Quand je tente de faire des prédictions en politique fédérale, j’ai du mal à annoncer la défaite des libéraux. Ils sont le parti naturel pour gouverner le Canada. Ils remportent presque systématiquement les élections, quel que soit le chef ou le programme. Même leurs couleurs et leur logo se confondent avec le drapeau canadien.
Malgré les sondages catastrophiques pour Justin Trudeau, malgré l’écart significatif créé par Pierre Poilievre, je continuais à penser jusqu’à récemment que le Parti libéral reviendrait dans la course à l’approche des élections. Et peut-être remporterait une victoire surprise à la fin, après avoir effrayé les électeurs sur les dangers d’un gouvernement conservateur.
Je commence à penser que cette fois-ci, les libéraux font face à un obstacle plus important, peut-être insurmontable. Leur gestion de l’immigration est en train de les couler. Le sondage Léger publié cette semaine en dit long sur l’évolution de l’opinion publique face à la perte de contrôle des entrées au Canada.
Désaccord général
Le gouvernement Trudeau propose d’augmenter les seuils d’immigration pour atteindre des chiffres records dans les prochaines années. Qui est d’accord avec cette orientation? Selon le sondage, seulement 9% des Canadiens et 8% des Québécois! Jamais un gouvernement n’agit sur un sujet aussi fondamental avec un soutien aussi faible dans la population.
Près de 60% de la population du Canada croit que le gouvernement devrait au contraire réduire le nombre de nouveaux arrivants. On pourra dire ce que l’on veut à propos du gouvernement ne devant pas gouverner par sondage, mais il y a une limite à poser des gestes qui transforment le pays, en contradiction si frontale avec le consensus social.
Ce qui complique encore les choses pour Justin Trudeau, c’est le lien qui se fait entre les autres crises et la perte de contrôle en matière d’immigration. Le sondage démontre que près de 80% de la population relie clairement la pénurie de logements à l’augmentation drastique du nombre de nouveaux arrivants dans toutes les catégories.
Le lien se fait également avec les embouteillages dans le système de santé ou le manque de ressources en éducation. Le nombre de nouveaux demandeurs met une pression considérable sur les systèmes.
Économistes critiques
Spontanément, la population déduit logiquement que l’arrivée massive de nouveaux citoyens à loger, alors qu’il y a déjà un manque de logements, aggrave le problème. Cette perception est confortée par des études d’économistes de haut niveau qui associent l’immigration non contrôlée à la crise du logement.
Fait à noter, le Canada anglais pense maintenant essentiellement comme le Québec en matière d’immigration. L’écart de perceptions n’existe plus. Dans les autres provinces, on souhaite une baisse du nombre d’immigrants et près du tiers des Canadiens réclament même une forte baisse.
Un politicien doit s’ajuster, écouter la volonté populaire. Mais Justin Trudeau et le Parti libéral du Canada peuvent-ils, en une seule année, faire un virage complet sur une orientation qui a été aussi centrale dans leur vision? Difficile…
