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Le prix de l’hésitationLe resserrement quantitatif prudent met en péril l’indépendance de l’Eurosystème

Le prix de l’hésitationLe resserrement quantitatif prudent met en péril l’indépendance de l’Eurosystème

2023-05-21 02:16:00

L’Eurosystème a réagi – bien qu’avec hésitation – à la hausse des taux d’inflation en réalignant sa politique monétaire. En juillet 2022, elle a d’abord cessé de procéder à des achats nets de titres dans le cadre du « Asset Purchase Program » (APP) puis a commencé à remonter progressivement les taux directeurs. Cela a été suivi en décembre par l’annonce qu’à partir de mars 2023, le réinvestissement des titres arrivant à échéance serait réduit de manière prévisible. L’intention est de réduire le portefeuille APP de 15 milliards d’euros en moyenne par mois d’ici fin juin 2023 ; le taux de réduction après juin 2023 n’a pas encore été déterminé (Banque centrale européenne, 2023a).

L’assouplissement quantitatif (QE) a été remplacé par le resserrement quantitatif (QT). L’Eurosystème suit l’exemple de la Fed américaine, qui a commencé à le faire entre 2017 et 2019 mais a dû suspendre son resserrement pendant la pandémie. À l’instar de la Fed, l’Eurosystème n’a pas l’intention de vendre ses portefeuilles de titres existants sur le marché libre. Au lieu de cela, une partie des montants d’investissement arrivant à expiration ne sera pas réinvestie et l’Eurosystème restera actif sur les marchés des valeurs mobilières en tant qu’acheteur. D’ici juin 2023, environ la moitié des actions arrivant à échéance seront réinvesties, ce qui signifie que l’excès de liquidité dans le secteur bancaire ne diminuera que lentement. La BCE estime que celui-ci ne sera pas complètement réduit avant 2029 et que le bilan de la banque centrale sera alors encore environ trois fois plus important qu’en 2007 (Schnabel, 2023).

Influence sur le contrôle du marché monétaire

L’Eurosystème justifie sa prudence par la prise en compte des risques éventuels pour la stabilité financière. Jusqu’en 2007, elle a tenté d’utiliser des opérations de refinancement pour fournir des liquidités suffisantes pour couvrir le besoin économique global de base monétaire à un taux d’intérêt du marché monétaire égal au taux de refinancement principal. Cela nécessitait que la banque centrale évalue correctement les besoins de liquidité des banques et que les déséquilibres de liquidité entre les banques commerciales de la zone euro soient compensés par le marché interbancaire. La BCE ne considère actuellement ni l’un ni l’autre comme le cas (Schnabel, 2023). Il est donc réticent à réduire rapidement l’excès de liquidité qui s’est créé pour éviter que les banques individuelles ne rencontrent des difficultés de liquidité et ne deviennent insolvables. Elle envisage de maintenir un important portefeuille « structurel » de titres selon des critères de soutenabilité et espère influencer l’évolution de l’inflation en modifiant les taux d’intérêt directeurs.

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En raison de l’excès de liquidité, le taux d’intérêt interbancaire s’est longtemps situé à l’extrémité inférieure du corridor formé par le taux de prêt maximal et le taux de dépôt (graphique 1).[1] Il est même maintenant tombé en dessous du taux de dépôt parce que le fond a «fuit» puisqu’une grande partie des participants au marché interbancaire est désormais constituée d’institutions financières sans accès aux facilités de la banque centrale. Dans ces conditions, il est difficile de contrôler le taux d’intérêt du marché monétaire en augmentant le taux de dépôt, bien que l’Eurosystème soit néanmoins parvenu à porter le taux d’intérêt interbancaire à un peu plus de 3 % par an grâce à des modifications du taux directeur. Reste à savoir si la combinaison d’un QT très accommodant et de fortes hausses des taux d’intérêt pourra ralentir l’inflation en zone euro.

Risques de taux d’intérêt à la suite du QE

Le prix que paie la BCE pour augmenter les taux d’intérêt, ce sont des pertes qui menacent son indépendance. Du fait du QE, l’Eurosystème est devenu une « banque centrale débitrice » (Schnabl, Schobert, 2009) car ses engagements envers le secteur bancaire domestique (au titre de la facilité de dépôt) dépassent largement ses créances (issues des opérations de refinancement). La banque centrale détient plutôt des créances nettes sur les gouvernements et les non-banques sous la forme de titres à faible rendement et à taux fixe achetés dans le cadre des programmes d’achat d’actifs. Si l’Eurosystème augmente le taux directeur, sa charge d’intérêts augmente du fait de la hausse du taux de dépôt, sans que les produits d’intérêts augmentent dans la même mesure, ce qui a un impact négatif sur le résultat de la période.

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Au cours de l’exercice 2022, la BCE a réalisé un bénéfice net de 0 EUR et aucune distribution de bénéfices aux banques centrales nationales (BCN) de la zone euro. Des provisions pour risques financiers libérées d’un montant de EUR 1,6 milliard sont prises en compte dans ce résultat. Les provisions ont servi à couvrir les pertes enregistrées au cours de l’exercice. Celles-ci résultaient principalement des charges d’intérêts sur les passifs nets TARGET 2 de la BCE d’environ 2,1 milliards d’euros, ainsi que des dépréciations sur les titres détenus dans ses portefeuilles en dollars américains et ses fonds propres (Banque centrale européenne, 2023b ). Les pertes des soldes TARGET 2 résultent des paiements d’intérêts que l’Eurosystème effectue aux banques commerciales dans le cadre de la facilité de dépôt et qui sont comptabilisés au passif des banques centrales nationales car la BCE ne tient pas elle-même ces comptes (Siedenbiegel, 2023).

La liquidation qui a maintenant eu lieu a réduit les provisions pour risques financiers à 6,6 milliards d’euros, tandis que le capital libéré de la BCE a augmenté à 8,9 milliards d’euros, les BCN ayant vendu leurs parts de capital suite au départ de la Banque d’Angleterre du SEBC. Cependant, si vous tenez compte du fait que le taux d’intérêt sur les dépôts n’est positif que depuis septembre 2022 et a augmenté plusieurs fois depuis lors (et continuera probablement d’augmenter) et que les soldes des banques commerciales dans la facilité de dépôt s’élevaient à environ 3800 EUR (!) milliards fin 2022, les paiements TARGET -2 de la BCE continuent d’augmenter et dépasseront largement le chiffre de 2022 de 2,1 milliards d’euros dans les prochaines années. Cela fait craindre qu’il ne faille attendre 2029 avant que le coussin de provisions et de fonds propres de la BCE (actuellement d’environ 15,5 milliards d’euros) ne soit épuisé.

Menace pour l’indépendance ?

Même s’il s’agit d’une estimation approximative qui néglige les revenus des opérations de refinancement à plus long terme (T-LTRO) et les éventuels revenus d’intérêts croissants provenant du réinvestissement des titres arrivant à échéance, la situation des bénéfices de la BCE ne devrait pas donner lieu d’être satisfaite dans les années à venir. . C’est exact : les banques centrales doivent mener la politique monétaire conformément à leur mandat, ne travaillent pas pour le profit et peuvent remplir leurs missions même avec des fonds propres négatifs. Néanmoins, des déclarations de pertes soutenues pourraient accroître la pression politique sur les banques centrales, qui seront encore plus exposées qu’auparavant à la volonté des politiciens d’atteindre des objectifs autres que la stabilité des prix. Afin de conserver son indépendance, la BCE est bien avisée de laisser son portefeuille de QE se contracter plus rapidement et au moins de ne pas réinvestir partiellement les stocks arrivés à échéance ou de remplacer les montants débloqués par de nouveaux prêts de refinancement.

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littérature

Banque centrale européenne (2023a), BCE décide des modalités détaillées pour la réduction des stocks du programme d’achat d’actifs, communiqué de presse du 23 février 2023, Francfort/Main,

Banque centrale européenne (2023b), états financiers annuels de la BCE pour 2022. Communiqué de presse du 23 février 2023, Francfort/Main,

Schnabel, I. (2023), Retour à la normale ? Balance Sheet Size and Interest Rate Control, discours d’Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, lors d’un événement organisé par Columbia University et SGH Macro Advisors, New York, 27 mars 2023, /press/key/date/2023/html/ecb.sp230327_1~fe4adb3e9b.en.html

Schnabl, G., Schobert, F. (2009), Global Asymetries in Monetary Policy Operations: Debtor Central Banks of the MENA Region, in: The Manchester School, Vol. 77 (1), S. 85-107.

Siedenbiegel, C. (2023), Commentaire : Les préoccupations de la BCE, in : Frankfurter Allgemeine Zeitung du 23 février 2023,


[1] Depuis octobre 2019, le “taux court terme de l’euro” (€-STR) a remplacé l’EONIA comme indicateur du taux d’intérêt interbancaire.

Uwe Vollmer



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