaucoup de lui-même dans La Couleur des choses. Simon, préado anglais de famille pauvre, moqué parce qu’en surpoids, gagne une fortune en jouant aux courses. Le jour même, son père disparaît et une violente agression plonge sa mère dans le coma. Le garçon se retrouve alors bringuebalé entre le foyer, l’hôpital, la quête de son père et tous ceux qui en veulent au ticket gagnant dont dépend le magot qu’il n’a jamais pu encaisser.

« Régulièrement, Simon se retrouve en face d’un bureau avec un spécialiste, un psy, un directeur de foyer qui lui fait la morale, et ça ne l’aide en rien. C’est l’aspect le plus autobiographique de l’histoire »détaille Martin Panchaud.

Un goût de revanche

Un passé douloureux dont il a fait « un moteur pour inventer » ce style qu’il définit comme « une extension de la lecture ». « Quand on entre dans le livre, on en comprend très vite les codes. À l’image d’un texte dont on oublie qu’il est lui-même un ensemble de formes abstraites qui a une signification. » Martin Panchaud ne nie pas pour autant qu’il demande un effort au lecteur. Un effort de lecture, mais aussi d’imagination pour mettre des visages derrière ces petits ronds.

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Le scénario à rebondissements et sa palette d’émotions sont là pour « récompenser » cet investissement. Les dialogues, à cet égard, sont fondamentaux. Fan de Michel Audiard, l’auteur y voit encore un effet de sa dyslexie. « Pour moi, les mots sont d’abord dits, pas écrits. Je suis arrivé à la littérature par les livres audios, avec des mots rythmés par une voix, un ton. »

Et ça marche. Avec les récompenses, va le succès – 23 000 exemplaires vendus, autant de réimpressions programmées. Martin Panchaud l’accueille avec un sentiment de revanche assumé. Revanche sur son handicap, sur un système scolaire qui a failli le broyer, mais aussi sur la petite élite de la BD suisse qui ne l’a jamais reconnu.

Sur les éditeurs aussi, nombreux à avoir refusé de le publier, jugeant l’album trop « expérimental »alors que lui revendique d’avoir fait un album populaire. « Ce n’est pas une histoire philosophique avec un sous-texte. C’est juste un véhicule que j’ai inventé pour raconter des aventures. »

2023-02-26 11:00:00
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