La doxycycline, lorsqu’elle est prise après un rapport sexuel sans préservatif, a montré une réduction significative du risque d’infection par trois maladies lors d’essais cliniques : la chlamydia, la gonorrhée et la syphilis.
Les CDC (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies), principale agence sanitaire fédérale américaine, sont chargés de prendre une décision sur de nouvelles recommandations. Ils doivent prendre en compte la nécessité de contenir les épidémies touchant des millions d’Américains, tout en évitant d’accroître la résistance aux antibiotiques.
“L’innovation et la créativité sont importantes en matière de santé publique, et nous avons désespérément besoin de nouveaux outils”, a déclaré Jonathan Mermin, un responsable des CDC.
Ces recommandations, qui devraient être publiées cet été, viseront probablement uniquement les groupes les plus à risque, tels que les hommes gays ou les femmes transgenres ayant déjà été infectés.
Cependant, certaines personnes se font déjà prescrire cet antibiotique à titre préventif. Malik, un habitant de Washington de 37 ans, qui n’a pas souhaité divulguer son nom de famille, a déjà utilisé la doxycycline deux fois sur les conseils de son médecin, après des rapports à risque, dont l’un avec un partenaire qui n’a pas mentionné avoir retiré son préservatif.
Les cas de ces trois infections bactériennes augmentent depuis une décennie et ont atteint 2,5 millions en 2021 aux États-Unis. Cela est dû en partie à la transmission accrue avec l’augmentation du nombre d’infections, mais aussi à la diminution de l’utilisation des préservatifs depuis l’introduction de la Prep, un médicament préventif contre le VIH.
De plus, les personnes prenant la Prep doivent se faire dépister tous les trois mois, ce qui permet de diagnostiquer davantage d’infections.
La doxycycline s’est révélée efficace dans trois des quatre essais cliniques menés. “Nous avons constaté une réduction des infections sexuellement transmissibles de deux tiers”, a déclaré Annie Luetkemeyer, qui a dirigé un essai américain. Cet essai a été réalisé sur 500 hommes ayant des rapports avec des hommes et des femmes transgenres. L’efficacité s’est avérée plus élevée contre la chlamydia et la syphilis (-80% d’infections) que contre la gonorrhée (-55%). Les effets secondaires étaient rares.
Cependant, étendre l’accès à la doxycycline suscite également des inquiétudes quant à la résistance aux antibiotiques, en particulier pour la gonorrhée, dont la bactérie mute rapidement. Les premières analyses sont toutefois rassurantes. Lors de l’essai clinique américain, les chercheurs ont comparé des échantillons de cette bactérie provenant d’infections malgré le traitement à la doxycycline avec des échantillons du groupe non traité. Le taux de bactéries résistantes était certes plus élevé dans le groupe traité, mais cela pourrait simplement signifier que l’antibiotique est moins efficace contre cette souche résistante, et non pas qu’il l’a causée, explique Connie Celum, coresponsable de ces travaux. De plus, si la doxycycline peut réduire de moitié le nombre d’infections, cela signifierait également qu’il faudra utiliser moitié moins d’antibiotiques contre la gonorrhée, ce qui préserverait leur efficacité.
D’autres études doivent être menées pour comprendre l’effet de la doxycycline sur d’autres bactéries, par exemple dans le nez ou les intestins.
Malik est heureux d’avoir pu utiliser la doxycycline en dernier recours, mais il souhaite que davantage d’hommes acceptent d’utiliser des préservatifs. Selon lui, depuis qu’il est venu aux États-Unis, moins d’hommes sont intéressés sur les sites de rencontre lorsqu’il dit ne pas vouloir avoir de rapports sans protection. Selon Stephen Abbott, médecin à Washington, il est crucial de prendre en compte les évolutions des comportements. “En discutant avec mes patients, et en tant que membre de la communauté sous Prep, je pense que l’ère de la prévention par les préservatifs est en déclin”, dit-il.
Selon un responsable d’une organisation culturelle à Londres, qui témoigne sous couvert de l’anonymat, le bruit autour de ce nouveau traitement s’est rapidement répandu, et il achète maintenant de la doxycycline au marché noir. Cet homme de 42 ans souhaite que le Royaume-Uni adopte également de nouvelles recommandations pour mieux guider les gens, notamment sur les dosages requis.
Pour la chercheuse Annie Luetkemeyer, la doxycycline ne sera pas la seule réponse à l’épidémie de maladies sexuellement transmissibles. Le développement d’un vaccin contre la gonorrhée serait également très utile. “Mais je suis optimiste, je pense que c’est un outil supplémentaire”, conclut-elle.
#EtatsUnis #vieil #antibiotique #transformé #arme #contre #les #infections #sexuellement #transmissibles
2023-11-01 03:42:19
