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Les cellules souches : des découvertes révolutionnaires dans le système immunitaire

Les cellules souches : des découvertes révolutionnaires dans le système immunitaire

AVIS D’EXPERTS – Quinze ans de découvertes sur les cellules souches, grandes oubliées de la recherche sur le système immunitaire, ouvrent la voie à de nouvelles approches, nous expliquent deux chercheurs à l’Inserm et au CNRS.

Sandrine Sarrazin est chargée de Recherche Inserm au Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy, et chercheure invitée au Center for Regenerative Therapies TU Dresden (Allemagne). Michael H. Sieweke est directeur de recherche au CNRS et au Alexander-von-Humboldt Professor Center for Regenerative Therapies Technische Universität Dresden (Allemagne).

Le système immunitaire n’en finit pas de livrer ses secrets. Ces dernières décennies, des recherches fondamentales sur la compréhension de sa complexité ont régulièrement abouti à des avancées thérapeutiques spectaculaires, telles que l’immunothérapie et plus récemment la vaccination à ARN. Et depuis quinze ans, nos travaux ont aussi mis en lumière le rôle inattendu et déterminant des cellules souches du sang, ou «cellules souches hématopoïétiques», dans la mise en place d’une réponse immunitaire efficace et rapide.

Lorsque l’on parle d’immunité, beaucoup ne pensent pourtant pas automatiquement à ces cellules. Nichées au cœur de la moelle osseuse, elles sont à l’origine de toutes les cellules du sang, se multipliant et se différenciant pour produire les globules rouges et les plaquettes, mais aussi les globules blancs (lymphocytes, macrophages, neutrophiles…), acteurs majeurs de la lutte contre les infections. Mais il s’est avéré que les cellules souches hématopoïétiques sont bien plus qu’un simple producteur passif de cellules sanguines…

En 2009, alors que nous cherchions tout autre chose, nous avons été amenés à nous intéresser aux cellules souches du sang. Nous voulions comprendre comment est contrôlée la maturation des macrophages, ces globules blancs «gardiens» de nos organes. Nous avons inactivé un gène que nous pensions important pour les macrophages, mais c’est dans les cellules souches du sang que nous y avons découvert un rôle important ! Une molécule produite en grande quantité par l’organisme lors d’une infection est reconnue par les cellules souches du sang. Face à ce signal, elles s’empressent de produire rapidement les globules blancs les plus adaptés à la situation.

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Nous avons alors compris ce qui a constitué les fondements de nos travaux : les cellules souches ne s’engagent pas toujours de façon aléatoire dans telle ou telle voie de différenciation. Contrairement à ce que l’on pensait jusqu’ici, ce processus peut aussi se faire sous l’influence directe de signaux, à la fois internes aux cellules souches mais aussi issus de l’environnement.

Nous ignorions cependant si en cas d’infection, les cellules souches du sang étaient capables d’identifier qu’il s’agissait d’une situation d’urgence et de produire à la demande des globules blancs capables de lutter contre les pathogènes. Quatre ans ont été nécessaires pour montrer qu’une molécule dénommée M-CSF, produite en grande quantité par l’organisme lors d’une infection, est reconnue par les cellules souches du sang. Face à ce signal, elles s’empressent de produire rapidement les globules blancs les plus adaptés à la situation. Mieux encore, les cellules souches du sang sont capables de reconnaître certains pathogènes directement grâce à des récepteurs spécifiques à leur surface.

Enfin, il faut aussi mentionner ce qui constitue peut-être l’étude qui a le plus fait bouger les lignes : en 2020, nous avons montré dans des modèles animaux que les cellules souches du sang, à l’instar d’autres cellules immunitaires, possèdent une forme de «mémoire» qu’on ne soupçonnait pas jusqu’ici : lorsqu’elles sont exposées une première fois à un microbe, elles sont mieux armées pour affronter une prochaine infection, en produisant encore plus rapidement les globules blancs nécessaires. Et cette mémoire se maintient à long terme !

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L’ensemble de ces découvertes ouvrent clairement la voie à un changement de statut pour la cellule souche du sang, la faisant passer de reine d’une ruche sourde et aveugle à ce qui se passe à l’extérieur, à celui de véritable sentinelle capable de détecter une situation d’urgence et de produire les ouvrières les plus adaptées pour y répondre.

Mais ces avancées, majeures sur le plan fondamental, ne sauraient avoir un réel impact sanitaire et sociétal si elles ne s’accompagnaient pas aussi d’avancées thérapeutiques concrètes. Et des perspectives à court terme, il y en a : c’est notamment sur la molécule M-CSF, dont nous avons montré l’importance, que nous fondons de nombreux espoirs.

Cette molécule a déjà été testée aux États-Unis et utilisée comme médicament au Japon dans les années 1990 pour le traitement par exemple de certains cancers ou de déficit en neutrophiles, un sous-type de globules blancs. Malheureusement, à cause de difficultés de fabrication, son utilisation a été abandonnée. Depuis, le mode de fabrication du M-CSF a été amélioré et nous pensons qu’il pourrait avoir un intérêt thérapeutique bien plus large qu’initialement imaginé, notamment pour certains patients dont l’immunité est fragilisée.

Nos travaux ont pour le moment porté sur des modèles de greffes de moelle osseuse indiquées dans le traitement de certains cancers du sang, de pathologies de la moelle osseuse ou du système immunitaire, qui concernent plus de 2000 personnes en France tous les ans. Si ces greffes permettent de sauver des vies, elles s’accompagnent aussi de complications du fait de l’affaiblissement du système immunitaire du patient et donc d’une exposition accrue aux attaques d’agents pathogènes. Nous avons montré que chez la souris greffée, des injections de M-CSF permettent de stimuler la production de globules blancs avec un effet protecteur contre les infections. L’effet est bien supérieur à celui d’une autre molécule appelée G-CSF, déjà utilisée en clinique comme agent anti-infectieux. En effet, M-CSF est capable de stimuler la différenciation des cellules souches du sang bien plus en amont, ce qui a pour avantage de produire, immédiatement après la greffe, un plus grand nombre de macrophages et autres globules blancs, programmés pour s’attaquer à d’éventuels agents pathogènes. Les travaux se poursuivent désormais pour établir l’utilité clinique de M-CSF chez les patients greffés ou dans le cadre d’autres pathologies où le système immunitaire est affaibli.

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Les cellules souches du sang sont désormais reconnues comme un élément central et un régulateur clé de la réponse immunitaire. En exploitant leur capacité de «mémoire immunitaire», on pourrait mettre ces cellules au cœur de nouvelles approches vaccinales. À court terme, leur application clinique pourrait être amplifiée par l’utilisation du M-CSF, une molécule sous-estimée qui pourrait retrouver une seconde vie en tant que médicament.*Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec le sujet traité*
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2024-02-08 09:00:00

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