Tout a commencé au détour d’un album de cartes postales retrouvé, explique Michel Manem. Son père, Roger Manem (1906-1990), d’abord marin au long cours puis pilote sur la Gironde, a entretenu une correspondance suivie avec sa mère lors de ses nombreux voyages en Europe, Asie, Afrique ou Amérique du Sud. De multiples documents, photos et dessins s’ajoutent à ces récits de voyage sous la forme d’un journal écrit.
« Toute la carrière de navigation maritime de mon père jusqu’à son entrée au pilotage, je l’ai reconstituée à partir de cartes postales qu’il envoyait à sa mère. Elle les avait classées dans un album que j’ai retrouvé soixante ans plus tard. En 2017, je me suis lancé dans leurs retranscriptions pour constituer un livre. »
Les anecdotes fusent
Issue d’une famille de gabariers bordelais, Roger Manem devient mousse sur le « Volubilis » en 1921, un paquebot construit à Glasgow en 1902, acheté en 1920 par la Compagnie générale transatlantique au départ de Bordeaux vers Casablanca. Dès 1922, le jeune marin met le cap vers Buenos Aires avec « L’Alba », qui fait la ligne Europe-Amérique du Sud. Devenu élève officier au long cours en juillet 1924, Roger Manem monte à bord de « L’Asie ».
Les cartes postales se succèdent, les pays aussi, les anecdotes fusent. En janvier 1925 : « Il y a trois jours, nous avons capté un SOS de « L’Europe » dans une situation dangereuse ». Une semaine plus tard : « L’Europe est déséchoué, il a perdu une hélice, son gouvernail est faussé, il va en cale sèche à Dakar. »
Le lecteur ne quitte pas Roger Manem, incorporé dans la Marine nationale de 1925 à 1927. De retour à la vie civile, d’autres paquebots l’attendent, devenu lieutenant en 1928. « Le Krakus » l’emmènera vers Saïgon (Hô-Chi Minh-Ville) et Singapour. Les cartes postales se poursuivent comme les voyages. Les rencontres aussi, en 1930 sur le « Cap Saint-Jacques », Roger Manem rencontre sa future femme, Geneviève.
Pilote de Gironde
En 1934, cap est mis sur un fleuve qu’il connaît depuis son enfance, « la rivière » comme le relate Michel Manem. Roger Manem devient aspirant pilote de la station de Bordeaux par décision ministérielle. La guerre arrive en septembre 1939. Le pilotage de la Gironde est alors illustré par les écrits de Roger Manem.
Le temps de la libération, depuis août 1944, devient aussi celui du déminage et des derniers raids allemands, notamment en rade de Blaye. Roger Manem monte en grade, devient pilote de choix de plusieurs compagnies. Il est également à la manœuvre de la mise à l’eau du « Vulcain », puis de l’escorteur d’escadre « Chevalier Paul » type T47, en 1953. La retraite viendra en 1968, d’autres épopées aussi.
« J’ai trouvé que mon père avait eu une vie assez édifiante, explique Michel Manem, qui parfois ressemble à un roman ! » Un intérêt ressenti par le Conservatoire de l’estuaire de la Gironde, outre la vie du globe-trotter des mers revenu à Bordeaux, « c’est l’histoire de l’estuaire racontée par un témoin de première main, avec des informations, comme le déminage de l’estuaire juste après la Seconde Guerre mondiale ».
« Marin de Bordeaux, pilote de Gironde », Éditions Conservatoire de l’estuaire, 108 pages, plus de 130 illustrations, 15 euros. L’auteur sera présent sur le stand du Conservatoire de l’estuaire lors de Livres en citadelle les 9 et 10 décembre et le dimanche à 10 h 15, une rencontre avec Michel Manem est organisée dans la chapelle du couvent des Minimes.
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