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Des dérives et une obsession croissante des chercheurs envers les citations de leurs articles

Des dérives et une obsession croissante des chercheurs envers les citations de leurs articles

Depuis une vingtaine d’années, on observe une obsession de plus en plus malsaine des chercheurs envers les citations de leurs articles. Au point que récemment certains ont crié à l’« injustice citationnelle » ! Dans un reportage sur ce sujet paru en 2022 dans la revue Nature, on voit même des chercheuses porter un tee-shirt sur lequel est écrit : CITEZ LES FEMMES NOIRES. Un algorithme mesurant l’« équité » des citations dans les articles a aussi été créé. Il faut avouer que l’idée selon laquelle le choix des articles à citer devrait tenir compte des caractéristiques physiques des personnes (sexe, couleur de peau, etc.) et non plus seulement de l’intérêt du résultat paraît des plus curieuses. Cette fixation sur les citations a même incité des chercheurs à en faire un usage stratégique en se citant entre groupes complices. Pour contrer ce phénomène, des algorithmes tentent de détecter ces « cartels de citations » !

L’obstacle le plus important à l’attribution des citations à la bonne personne étant l’existence d’homonymes, les chercheurs ont aussi modifié leur façon de s’identifier. En 2009, une solution radicale est ainsi apparue : la création d’un « code-barres », l’Orcid (pour ID de chercheur et de contributeur ouvert), qui transforme le chercheur en numéro. Cet usage demeure encore très marginal, mais certaines revues l’imposent. Ainsi, je n’ai pas eu d’autre choix que de créer mon propre Orcid pour publier dans certaines revues… Et face aux demandes de « justice citationnelle », qui sait si l’Orcid n’exigera pas bientôt d’indiquer son « genre » et sa « couleur de peau » ?

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À mon avis, ces dérives et cette nouvelle obsession s’expliquent par la multiplication des évaluations des chercheurs fondées sur le nombre de citations comme indicateur de « qualité ». Depuis au moins le XVIIe siècle, l’acte de citer a d’abord pour fonction de rappeler les travaux antérieurs sur un sujet donné. La citation vise ainsi les résultats et non pas la personne, même si, comme sanction de la priorité des découvertes, elle joue aussi un rôle important en accordant une reconnaissance symbolique. Ainsi, en septembre 1632, Galilée s’était plaint à un ami que le jeune mathématicien italien Bonaventura Cavalieri, à qui il avait fait connaître sa fameuse découverte de la trajectoire parabolique des corps lancés et en chute libre, avait publié ce résultat dans son nouveau livre alors qu’il aurait été plus « courtois » de le laisser publier son volume en premier… ce qu’il ne fit qu’en 1638 ! Et dans les années 1770, le comité des publications de l’Académie des sciences demandait aussi aux auteurs de citer ce qui avait été publié auparavant sur le sujet traité.

Les discours sur la « justice citationnelle » tiennent pour acquis le modèle dominant d’évaluation de la recherche fondé sur les citations

Ce qui frappe dans les discours sur l’équité ou la justice « citationnelle » est qu’ils tiennent pour acquis le modèle dominant d’évaluation de la recherche fondé sur les citations au lieu de le remettre en cause. Aussi, ces discours oublient que plusieurs raisons matérielles peuvent expliquer les différences observées dans la distribution des citations : prestige de l’institution d’attache, accès à des instruments de qualité, publication dans une revue moins connue, manque d’intérêt des chercheurs pour certains problèmes, etc.

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En somme, au lieu d’accepter sans critique la citation comme unité de mesure de qualité et ensuite imposer aux chercheurs des quotas par genre, couleur de peau, etc., mieux vaut éviter ces dérapages et rendre plus compliqué le calcul des citations. Par exemple en ne mettant que les initiales suivies du nom ou en imitant les grandes collaborations en physique des particules qui n’indiquent que le nom du groupe, montrant ainsi que la science est de nos jours plus collective qu’individuelle.

#Lobsession #des #citations #Pour #Science
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