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Les professeurs attendent toujours leur visite médicale

Les professeurs attendent toujours leur visite médicale

Je n’avais pas envie d’aller travailler, ça m’angoissait, je n’y arrivais plus… J’étais éteinte. La voix d’Olivia tremble, elle marque une pause. Cette enseignante d’espagnol de 39 ans n’exerce plus. Après onze ans de bons et loyaux services, démunie face à des collégiens turbulents et ne se sentant pas entendue par l’administrationelle a craqué.

Burn-out, épuisement, suicide… Depuis plusieurs années, une vague de mal-être s’abat sur le corps enseignant. Les causes ? Perte de sens, charge de travail, pression hiérarchique, manque de considération… Certaines problématiques sont structurelles, d’autres plus personnelles.

Pourtant, dans les différents témoignages qui cartographient ce grand malaise, un élément revient en boucle : le manque de suivi médical et psychologique dans l’Éducation nationale. J’étais en pleurs et on ne savait pas quoi faire de moi. Comme Olivia, nombre de professeurs se disent à l’abandon, sans véritable accompagnement.

87 médecins pour 1 million d’employés

En France, la médecine du travail dans l’Éducation nationale porte le nom de « médecine de prévention ». D’après le site Internet du gouvernement, c’est « un acteur majeur de la santé et de la qualité de vie au travail des personnels ».

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Problème : cette médecine est à la peine. En 2019, on dénombrait 87 médecins de prévention pour un peu plus d’un million de personnelsdétaille Maxime Reppert, 38 ans, secrétaire national aux conditions de travail et climat scolaire du syndicat Snalc. En France, il y a proportionnellement plus de vétérinaires pour les bêtes de l’armée, que de médecins pour les professeurs. C’est ahurissant.

Impossible dans ces conditions de réaliser des suivis médicaux corrects, de dépister les risques psychosociaux. Alors qu’une visite médicale est obligatoire tous les cinq ans pour les salariés, la plupart des professeurs ne voient un médecin qu’une fois dans leur carrière, à leur entrée dans la profession. Et c’est grave, car il ne faut pas oublier qu’un enseignant a la responsabilité de centaines d’élèves », souligne Maxime Reppert.

Depuis plusieurs années, syndicats et association tirent la sonnette d’alarme. Mais rien ne change, déplore Rémi Boyer, 61 ans, président de l’association Aide aux profs. Jean-Michel Blanquer voulait recruter plus de médecins lors du précèdent quinquennat, mais il en a attiré deux ou trois. Le salaire proposé est inférieur à celui d’un jeune médecin qui s’installe. Et la souffrance enseignante, comparée aux moyens alloués, peut faire peur aux candidats.

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« Mesures pansements »

Contacté, le ministère de l’Éducation nationale, en plein remaniement, dit ne pas être en mesure de répondre à nos questions, renvoyant vers les rectorats. Les rectorats contactés, comme les différents médecins de prévention, n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

Cependant, le ministère communique publiquement sur les différentes mesures qu’il a mises en place ces dernières années : l’ouverture d’un réseau d’écoute appelé PAS, en partenariat avec la mutuelle MGEN, et la création d’un réseau de référents de proximité, pour permettre le soutien et l’accompagnement des professeurs.

Mais pour Maxime Reppert, il s’agit de mesures pansements, qui n’endigueront pas l’hémorragie. Sur le papier, c’est très beau, mais derrière, il n’y a pas les moyens financiers et humains pour rendre ça efficace.

Alors quelles solutions ? Davantage de moyens, de considération et de soutienénumère le syndicaliste. Il faudrait recruter plus de psychologues, même temporairement, ajoute Rémi Boyepour qu’il y ait un point d’écoute dans chaque établissement. Et pour Olivia, qui tente aujourd’hui de reconstruire sa vie, il est urgent de remettre un peu d’humain dans ce système. Car, pour que des élèves soient bien en classe, il faut que leurs professeurs le soient aussi ».

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