Enquête sur les abus des fournisseurs d’électricité : Quand le prix de l’énergie devient injuste

Le magazine d’enquête de France 2 a enquêté, en collaboration avec la «Revue XXI», sur les abus et les fraudes des fournisseurs d’électricité, qui participent à l’augmentation des prix.

La scène est frappante. La bouche entrouverte, joignant ses deux mains, Emmanuelle Wargon perd ses mots. Littéralement. «Est-ce qu’on peut couper trente secondes ? Je voudrais réfléchir à comment je réponds proprement à votre question» se justifie l’ancienne ministre, aujourd’hui présidente de la Commission de régulation de l’énergie. La question semblait pourtant simple : «Est-ce que vous vous dites aujourd’hui que les clients payent le juste prix de l’énergie ?» Publiée sur les réseaux sociaux, cette vidéo annonce l’émission «Complément d’enquête» «Electricité : l’injuste prix», diffusée ce jeudi 7 mars 2024 à 23 heures. Dans leur nouvelle enquête, en collaboration avec la revue XXI, les journalistes Hugo Puffeney et Juliette Jonas s’attaquent aux dérives des fournisseurs d’électricité.

De faux arguments de vente

Pendant cinquante-quatre minutes, le magazine de France 2 revient sur les pratiques trompeuses, voire frauduleuses, de plusieurs entreprises d’énergie. Le géant italien du gaz, ENI, aux 93,71 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023, est épinglé depuis plusieurs années. En cause, des facturations inexactes, des paiements imputés à tort et des pratiques illégales lors des démarchages. Il a été condamné à une amende de 3 millions euros en 2021, pour «dénigrement et parasitisme à l’encontre d’EDF». L’enquête révèle les comportements des démarcheurs d’un sous-traitant d’ENI, qui n’hésitent pas à créer des adresses mail pour leurs clients ou se dire mandatés par l’Etat. Les arguments de vente sont faux : l’un des démarcheurs promet 20 % d’économie sur la facture, sans que ce soit inscrit dans le contrat. «C’est sans doute un cas isolé», répond l’entreprise de démarchage. De son côté, la directrice des affaires publiques d’ENI, Naïma Idir, affirme qu’un plan de formation et de contrôle a été mis en place. EDF n’est pas non plus épargné. Sa filiale de démarchage connaît les mêmes dérives.

L’augmentation du prix est même une aubaine pour certains fournisseurs. Les deux journalistes pointent le comportement d’Ohm Energie, qui pousse ses propres clients à résilier leur abonnement. Ils vendent l’électricité en trop sur le marché financier plus cher, jusqu’à huit fois le prix d’achat : 44,3 millions d’euros générés grâce à cette méthode, selon Complément d’enquête, ce qu’Ohm Energie conteste. L’entreprise est aujourd’hui ciblée par une enquête de la Commission de régulation de l’énergie pour ses pratiques.

Un fonctionnement trompeur

Face à l’explosion des prix de l’électricité, les clients cherchent de meilleurs contrats. Mais même les comparateurs de fournisseurs déraillent. Le groupe Selectra promet les «meilleures offres» sur leurs sites de comparaison. Complément d’enquête met à jour un fonctionnement trompeur, où les fournisseurs payent les plateformes du groupe pour être mis en avant. Au central d’appels de la société, les employés recherchent le tarif préférentiel directement sur le site du fournisseur qu’il souhaite vendre, plutôt que de passer par le comparateur. «On te demande [de conclure] un contrat de l’heure mais surtout un contrat tous les trois appels», glisse l’un d’eux. L’industrie des panneaux photovoltaïques n’est pas épargnée par les arnaques de démarcheurs peu scrupuleux.
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