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« L’art est pris en étau entre un puritanisme à droite et un puritanisme à gauche »

« L’art est pris en étau entre un puritanisme à droite et un puritanisme à gauche »

Dans une conférence, le 16 mai à la Bibliothèque nationale de France, l’historien Antoine Compagnon a raconté « la révolution de 1966 »et comment, au printemps de cette année-là, deux œuvres ont donné lieu à un scandale monstre tant elles ont choqué le bourgeois catholique : le film La Religieusede Jacques Rivette, interdit par l’Etat, et la pièce Les Paraventsde Jean Genet, avec violences dans la salle de l’Odéon et en dehors.

Dans les deux cas, la France conservatrice a fait monter la mayonnaise de l’indignation. Et Compagnon de faire le lien, non sans malice, avec la façon dont la droite extrême a récemment diabolisé un tableau de l’artiste suisse Miriam Cahn, Au diable l’abstraction !après son accrochage au Palais de Tokyo : une figure fragile à genoux, contrainte de pratiquer une fellation à un personnage puissant et sans visage, donc déshumanisé.

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Cette œuvre symbolise l’agression russe en Ukraine, a expliqué l’artiste. C’est une scène pédocriminelle car la victime est un enfant, ont rétorqué des élus du Rassemblement national (RN) et des associations. Un tableau confidentiel a été propulsé sur la Toile par ceux qui ne voulaient pas le voir, avec pour effet qu’il fut largement vu et pour conséquence d’être souillé de liquide mauve par un ancien élu frontiste.

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Censeurs à gauche

Il y a une sorte de résurgence d’un parfum rance entre la censure d’antan, que Jean-Luc Godard qualifia de “Gestapo de l’esprit”et celle d’aujourd’hui. Le 13 mai, des proches du parti d’extrême droite intégriste Civitas ont empêché le concert d’orgue que l’Américaine Kali Malone devait donner dans une église de Carnac (Morbihan), le jugeant « blasphématoire ». En avril, c’est un concert de l’icône LGBT Bilal Hassani, dans une église désacralisée de Metz, qui fut annulé.

L’Observatoire de la liberté de création, lié à la Ligue des droits de l’homme, déplore une hausse récente des menaces, insultes, annulations, censures. « Ça n’arrête pas »constatent ses responsables, Agnès Tricoire et François Lecercle (Libération du 11 mai). Selon eux, le cas Miriam Cahn donne une idée du projet culturel du RN. Mais ils constatent aussi que les censeurs sont désormais à gauche. « Quand on voit des groupes progressistes tenir un discours d’extrême droite par rapport aux œuvres, il y a de quoi être effondré. La gauche devrait plutôt s’occuper du terrain social que du terrain identitaire », ajoutent-ils dans le quotidien.

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L’art est pris en étau entre un puritanisme à droite et un puritanisme à gauche. Les premiers au nom d’une civilisation à défendre, les seconds de minorités à protéger. Instrumentaliser l’art, c’est oublier sa fonction première, « un entraînement de l’imagination »pour reprendre la belle formule de Miriam Cahn livrée à Artpress un mars.

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2023-05-19 06:00:09
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