Michel Gélinas, ancien imprésario et artisan de la création de Musicaction, est décédé vendredi à l’âge de 86 ans.
Fils de l’homme de théâtre Gratien Gélinas, Michel Gélinas a baigné dans le milieu culturel dès son plus jeune âge. Or, il s’est rapidement montré plus intéressé par les affaires que par la scène.
En 1957, alors étudiant en administration à l’École des hautes études commerciales, il est mis à contribution par son père en tant qu’administrateur adjoint de La Comédie-Canadienne, l’ancêtre du Théâtre du Nouveau Monde, avant d’en devenir, à 24 ans, le directeur général. « Gratien Gélinas a fondé La Comédie-Canadienne dans l’objectif d’en faire un lieu de diffusion du théâtre québécois, raconte Philippe Gélinas, fils du défunt. Mon père l’a toutefois convaincu d’organiser des tournées de chanteurs et de vedettes francophones pour remplir la salle certains soirs, et ainsi financer le reste des opérations. Il a ainsi produit les premiers spectacles de Gilles Vigneault, d’André Gagnon et des Cyniques, notamment. »
N’hésitant jamais à prendre des risques, l’homme d’affaires est également à l’origine du succès de l’adaptation québécoise de la comédie musicale Cheveuxen 1970, ayant réussi notamment à convaincre les producteurs de lui accorder les droits, et la Place des Arts de présenter le spectacle, malgré les controverses — drogues, sexualité, nudité — qu’il sème sur son chemin.
Fort de son succès et de précieux contacts, Michel Gélinas entame la même année une fructueuse carrière d’imprésario. Pendant 12 ans, il organise les tournées des plus grands noms de la chanson française, qu’il accompagne dans des salles de spectacle partout au Canada et aux États-Unis. Parmi ses clients figurent Gilbert Bécaud, Jacques Brel, Serge Lama, Yves Montand, Joe Dassin, Gérard Lenorman, Salvatore Adamo, Mireille Mathieu et Roger Whittaker.
« Mon père racontait toujours que Jacques Brel lui cassait les oreilles avec l’aviation et le plaisir de piloter son propre avion. Un jour, il l’a écouté. Il a obtenu son brevet de pilote, et a conduit lui-même les artistes qu’il représentait à travers l’Amérique du Nord. Il nous a transmis sa passion », relate le fils aîné de Michel Gélinas, Gabriel.
Après un bref passage à la présidence de l’ADISQ de 1982 à 1985, il participe à la création de la fondation Musicaction, dont il devient le premier président. L’organisme, qui soutient le développement et la commercialisation de productions musicales francophones, est né à l’initiative des professionnels de la radio et de l’industrie du disque et du spectacle, qui déploraient la piètre qualité des enregistrements de chansons francophones. Michel Rivard et Richard Séguin ont été parmi les premiers à bénéficier de l’aide du programme. « Musicaction a grandement contribué à l’essor de la scène musicale montréalaise telle que nous la connaissons aujourd’hui, et l’a aidée à faire sa marque en Amérique du Nord », souligne Philippe Gélinas.
Pour plusieurs stratèges du milieu culturel, Michel Gélinas a été un véritable mentor. « Il est, avec Guy Latraverse, Claude Ranallo et Gilles Talbot, l’un des pères de l’industrie musicale telle qu’on la connaît aujourd’hui, note Pierre Rodrigue, président du conseil d’administration de Musicaction. Tout était à faire. Il travaillait avec des monuments de la culture, et pourtant, il était d’une grande humilité, toujours disponible et généreux envers les jeunes qui souhaitaient apprendre. Je vais garder un souvenir extrêmement vif de Michel Gélinas. »
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