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Loi immigration et ses implications: le parcours difficile d’un texte phare de Macron

Loi immigration et ses implications: le parcours difficile d’un texte phare de Macron

Un parcours difficile pour une loi clé

La loi votée mardi, l’un des projets phares du deuxième mandat d’Emmanuel Macron, a connu un parcours long et compliqué. Un an et demi que le gouvernement voulait réformer l’immigration pour “être méchant avec les méchants, et gentil avec les gentils” comme le clamait Gérald Darmanin qui a même mis sa démission dans la balance et voulait cette loi qu’il qualifie de “forte et ferme”.

Le texte, le trentième sur l’immigration en quatre décennies, se voulait un marqueur du “en même temps”, la formule si chère à Emmanuel Macron, avec d’un côté un volet répressif sur l’expulsion des étrangers en situation illégale et, de l’autre, la promesse de régulariser certains travailleurs dans les métiers en tension.

Mais par manque de majorité absolue à l’Assemblée, le projet de loi avait en effet échoué le 11 décembre avec une motion de rejet, le gouvernement a dû négocier le soutien de la droite classique. En passant par une commission paritaire mixte, un moyen d’aller plus vite qu’une nouvelle navette parlementaire. Sept députés et sept sénateurs de tous bords ont été chargés de polir ledit texte controversé. Avec pour résultat une version considérablement durcie comportant des mesures saluées par le Rassemblement national, qui y voit la consécration de son pilier idéologique, “la priorité nationale”.

Qu’est-ce qui ne vous va pas dans ce texte ?

Au point de provoquer la gêne dans les rangs de la majorité présidentielle. Le président a dû rameuter mardi les chefs de groupes et de parti sa majorité à l’Elysée pour leur demander “Qu’est-ce qui ne vous va pas dans ce texte ?”

Ce qui ne va pas, plusieurs élus de la majorité l’ont dit, à commencer par Sacha Houlié, ancien socialiste, président de la commission des lois à la tête de la commission parlementaire et qui annonce qu’il votera contre. Suivi par une dizaine de députés Renaissance. Stella Dupont, membre du parti En commun, les anciens ministres Stéphane Travert et Nadia Hai, l’ancien président du groupe, Gilles Le Gendre qui constate : “Nous sommes collectivement compromis. Il y a une crise sur les valeurs”.

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Le président du groupe MoDem, Jean-Paul Mattei, a aussi surpris ses propres collègues en dévoilant qu’il votera contre.

D’innombrables concessions à la droite

Le compromis qui s’est dessiné entre la majorité et Les Républicains fait la part belle aux exigences de la droite et du RN :

– métiers sous tension : un permis de séjour pourra être accordé mais à la discrétion des préfets pour les travailleurs sans papiers des secteurs comme le BTP, l’industrie, la santé ou l’Horeca, sauf pour les étrangers avec un casier judiciaire
– délai allongé pour les prestations sociales : les conditions se renforcent avec 5 ans de résidence pour un étranger en situation régulière ou 30 mois d’activité professionnelle avant de toucher des allocations, et 3 mois d’activité ou visa étudiant pour les aides publiques au logement
– quotas pour l’immigration : une nouveauté, à discuter obligatoirement chaque année au parlement
– rétablissement du séjour irrégulier, supprimé en 2012 : assorti d’une amende de 3750 euros, passible d’une garde à vue
– durcissement des conditions de travail pour les étrangers et d’études pour les étudiants, avec l’obligation de justifier la connaissance de la langue française.
– aide médicale d’Etat : une réforme à part repoussée à 2024
– déchéance de la nationalité réaffirmée : une mesure visant les binationaux auteurs d’homicide volontaire sur agent dépositaire de l’autorité publique, une mesure qui existait par ailleurs déjà
– fin de l’automaticité du droit du sol : les enfants nés en France de parents étrangers devront dorénavant faire une demande de nationalité entre leurs 16 et 18 ans, les condamnés à une peine d’au moins 6 mois de prison en sont exclus
– accès plus compliqué au visa étudiant, avec caution financière préalable, sauf pour les étudiants “modestes” au parcours “exceptionnel”
– restriction d’accès au titre de séjour “étranger malade”
– interdiction de l’enfermement des mineurs : une concession de la droite

Le volet humain a pratiquement disparu. L’essentiel des mesures correspond à un durcissement et aux demandes de la droite.

Le gouvernement avait alors le choix de poursuivre avec donc le soutien de l’extrême droite ou de battre en retraite et il a choisi d’aller au vote en promettant de ne pas appliquer la législation si elle dépendait du vote de l’extrême droite. Une abstention RN aurait en effet permis de passer mais pas un vote contre.

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Le texte, largement approuvé au Sénat, a été voté à l’Assemblée par 349 voix pour et 186 contre sur 573 votants. LR et RN ont voté pour. Un quart des députés de la majorité, 59 élus, se sont abstenus ou ont voté contre, signe évident du malaise.

Vers un éclatement de la macronie ?

“La majorité vit un moment plutôt douloureux”, admet la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet sur BFMTV-RMC, reconnaissant des “tiraillements”. Le soutien de l’extrême droite s’apparente au “baiser de la mort” pour la majorité, s’alarme un macroniste de la première heure.

Certains voient en effet dans cet épisode la fin du macronisme et auraient préféré le retrait. Face à la montée de l’extrême droite dans les sondages (29% pour le RN contre 20% pour le parti présidentiel), le gouvernement a pris un virage à droite toute. Avec le risque d’un éclatement entre une aile droite et une aile gauche difficilement réconciliables.

Le gouvernement dément tout crise

La Première ministre Elisabeth Borne doit à présent gérer la situation. Elle nie la crise et dit avoir le sentiment du devoir accompli.

D’une part, elle défend la loi immigration et prétend qu’elle respecte ses valeurs, mais de l’autre elle reconnaît que certaines des mesures étaient probablement inconstitutionnelles et que le texte “serait amené à évoluer” après l’examen du Conseil constitutionnel saisi par le président de la République. Les 9 sages ont un mois pour s’exprimer.

Les départements dirigés par la gauche annoncent qu’ils n’appliqueront pas la loi immigration, ils sont en effet responsables du versement aux étrangers de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) et refusent le durcissement des conditions prévu par la nouvelle loi.

Le président Macron devra se plier au même numéro d’équilibriste, ce mercredi soir à la télévision, comme il l’a déjà fait au conseil des ministres ce matin en évoquant “un texte de compromis” avec “des choses que je n’aime pas mais qui ne sont pas contre nos valeurs”, selon un participant. Nul doute qu’il dénoncera encore les manœuvres du RN.

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Une situation difficile avec par exemple l’annonce de la démission d’Aurélien Rousseau, ministre de la Santé ex-communiste, démentie puis confirmée par le gouvernement ce mercredi matin. D’autres ministres ont ventilé leur opposition dans la presse et d’autres départs ne sont pas à exclure, ce qui a mené le porte-parole du gouvernement Olivier Véran à nier toute “fronde ministérielle”.

Une fois de plus des rumeurs de remaniement ministériel bruissent à Paris, incluant sans doute un changement de Premier ministre. Pour l’instant, le poste du ministre de la Santé a été confié à titre intérim à l’actuelle ministre déléguée chargée des professions de santé Agnès Firmin Le Bodo.

L’extrême droite jubile

Le RN jubile, Marine Le Pen y voit une “incontestable victoire idéologique”. Une victoire aussi symbolique sur une majorité fracturée.

“Ce soir, si les députés du Rassemblement National votaient contre, ce texte ne passait pas contrairement aux mensonges proférés par M. Darmanin. C’est une victoire totale des idées défendues par Marine Le Pen”, s’est félicité le député Jean-Philippe Tanguy.

La droite classique aussi accueille avec satisfaction la loi, comme l’estime le chef des Républicains, Eric Ciotti, le texte est “ferme et courageux”, “c’est une victoire historique de la droite”. “Il ressemble à ce que Charles Pasqua aurait pu voter”, claironne le chef des députés LR Olivier Marleix.

A gauche, les critiques d’Emmanuel Macron soulignent que malgré sa promesse électorale de 2022 de faire barrage à l’extrême droite, le président a fait voler en éclat le front républicain. Le président des députés socialistes Boris Vallaud accuse le gouvernement de “céder aux idées les plus rance­s”. Les communistes y voient un projet de loi directement inspiré des pamphlets du RN contre l’immigration. Le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon dénonce une “écœurante victoire”.

La France compte 5,1 millions d’étrangers en situation régulière, soit 7,6% de la population et plus d’un demi-million de réfugiés. Les autorités estiment qu’il y aurait de 600.000 à 700.000 clandestins.

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