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ENTRETIEN. Maltraitance animale : « l’étourdissement avant l’abattage évite les souffrances

ENTRETIEN. Maltraitance animale : « l’étourdissement avant l’abattage évite les souffrances

Les deux abattoirs du groupe agro-industriel SVA, à Vitré (Ille-et-Vilaine) et à Trémorel (Côtes-d’Armor) ont mis fin, depuis le 1er juillet, à l’abattage sans étourdissement préalable des animaux. Autrement dit : l’abattage rituel. Entretien avec Frédéric Freund, directeur de l’association OABA, Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs .

Est-ce une première qu’un abattoir comme SVA renonce à l’abattage rituel ?

Ce n’est pas la première fois qu’en France un abattoir décide de ne plus pratiquer l’abattage sans étourdissement. Mais c’est sans doute la première fois que la décision est prise dans une optique de « bien-être animal ». Dans les autres cas, ce sont des considérations économiques ou sanitaires qui expliquent l’arrêt de ce type d’abattage.

Quel fondement juridique à l’abattage rituel, sans étourdissement ?

En France, grâce à l’action de l’OABA, l’étourdissement des animaux est imposé depuis 1964. Cette exigence a été reprise par les textes européens depuis 1974. Mais au niveau national comme européen, il est prévu une dérogation pour respecter les pratiques cultuelles. Ainsi, dans le cadre des rites halal et kasher, il est possible de ne pas étourdir l’animal lors de sa saignée. Le règlement européen actuellement applicable (règlement UE 1099/2009) renvoie aux États membres la responsabilité d’appliquer ou non cette dérogation à l’étourdissement des animaux.

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Est-ce une souffrance animale reconnue ?

Les avis scientifiques sont unanimes pour reconnaître que la meilleure façon de limiter les souffrances d’un animal lors de son abattage, est de réaliser un étourdissement qui le plonge dans un état d’inconscience avant sa saignée et durant toute la durée de celle-ci. La Fédération des vétérinaires d’Europe a adopté une telle recommandation en 2002. Le Conseil national de l’ordre des Vétérinaires français a rappelé cette exigence en 2015. Plusieurs rapports scientifiques (INRAE 2009, EFSA 2004, CGAAER 2016) reconnaissent que l’abattage sans étourdissement entraîne de plus grandes souffrances chez les animaux, principalement les bovins, en raison d’une perte de conscience retardée.

Quel serait le pourcentage d’abattage de ce type en France ?

Le ministère de l’Agriculture ne souhaite pas répondre à cette question. Il invoque une absence de données statistiques. Ce qui est un mensonge car les services vétérinaires doivent vérifier, selon le code rural, que la pratique de l’abattage rituel correspond à des commandes spécifiques. En vérifiant si le volume d’abattage correspond aux commandes, on obtient forcément des données. Si le ministère ne veut pas les communiquer c’est qu’elles sont mauvaises ! Officiellement, les derniers chiffres diffusés en 2017 par le ministère de l’Agriculture faisaient état de 14 % de bovins abattus sans étourdissement et de 28 % pour les ovins caprins. Ces chiffres sont très certainement sous-évalués. Lors de nos audits en abattoirs, nous constatons en effet que le volume d’abattage sans étourdissement atteint dans certains abattoirs plus de 60 % des animaux.

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Quels pays ont réussi à l’interdire ?

En vertu du principe de subsidiarité, les États membres de l’UE peuvent appliquer ou non la dérogation rituelle au principe de l’étourdissement des animaux lors de la saignée. Ainsi, plusieurs États européens ont interdit l’abattage sans étourdissement : Danemark, Finlande, Luxembourg, Slovénie, Suède, Belgique (Wallonie et Flandres), Grèce. D’autres, comme l’Autriche, l’Estonie, la Lettonie, la Slovaquie, ont imposé des techniques destinées à rendre l’animal égorgé immédiatement inconscient (étourdissement post égorgement, encore appelé « soulagement »).

Quel est le pourcentage de viande « rituel » dans le circuit de distribution sans que le consommateur ne soit au courant du mode d’abattage de l’animal ?

En raison de l’absence supposée de statistiques, il est impossible de répondre précisément à ce jour à cette question. La dernière statistique officielle remonte à 2005, dans un rapport du COPERCI où les données collectées par les services vétérinaires de Haute et Basse Normandie faisaient état de 60 à 70 % de viandes rituelles « déclassées » reversées dans le circuit conventionnel à l’insu du consommateur.

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Comment expliquer ces chiffres élevés ?

Pour des raisons religieuses : les consommateurs juifs ne peuvent consommer la viande des parties arrières de l’animal (les parties qui touchent le nerf sciatique). De sorte que près de la moitié de la carcasse ne peut être kasher. Elle est donc reversée dans le circuit commun plutôt que d’être jetée.

Pour des raisons économiques : les musulmans consomment les abats et les avants. Tout le reste qui ne trouve pas preneur sur le marché halal est donc reversé dans le circuit commun.

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