«Je n’ai rien contre les formes d’action militante», quotidien Junge Welt, 9 janvier 2024.

Le virage à droite en République fédérale d’Allemagne s’explique non seulement par les bons résultats des sondages en faveur de l’AfD, mais aussi par le fait que certaines de ses positions sont adoptées par les partis gouvernementaux. Selon vous, qu’est-ce qui motive ces actions du pouvoir en place ?

Le lien avec les partis bourgeois diminue. Même les plus petites promesses sociales faites par la coalition des feux tricolores ne sont plus prises au sérieux par la population. Les forces de gauche étant peu visibles, l’AfD peut gagner des voix grâce à ses revendications racistes contre les sections immigrées de la classe ouvrière. Les partis bourgeois adoptent parfois ces revendications ou les mettent en œuvre et les présentent comme un moindre mal. À mon avis, la véritable motivation est une restructuration réactionnaire de l’État afin de pouvoir faire respecter les intérêts impérialistes d’une partie du capital allemand. L’objectif est de redevenir capable de se battre, les protestations sur le front intérieur ne doivent pas devenir trop importantes et la population doit payer pour cette restructuration. L’AfD assume le rôle d’une pseudo-opposition qui divise la protestation sociale.

Aujourd’hui, le débat sur l’interdiction de l’AfD reprend. Quelle stratégie vous convient le mieux ?

Si une partie des partis bourgeois appelle à l’interdiction de l’AfD, mais qu’en même temps les revendications de l’AfD sont mises en œuvre, nous, en tant que gauche, devons par conséquent révéler notre adhésion à ces positions. Toute mesure de durcissement émanant des partis des feux tricolores et justifiée par le danger venant de la droite serait, comme auparavant, utilisée comme une répression contre la gauche. En outre, l’AfD ne perd pas le soutien d’une partie de la population en l’interdisant, mais plutôt en montrant des alternatives combatives dans la vie quotidienne des gens.

A Duisburg, vous participez à l’alliance « Chauffage, Pain et Paix ». La droite utilise le mécontentement face à la hausse des prix pour sa démagogie. Qu’est-ce que cela signifie pour les antifascistes ?

La protestation antifasciste doit toujours être anticapitaliste. À chaque réduction, il y a ceux qui en profitent et ceux qui sont responsables, et nous essayons de les nommer. Nous montrons, par exemple, ce qui pourrait être réalisé pour la population de Duisbourg avec les 100 milliards d’euros du plan de réarmement. Nous nous rendons dans les quartiers particulièrement touchés par la pauvreté et dans les groupes de population qui ne sont pas touchés par les manifestations antifascistes. Nous essayons de leur faire comprendre que dans les guerres et les crises, les riches s’enrichissent et les autres paient et que seule une résistance commune peut changer ces conditions.

De l’AfD à l’Alliance 90/Les Verts, personne ne veut faire payer ces profiteurs. Soit la population active doit payer, soit elle sera exclue racialement avec la fausse promesse qu’il y aura moins de concurrence pour les emplois et l’espace de vie dans la classe ouvrière. Ici, les gauchistes ne doivent pas seulement regarder les parlements, mais aussi essayer à nouveau d’organiser la protestation sociale dans les entreprises et les quartiers et toujours contrer les divisions racistes.

Les protestations des agriculteurs contre la tentative du gouvernement fédéral de combler les trous dans le budget en réduisant les subventions ont connu un premier succès. Mais ils ont rapidement été qualifiés de « foule de droite » par le gouvernement et leurs partisans. Comment la protestation de gauche devrait-elle réagir à cet environnement politique ?

En tant qu’enfant migrant d’une grande ville, je ne suis pas un expert en matière de protestations des agriculteurs allemands, mais les protestations contre les politiques d’austérité sont justifiées. En tant que communiste, je n’ai rien contre les formes d’action militante. Placer les manifestations dans le coin de la droite me rappelle beaucoup la diffamation médiatique du mouvement pacifiste comme étant ouvert à la droite. Nous, à gauche, devons soutenir les protestations contre les coupes budgétaires, mais nous devons également souligner que les diktats des entreprises alimentaires et l’évolution vers des exploitations agricoles toujours plus grandes doivent être brisés. Ici aussi, nous devons afficher une perspective anticapitaliste et anti-monopole qui inclut la possibilité d’une transition agricole respectueuse de l’environnement.