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La lutte pour les retraites : en route vers une période pré-révolutionnaire en France.

La lutte pour les retraites : en route vers une période pré-révolutionnaire en France.

Le puissant mouvement social qui s’est développé en France en réponse à la réforme des retraites du président Emmanuel Macron est arrivé à une impasse. Cela est dû au manque de détermination de l’intersyndicale et à sa recherche d’un impossible compromis avec le gouvernement. Dans ce contexte, l’attaque bonapartiste de Macron, utilisant l’un des leviers les plus autoritaires de la Ve République (article 49.3 de la constitution) a non seulement ravivé les mobilisations contre son régime, elle les a amplifiées et changé leur caractère.

Loin du mouvement “pacifique” et “responsable” dont se vantaient les dirigeants syndicaux, la lutte se développe désormais selon des modalités auparavant contraintes par leur contrôle des grèves et des manifestations. Nous entrons maintenant dans un « moment pré-révolutionnaire » qui pourrait modifier le rapport de force entre les classes en France.

Un gouvernement en crise, incapable de gouverner

Le potentiel de la crise politique et sociale actuelle est lié, d’une part, à la crise gouvernementale soudaine dans le cadre d’une crise profonde du régime et, d’autre part, à la radicalisation du mouvement de masse. Le premier élément déterminant ici est la faiblesse de Macron. Il manque non seulement de soutien populaire, mais représente également une minorité au sein de l’assemblée.

Charles de Courson, député centriste indépendant et architecte central du vote de défiance multipartite auquel Macron a survécu lundi, a affirmé avant le vote :

Ce qui est certain, c’est que ce gouvernement ne pourra plus gouverner. Je ne suis pas sûr que le président de la République ait envisagé toutes les conséquences de sa décision. Le pays deviendra de plus en plus ingouvernable. Je pense que le gouvernement actuel est à l’agonie. On parle d’un changement de Premier ministre : cela me semble évident, mais cela ne résoudra pas le problème de fond. Ça va être très mauvais, à l’Assemblée nationale, au Sénat et dans la rue.

Cette situation se développe également dans le contexte de l’approfondissement de la crise organique du capitalisme français. Dans le contexte du bipartisme en crise qui assurait auparavant la stabilité politique de la France, l’administration bonapartiste Macron avait tenté de faire gagner quelques gains à la classe dominante en s’attaquant au système des retraites. L’incapacité de Macron à le faire démocratiquement non seulement affaiblit le rôle essentiel du régime présidentiel de la Ve République, mais ouvre la voie à une polarisation et à une tension politique de plus en plus difficiles à résoudre dans le cadre institutionnel.

Mécontentement et militantisme croissants

Le deuxième aspect et élément central du « moment pré-révolutionnaire » est la radicalisation de larges secteurs du prolétariat. Au cours des trois derniers jours, d’innombrables émeutes ont eu lieu dans différentes parties du pays, avec de nombreuses manifestations et actions. Beaucoup ont été spontanés, tandis que d’autres ont été appelés par les syndicats locaux ou départementaux en réponse à la radicalisation des travailleurs.

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Selon un article de Le Figaro Intitulée “Comment l’exécutif essaie d’arrêter la mécanique du chaos”, ces manifestations sont similaires à celles du mouvement des gilets jaunes qui ont secoué la France en 2018. “‘Se propageant comme un virus, les espaces publics et certains véhicules ont été touchés’ un officier de terrain qui a noté dans ces actions sporadiques “beaucoup de ressemblance avec les actions des “gilets jaunes”, lorsque le mouvement a commencé à échapper à tout contrôle”. à l’instar des révoltes de 2018, des distinctions importantes subsistent : elles n’ont pas atteint les mêmes niveaux de violence et, surtout, la mobilisation actuelle englobe différentes couches du prolétariat.

Contrairement au soulèvement de 2018, qui s’était concentré dans les zones suburbaines et semi-rurales, ici, le mouvement s’étend à l’ensemble du pays. Même la base des syndicats est touchée, y compris les plus réformistes, comme le montre l’action des syndicalistes de la CFDT à Dijon, brûlant des mannequins à l’effigie du gouvernement (action condamnée par le secrétaire général du syndicat Laurent Berger). Comme le disait le député de la Marne, Charles de Courson : « Aujourd’hui, les syndicats nous disent qu’ils ne sont pas sûrs de pouvoir ‘tenir les troupes’ longtemps, comme ils disaient. Nous avons commencé à voir les premières explosions hier soir. Le risque est que les syndicats ne soient plus capables de gérer le mouvement.

Pourtant, la principale différence par rapport à 2018 est que, contrairement au mouvement des gilets jaunes, les manifestations d’aujourd’hui prennent racine sur le lieu de travail. En se déroulant essentiellement hors des lieux de travail, le mouvement des Gilets jaunes n’a pas remis en cause l’essence de la relation salariale. En revanche, la mobilisation actuelle voit le mouvement ouvrier directement impliqué avec ses méthodes de lutte traditionnelles, la grève et les piquets de grève, et soulève ainsi toute une série de revendications et d’aspirations. Du rejet de la réforme à la remise en cause des conditions de vie et de travail, les discussions entre manifestants repoussent la logique profonde du capitalisme néolibéral et développent un caractère potentiellement anticapitaliste.

Alors que toute une série de grèves se poursuivent dans les secteurs de l’énergie, de la pétrochimie, des ports et, dans une moindre mesure, des chemins de fer et de l’assainissement, ces éléments relancent la possibilité d’une dynamique de grève générale de masse. Celle-ci avait déjà été posée après le 7 mars mais n’avait pu se concrétiser en raison de la démarche restrictive de l’intersyndicale. Par ailleurs, en réaction au déploiement par Macron de l’article 49.3, on a assisté à une radicalisation de la grève dans la raffinerie de Normandie, la plus importante de France, qui a conduit les grévistes à décider de fermer le site. On assiste également aux premiers signes de l’émergence de grèves sauvages, comme celle du centre de maintenance des wagons SNCF de Châtillon.

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Cette généralisation de la grève est en partie due à la faiblesse de la direction. Vendredi, des actions ont émergé dans plusieurs sites d’Amazon en France pour protester contre le développement des négociations contractuelles annuelles obligatoires avec les patrons ainsi que contre la réforme des retraites. Dans plusieurs usines automobiles du groupe PSA, des intérimaires en colère ont procédé à des arrêts de travail sporadiques pour protester contre le refus des patrons d’accorder des primes liées aux bénéfices de l’entreprise alors qu’ils les accordaient aux salariés permanents. Cette situation pourrait devenir explosive, et des luttes comme celles-ci pourraient se multiplier dans les jours à venir.

D’autres fronts pourraient également s’ouvrir. Comme Arnaud Benedetti, maître de conférences à l’université Paris-Sorbonne et rédacteur en chef de la revue politique et parlementaire en Le Figarosouligne :

L’acceptabilité du 49.3 en a pris un coup ; témoin des manifestations qui se sont formées à Paris et dans de nombreuses villes de province depuis son annonce. Il se pourrait que cette réforme des retraites soit une réforme trop régressive… L’enjeu dans cette zone de turbulences dans laquelle nous sommes passés sera pour l’exécutif de tout mettre en œuvre pour empêcher la jeunesse universitaire et lycéenne de rejoindre massivement le mouvement social. . Si cela devait arriver, nous approcherions des rives d’une crise majeure… »

Le principal obstacle : la direction du mouvement ouvrier

Face à cette crise politique et sociale, les bureaucraties syndicales agissent comme la dernière ligne de défense du régime Macron et de la Ve République. Si la brutalité du président et la radicalisation de la base ont contraint la direction de l’intersyndicale à appeler à une nouvelle journée de manifestation le jeudi 23 mars, elle évite comme la peste tout appel qui pourrait profiter de la crise politique pour vaincre le macronisme.

Alors que ceux qui sont en première ligne de la lutte dans la rue commencent à réclamer la démission de Macron, l’intersyndicale continue de cantonner le mouvement actuel à la seule demande de retrait de la réforme des retraites. Cette lâcheté a été explicitée par Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT : “Nous n’avons pas voulu nous mobiliser en début de semaine, car nous aurions piétiné le calendrier politique.” Interrogée sur la motion de censure qui sera discutée et votée ce lundi à l’Assemblée nationale, elle a répondu : « Nous-mêmes, nous ne prenons pas position là-dessus. Notre programme n’est pas de faire tomber le gouvernement. Notre ordre du jour est le retrait de la réforme. Interrogés sur les différentes plateformes de télévision ces derniers jours, les dirigeants de la CGT ont exprimé une position similaire.

Ce refus de politiser la lutte est un frein au développement du mouvement, à l’heure où il est possible de passer à l’offensive contre le gouvernement et contre Macron. Plus que jamais, les mots d’ordre “Macron démissionne” et “abrogation de la Constitution de la Ve République” sont à l’ordre du jour, ainsi que la défense d’un programme démocratique radical pour faciliter la lutte pour un gouvernement des travailleurs et les cours populaires.

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Il est donc prudent de dire que le principal obstacle à ce que le « moment » pré-révolutionnaire se transforme en une situation ouvertement pré-révolutionnaire ou même révolutionnaire réside dans la direction conservatrice et institutionnelle du mouvement ouvrier.

Comités d’action pour la grève générale !

Afin de surmonter cette contradiction, il est nécessaire de construire un pôle alternatif de direction du mouvement ouvrier qui renforce et coordonne les grèves, qui leur donne des perspectives et la détermination de remporter la victoire. C’est un élément déterminant pour que la situation puisse faire un bond révolutionnaire en étendant les actions pour construire la grève générale.

Malgré la poussée de radicalisation du mouvement, il lui manque encore des instances d’auto-organisation. Cette absence s’explique en grande partie par le fait que, jusqu’à présent, le mouvement a été façonné par le calendrier et les décisions de l’Intersyndicale. Si le mouvement acquiert une dynamique autonome et indépendante, l’intersyndicale aura de moins en moins de contrôle.

Si cette situation continue à s’intensifier, les grèves, les manifestations, les affrontements de rue et les émeutes deviendront de plus en plus inévitables. En tant que Révolution Permanente, organisation sœur de Left Voice en France, nous soutenons toutes ces évolutions, et la lutte pour les unifier afin de construire une grève générale. C’est le sens de la constitution du Réseau Pour la Grève Générale, qui commence à trouver un certain écho dans l’avant-garde, comme en témoigne le succès rencontré à la Bourse du Travail à Paris lundi mars Le 13, avant que la situation ne dégénère.

Lors de la prochaine réunion du Réseau, le 21 mars, nous défendrons le fait que ses militants, en partie grévistes de différents points chauds de la lutte actuelle, œuvrent à généraliser la création de comités d’action pour la grève générale, ouverts à tous militants et courants du mouvement ouvrier qui souhaitent défendre et construire une telle perspective.

Avec Révolution Permanente, nous affirmons la nécessité d’avancer dans la construction d’une représentation démocratique des secteurs en lutte, coordonnés à la base pour se doter d’une politique commune. C’est le seul moyen d’aller vers une véritable grève générale, et d’offrir une alternative révolutionnaire à la timide politique de conciliation de classe de l’intersyndicale. C’est le défi central des jours à venir.

Publié pour la première fois en français le 19 mars sur Révolution Permanente.

Traduction d’Antoine Ramboz

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