Les vampires dans la société : une réflexion de Dana Grigorcea dans son livre ‘Ceux qui ne meurent jamais’

Aux vampires, Dana Grigorcea y pense depuis plusieurs années. A leur présence insoupçonnée mais bien réelle dans toutes les strates de la société, aux mille visages qu’ils peuvent prendre quels que soient l’époque ou le pays où ils sévissent. Ce n’est ni en Roumanie où elle est née, ni à Zurich où elle vit que l’idée de Ceux qui ne meurent jamais lui est venue. Le déclic s’est produit aux Etats-Unis, à Seattle exactement. Dana Grigorcea était alors, en 2019, dans une grande tournée des universités et des librairies américaines pour un précédent livre, Un sentiment instinctif d’innocence («un sentiment instinctif d’innocence»), non encore traduit en français.

Dans ce roman-là, une femme quitte Zurich pour retourner vivre à Bucarest, la ville de son enfance. Après avoir subi le braquage de la banque où elle avait trouvé un travail, la voilà en congé, hagarde, qui déambule dans les rues de la capitale roumaine, méconnaissable depuis la chute de Ceausescu. Sentiments d’appartenance, d’exil intérieur, de fragmentation intime s’entrecroisent, tout comme les scènes du passé et du présent. «Je me suis aperçue que les lecteurs, d’où qu’ils soient, se reconnaissent dans cet état de perte de repères émotionnels ressenti face à une ville qui se transforme. En Inde, on m’a dit plusieurs fois que j’avais écrit un roman indien», nous dit Dana Grigorcea dans le café zurichois, très haut de plafond et aux fauteuils rouge opéra, où on l’a rejointe.