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La quasi-totalité de la ville proteste contre la perte de l’art de vivre à la française : “Travailler c’est souffrir”

La quasi-totalité de la ville proteste contre la perte de l’art de vivre à la française : “Travailler c’est souffrir”
Manifestation à Morlaix le 31 janvier, au cours de laquelle les participants exécutent une danse bretonne

Nouvelles de l’ONSaujourd’hui, 07:52

  • Franck Renout

    correspondant France

  • Franck Renout

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Le maire Jean-Paul Vermot sort son téléphone et tapote le dossier de photos. “Regardez, là vous voyez le cortège de la semaine dernière, des centaines de mètres de long !” Il se dresse au centre de la ville médiévale de Morlaix, près de la côte bretonne.

“Ici à cet endroit où nous sommes maintenant, nous avons manifesté alors.” Il clique sur une des photos. “Si vous regardez bien, vous pouvez voir que nous faisons tous ensemble une danse bretonne dans la rue. Nous étions avec beaucoup de monde. La presse locale l’a qualifié d’ascension historique.”

A Morlaix, 10 000 personnes sont descendues dans la rue lors de la dernière manifestation contre la réforme des retraites. Et c’est remarquable : la ville compte moins de 15 000 habitants. Cela signifie que presque tous les résidents adultes ont manifesté. “Eh bien, pas tout à fait,” dit Vermot. “Il y avait aussi des participants des villes et villages voisins. Mais c’était du jamais vu, c’est vrai.”

Troisième jour d’action

Le gouvernement du président Macron veut faire passer l’âge de la retraite de 62 à 64 ans. Il y a eu deux manifestations et grèves massives contre cela ces dernières semaines à travers le pays. Morlaix était l’un des précurseurs : à notre connaissance, dans aucune autre ville, une aussi grande partie de la population n’est descendue dans la rue pour manifester.

Aujourd’hui est une troisième journée d’action à l’ordre du jour. « Nous participons aussi à nouveau », déclare le maire Vermot. « Les Français pensent que la mesure est injuste. J’y vais moi aussi. J’ai sous mes ordres des fonctionnaires qui travaillent dehors toute leur vie, dans le froid, la pluie, la neige. Vous ne pouvez pas laisser ces gens travailler jusqu’à l’âge de 64 ans.”

Beaucoup de Français le pensent. Dehors tous les sondages montre qu’une majorité de la population est contre la réforme des retraites. Le soutien aux manifestants est élevé et même en augmentation.

Maire Jean-Paul Vermot

Le maire socialiste Vermot nous fait visiter sa ville. Il y a de belles maisons anciennes, il y a un port de plaisance et au-dessus du centre se trouve un impressionnant viaduc en pierre de 62 mètres de haut, construit en 1865.

“Beaucoup d’électeurs de gauche participent aux actions, mais pas seulement, vous savez, dit Vermot en marchant. Si 10 000 personnes descendent dans la rue à Morlaix, alors il doit y avoir parmi eux des gens d’autres opinions politiques.” “

Mode de vie français

En discutant avec les habitants, force est de constater que le mécontentement est profond. L’augmentation de l’âge de la retraite est une préoccupation majeure pour les citoyens. Pas tant parce qu’ils doivent travailler deux ans de plus, mais surtout parce qu’ils ont peur que le mode de vie français ne doive mourir. La France a une semaine de travail de 35 heures et est l’un des pays qui en a le plus en Europe jours de congés par an. Et l’âge de la retraite est plus bas que dans les 62 ans actuels la plupart des pays voisins.

Beaucoup de Français ne veulent pas renoncer à ces acquis. Ils sont attachés à leur temps libre, à leur vie « hors travail ». “Pour beaucoup de Français, travail rime avec souffrance”, écrit le politologue de gauche Mathieu Slama, plaidant pour “le droit à la paresse”.

La plupart des habitants de Morlaix ne vont pas jusque-là, mais ils s’opposent au culte du travail tel qu’il existe dans certains autres pays, où le travail est sacré.

“La vie, ce n’est pas que le travail, dit le docteur à la retraite Hervé Gouedard. Il faut un équilibre entre le travail, la vie de famille et la vie sociale.”

Maire Vermot : “Nous travaillons différemment des Américains, par exemple. Les Français travaillent de longues heures, la productivité est élevée. En retour, nous avons plus de temps libre.”

Commerçant Samuel Coatrieux

Nous passons devant une boutique au centre de Morlaix. Le propriétaire, Samuel Coatrieux, vend entre autres du vin régional, du miel et du foie gras. Il a rejoint les manifestations. “Au début, les entrepreneurs étaient un peu hésitants, mais maintenant vous voyez qu’ils sont de plus en plus nombreux à participer aux manifestations.” Il dit aussi qu’il y a plus en jeu que de travailler deux ans de plus.

“Nous, Français, attachons une grande importance à la qualité de notre vie. Nous avons des congés payés, la semaine de travail de 35 heures et dans de nombreux autres pays, c’est moins bien réglementé. Pour beaucoup de gens, il faut prendre du recul. Cela est difficile à accepter Bien sûr, on a l’impression de perdre ce pour quoi on s’est battu dans le passé.”

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